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18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 09:33

Le 16 mars, avant la remise des prix du troisième concours de nouvelles, étaient mises à l'honneur les étoiles de la nouvelle de Pp éditions toutes gagnantes d'un prix dans les précédentes remises de prix :

 

Geneviève Casaburi pour Le carillon du temps

interview 2 fantôme

LE CARILLON DU TEMPS  version scène    d’après Geneviève Casaburi

avec Geneviève Casaburi (le fantôme) Danyel Camoin (l'horloger) Joseph Lévonian (le notaire)

  

Un vieil homme, Léonce, le regard fixé sur une photo jaunie. Elle et lui le jour de leur mariage.  Le tic tac incessant des horloges résonne.   

Scène 1  (Le vieil homme,  béret, cheveux blancs et lunettes, gilet et canne, s’assoit à son établi )

« 1884. Une terrible année. Une ville entière se meurt d’une horrible épidémie.

Dans sa bonté, elle va aider. Essuie les fronts. Lave les corps. Et se meurt elle aussi en laissant dans mon cœur un vide immense et dévastateur. J’étais à ses côtés faisant les mêmes gestes qu’elle avait faits sur les malades. Mais elle a été emportée, une nuit à minuit.

Elle les aimait tant ces horloges.

Un jour qu’elle était venue me voir travailler, et qu’elle errait dans l’atelier, elle avait trouvé le corps d’une horloge à poser. Le mécanisme ne marchait plus. La plupart des pièces se trouvaient dans une petite cassette. ( boîte en fer)

Elle l’avait aimée et imaginée telle qu’elle devait être à l’origine. Elle l’adorait et voulait que je la répare. Elle en avait tellement envie…

Mais j’ai refusé… Oh ! gentiment mais les commandes avaient afflué et il fallait les honorer.

Mon travail prit du temps pour qu’à la fin, la maladie me ravisse ma bien aimée.

 

L’horloge resta pendant des années dans un meuble centenaire. Pourtant, c’est sur cette merveille que je m’use la vue, tous les soirs. Mes gestes sont tremblants, beaucoup moins précis qu’avant. Mais je sais qu’à la fin ce sera le plus magnifique cadeau que je lui ferai.

J’ai même oublié mon repas de midi. Mes jambes sont engourdies et mon dos me fait mal.. Mais qu’importe. J’aurai bientôt fini. Mes yeux me brûlent…

(Il les ferme un instant, pour les rouvrir presque aussitôt et continuer son travail.)

 

Le dernier rouage, du complexe mécanisme est en place. On va positionner toutes les aiguilles sur 11h55…

 

(Il se lève et jette un regard aux autres horloges qui garnissent les murs. Le son familier et métallique se fait enfin entendre. Un sourire se dessine sur ses lèvres. Les deux mains posées sur son œuvre : il se rassoit…)

Je veux ressentir les vibrations de chaque coup de sonnerie, comme le battement d’un cœur. Son cœur à elle.

Mais là, c’est la musique chère à mon cœur, à moi, qui commence.

Dong. Dong. Dong ! Comptez chaque coup. Cinq. Six…Dix. Onze.

(Et c’est le silence.. Il se retourne. Apparition  en blanc)

 

Elle est là. Au milieu de la pièce. Aussi belle que dans mon souvenir. Elle me sourit.

Je rêve. Non. Elle est bien là. Son parfum. J’ai tellement de questions à lui poser. Tant de choses à lui dire, restées en suspens. J’ai peur. Peur de la toucher et qu’elle disparaisse à nouveau. Mais elle est bien là… Elle n’a pas vieilli…

(Il se lève d’un bond et ne paraît plus courbé et meurtri ; ils se parlent avec les yeux. Longuement. Puis le regard de sa bien-aimée se dirige vers son établi et y découvre son cadeau.)

Le temps s’est arrêté. Plus aucun « tic-tac ». Et à travers la fenêtre, la pleine lune brille de mille feux. (Elle tend la main)

Attends. Je prends la pendule. »

(Elle prend sa main et l’entraîne vers leur appartement… Ils disparaissent derrière le rideau noir)


 Scène 2  (Un homme avec un chapeau melon et une veste s’avance )

J’ai frappé à coups redoublés sur la porte en bois de l’atelier. Je suis notaire…

J’avais rendez-vous avec ce vieil homme pour mettre en ordre ses affaires. Voici les papiers

(Il brandit une liasse de papiers)  Il n’avait jamais raté un rendez-vous tant il est minutieux.

Inquiet j’ai appelé un agent ; nous sommes entrés en forçant la porte…

en appelant le vieil homme.

Toutes les horloges étaient arrêtées sur minuit.

Personne dans la cuisine, ni dans la salle à manger.

Aucune réponse. Nous avons ouvert lentement une porte. La lumière du couloir éclairait la pièce. Nous étions figés tous les deux…

Le vieil homme est là haut dans la chambre. Allongé sur le lit, inerte, seul, serrant tout contre son cœur une horloge.

Un dernier sourire sur les lèvres. "

 

 Mise en scène Danyel Camoin ; Présentation Denise Biondo   

 

 Erine Lechevalier pour la lettre

 

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LA LETTRE d’après Erine Lechevalier  version courte pour scène.

 avec Joëlle Foin (Elise) Danyel Camoin (un courtier) 

 

Élise vient de ramasser une dernière fois le courrier qui traînait dans la boîte aux lettres. Elle parle au courtier de l’agence immobilière…

 

 Ah ! Bonjour. Je trie mon courrier, je jette tous les prospectus à la poubelle et je rentre une dernière fois à la maison… après c’est le grand départ. Tiens, il reste une lettre. (Elle ouvre une enveloppe entre ses mains et en sort la lettre)

Tè, je m’assois là une dernière fois…

 

( Et les yeux hagards, elle raconte )

« Ne t’inquiète pas ! » avait dit mon mari. Et je l’ai laissé partir seul. Martin avait mis beaucoup de temps à rentrer. À son retour, il s’était assis à la table de la cuisine, pendant que d’une main tremblante, je lui préparais un café. La maladie était là : le verdict était sans appel.

Je revois le visage de mon époux où la peur se lisait.

Pourquoi ? Seigneur pourquoi ? Tout allait si bien.

Cet après-midi là, je l’avais rejoint dans le salon où il regardait une émission. Le chien était allongé à proximité du fauteuil où il se trouvait. Je lui avais dit que je partais faire des courses avec les enfants et que je rentrerai tard.

À mon retour, il n’était plus là. Il n’était pas parti bien loin sans doute, le chien était resté près du fauteuil. Je l’avais appelé mais, sans réponse j’avais entrepris de préparer le repas.

Je n’avais pas remarqué que dans l’angle du salon, la vitrine du râtelier était ouverte. Plus tard, les enfants s’étaient couchés et Martin n’était toujours pas rentré.

Debout devant la fenêtre de la cuisine. J’avais attendu de plus en plus angoissée quand soudain des phares avaient éclairé le portail. J’avais poussé un soupir de soulagement mais les phares s’étaient éteints. Ce n’était pas sa voiture.

Réprimant un frisson j’étais sortie précipitamment pour ouvrir le portillon. Deux gendarmes m’avaient saluée.

J’avais regardé sans comprendre le fusil de chasse que tenait un des officiers. Profitant de mon absence, Martin était parti dans la colline. Des randonneurs avaient trouvé son corps inanimé. Il tenait une feuille de papier dans sa main où il expliquait que la maladie l’avait poussé à commettre ce geste…  désespéré. 

Elle fixe de nouveau le papier avec plus d’attention et parle plus lentement…)

 

Mais cette lettre que je viens de recevoir... Elle date du printemps dernier ! Juste quelques jours après l'annonce de la maladie. ( elle parle par saccade : émotion dans la voix) Une regrettable erreur informatique… C’est ce qui est écrit…

Les examens ne concernaient aucunement monsieur PHILIPPE Martin mais monsieur MARTIN Philippe… et on lui demandait de se présenter… pour refaire une série d’examens… (elle se lève et marche )

Six mois de retard ! La lettre a six mois de retard…( Elle lâche la lettre)

Martin est mort depuis cinq mois.

 

 

Mise en scène : Danyel Camoin  Présentation : Denise Biondo   

 

 

Michèle Durand pour Je vais trés bien docteur !

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JE VAIS TRÈS BIEN, DOCTEUR !

de Michèle Durand avec Guy Feugier et Edouard

 

- Reprenons, Monsieur Pharogna, vous êtes arrivé ici en urgence alors que vous présentiez tous les signes d’une violente crise d’angoisse. Cela vous est-il coutumier ?

 -Ma vie pourrait être tout à fait normale, Docteur, s’il n’y avait les autres.

- Que voulez-vous dire par là ? Les autres, comment voulez-vous vivre sans eux ?

- Justement, la cohabitation est inévitable. Ils ne me supportent pas plus que je ne les supporte. Tout ce gaspillage, cette débauche de consommation, cette frivolité dans les tenues vestimentaires, cet acharnement à l’idéologie informatique, ces fashion-victims que je croise partout, cette folie des voyages : ce n’est que de l’argent gaspillé.

- Tout à fait d’accord avec vous, Monsieur Pharogna, la société de consommation est en train de nous phagocyter. Mais, nous pouvons ...

- S’il n’y avait que ça ! Je refuse de me laver tous les jours, car l’eau est de plus en plus rare, je refuse de manger à chaque repas, car la nourriture coûte de plus en plus cher, et je refuse tout net d’inviter des pseudo-amis à boire un verre, pour partager quoi, je me le demande ? Les amis, on ne les voit que quand ils ont besoin de nous.

- Ainsi, je comprends mieux l’étendue de vos problèmes, Monsieur Pharogna. Vous disposez de convictions inébranlables. Vous vous sentez seul. Avez-vous des enfants ?

- Deux, un garçon et une fille : presque fâché avec eux. Ils voudraient que je leur cède une partie de mes actions et que je leur donne  à chacun l’un de mes appartements. Ils croient au Père Noël ! Comme moi, ils n’ont qu’à travailler pour se les payer.

- Sans indiscrétion,  à combien se montent le total de vos actions ainsi que le nombre de vos appartements ?

- Oh ! Seulement six appartements mis en location, un mas dans le Lubéron et un chalet à la montagne, plus ma résidence principale évidemment. Pour les actions, j’ai diversifié. Mon portefeuille tourne autour du million d’Euros. Juste de quoi vivre tranquillement à la retraite, vous voyez.

- Je vois, je vois surtout que toute cette fortune vous isole.

- Vous appelez ça une fortune ! Ce sont les autres qui m’isolent pas moi. Leur regard désapprobateur et leurs paroles dans mon dos ne m’échappent pas, vous savez.

- Évidemment. Une autre petite question, Monsieur Pharogna, vous arrive-t-il de faire des cadeaux ?

- Des cadeaux ? Quelle idée ! Encore une invention de la société de consommation, ça, les cadeaux, comme la Fête des Mères, celle des Pères, la Saint-Valentin. On n’a pas besoin de cadeaux dans la vie. On peut s’acheter ce que l’on désire soi-même.

- Mis à part le fait que vous, vous n’achetez presque jamais rien, n’est-ce pas ?

- Nul besoin, je dispose de tout le nécessaire.

- Vous êtes atteint d’un syndrome d’avarice et ce syndrome vous distancie des autres. 

- Me distancie ? Syndrome ? Vous prétendez donc que je suis malade, Docteur, malade d’avarice ? Mais, absolument pas. Je ne vois vraiment aucune raison vous autorisant à m’affubler d’une quelconque tare. En outre, je ne suis pas avare, je suis économe.

- C’est vous qui parlez de tare, pas moi. Vous avez vu comment vous êtes habillé, Monsieur ? Vous ressemblez à un SDF et pourtant vous êtes millionnaire.

- Et alors, en quoi l’allure que j’ai vous importune-t-elle ?

- Vous savez, personnellement, votre allure ne me gène en rien. Je cherche juste à comprendre le plaisir que vous trouvez dans la vie, Monsieur.

- Le plaisir, le plaisir, mais pourquoi faîtes-vous allusion à cette notion ? Qui a dit que dans la vie, on devait avoir du plaisir ?

- Le plaisir peut se trouver partout, Monsieur. Prenez cette phrase de Victor Hugo : « Et je marche vivant dans mon rêve étoilé … » Ne trouvez-vous pas qu’elle apporte du plaisir à nos oreilles ?

- Foutaise. La poésie, c’est pour les paresseux et les inactifs.

- Ne vous énervez pas ainsi, Monsieur. Que vous arrive-t-il ? Vous semblez étouffer.

- Je n’arrive plus à respirer, j’étouffe, au secours !

- Calmez-vous, Monsieur Harpagon, pardon Pharogna. Par hasard, n’essaieriez-vous pas d’économiser l’air que vous respirez ?

 

 

Mise en scène  : Guy Feugier et Edouard Rostain.   

   Présentation: Denise Biondo

 

 

 

 

Céline Lacomblez pour Reflets oubliés

 

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REFLETS OUBLIES    adaptation scénique  d’après Céline Lacomblez

avec Danyel Camoin (le noyé) Denise Biondo (la voix de la fillette) Mireille Miau (l'infirmière)

 

Sombre orifice enseveli sous les lumières, combien d’âmes as-tu prises ?

Je n’ai aucun souvenir, je ne reconnais rien de ce qui m'entoure. Je glisse sur un sol visqueux vers un étrange tunnel.

La fillette, elle, s’est laissée engloutir sans peur. Son rire s’éloigne, puis revient, tourne autour de moi. J’entends sa voix…

Denise(voix off)–– Tu dois entrer !

Petite créature éthérée aux pieds nus. Elle écarte les cheveux blonds qui collent à son visage angélique, me sourit, puis elle m’entraîne… Je ne vois pas grand-chose, la lumière s'estompe. Un halo faible guette notre arrivée en contrebas. L'espace parait s'élargir ; les mots de ma jeune guide ne cessent de résonner à l’infini.

(voix off) Sous la ville, nous voici.

Miroir de ténèbres, nous dansons dans le bois sombre sans horizon.

Mille vies de lumière sur le lac, nous attendons.

Dans le rayonnement diffus, j’entrevois des objets abandonnés à même le sol, un vieux portable, des clés. Là où le brouillard est moins dense, je distingue des masses qui pourraient tout aussi bien être des silhouettes humaines ou des stalagmites. Le tunnel s’élargit toujours, il se mue en un vaste gouffre. Nous descendons encore. L'enfant chante, elle rit, m’entraîne plus vite.

Je glisse, je me rattrape. J'entends siffler des oiseaux, le vent dans les feuilles, les clapotis d'un ruisseau.

Denise voix off :–– Sous la ville nous voici !

Un volatile me frôle, il me dépasse. Il plane dans la nuit, vrille et se pose la tête en bas, les serres fichées dans un support invisible. Son air mélodieux, illumine le néant. Devant moi, émerge un royaume végétal peuplé d'arbres qui se parent d'une phosphorescence douce et bleutée. Une forêt entière, reflet glacé, inversé, d’une réalité improbable qui ancre solidement ses racines dans la voûte minérale et dont les innombrables cimes pointent vers les entrailles de la Terre.

Le plan calme d’un lac se révèle au-dessus de moi. Les feuilles des arbres y tombent, mais peut-être ne sont-elles que des centaines de lucioles s’élevant à sa rencontre pour s’y noyer. La fillette réapparaît, la tête en bas, les mains en porte voix, elle chuchote les dernières paroles.

Denise voix off :–– Mille vies de lumière sur le lac, nous attendons.

–– Mais Qu’attendez-vous ?  

Denise voix off –– Vivre au travers de vos reflets.

Les profondeurs obscures des souterrains deviennent mon ciel. L'étendue liquide qui me surplombait se trouve maintenant sous mes pieds. L'univers tangue, s’inverse ; mon cœur se soulève.

La surface est une mince pellicule glacée que je percute sans force et traverse. (Il s’assoit sur un monticule)

Cerné par les eaux, je flotte. Sur les berges scintillent la ville et ses hautes tours. La forêt a disparu. Dans le ciel brille la lune. Trempé, je grelotte. L’enfant reste invisible, pourtant ses murmures caressent toujours mes oreilles.

Denise en voix off : –– Nous sommes partout. La forêt sous la ville. La forêt sous le monde des Hommes, les reflets oubliés.

 

(Intervention de l’infirmière qui appuie sur son ventre ).

Hé, vous m’écrasez la poitrine. C’est douloureux. Arrêtez !

( Il inspire soudain entre deux à-coups... Une toux incontrôlable le secoue :il crache de l’eau)

Des lumières bleues tournoient. Je perçois des murmures, des soupirs de soulagements.

Denise en off –– Comment allez-vous ?

 L'infirmière : Votre véhicule sorti de la route, vous avez dû vous en extraire et nager près du rivage. Une chance que cette gamine vous ait vu depuis la voiture de ses parents. Vous auriez pu y rester.

 

Un petit ange, cette enfant ! Là-bas, à l’écart. Ses cheveux couleur des blés, elle ressemble à la fillette du monde souterrain.

 

 

Mise en scène : Danyel Camoin Présentation et voix off : Denise Biondo

 

 

 

Danyel Camoin pour La fille en blanc

 

 

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 La fille en blanc  d'après Danyel Camoin

avec  Danyel Camoin (le vieux) Geneviève Casaburi (la fille en blanc) Rosette Escoffier (la gouvernante)

 

(Un vieux marmonne dans un fauteuil)

-Rosette… J’ai vu une fille dans l’autre fauteuil !

-Mais non, il est vide…

-Pourtant, j’aurai juré…

-Vous avez dû trop boire, prenez vos cannes et allez vous coucher !

-C’était une rousse avec des lunettes et un regard glacial, toute vêtue de blanc virginal comme les déesses ou les anges…

 (il saisit son portable) 

Merde ! Mon portable ne fonctionne plus… Le téléphone direct non plus d’ailleurs

J’aurais appelé ma sœur !

Au moins un an que l’on ne s’est pas parlé …

Oui mais là c’est bientôt Noël, et pour Noël, quelquefois on voit des miracles ! Mais avec un téléphone en panne…

(il regarde de nouveau l'autre fauteuil) 

Tiens, elle est revenue !

(à voix basse) Non je ne dirai rien, Rosette ne vas encore pas me croire !

Mais vous, qui êtes-vous ?

La fille répond :

-La fille de Dieu, je suis venue vous secourir…

-Moi ?

-Oui, vous ne pouvez plus marcher, n’est-ce pas ?

-Arthrite !

-Laissez-moi faire, donnez-moi votre portable !

Je le caresse bien et il va remarcher ; tenez écoutez…

-C’est vrai, il fonctionne…

-Pour vos jambes, c’est pareil… Elle passe ses mains sur ses deux genoux et dit :

 Voilà, levez-vous !

-Oh ! Mais c’est vrai, je n’ai plus mal ! Rosette!

(la gouvernante revient et la fille disparaît )

-Mais que faîtes-vous debout là ?

-Je marche… C’est la fille de … Il se retourne, elle n’est plus là.

-Vous feriez mieux de vous rasseoir ! Elle s’éloigne….

-Pourquoi vous êtes partie ? Dommage…

Il compose un numéro sur son portable :

-Allo, ah ! Oui, c’est toi, je voulais juste te souhaiter un bon noël. Oui, je t’embrasse…

Elle m’a répondu… Elle m’a répondu…

Ouais, elle s’en fout, n’empêche que tout a bien marché grâce à…

Mais pourquoi a-t-elle disparu ?

Je l’aurais bien embrassée elle aussi ; je marche… et sans cannes ! La fille de Dieu…

 

(Rosette revient) 

-Qu’est-ce que vous faîtes debout à la fenêtre, vous allez tomber ? Et aussi avoir froid ?

-Je regardais, la fille en blanc, je crois qu’elle est montée dans un gros fourgon avec un gyrophare…

-C’est pas étonnant, on l’a dit à la radio, les policiers circulent dans tout le secteur à cause d’une femme qui s’est échappée d’un hôpital psychiatrique en volant la tenue d’une infirmière…

-Et on n’a pas donné son signalement ?

-Ils ont dit : une rousse, avec des lunettes, c’est tout…

- Rouges,  une rousse avec des lunettes rouges.  Un miracle en blouse d’infirmière… Un drôle d'ange… Et oui !

 

 

Gaël Angélis  pour Injuste milieu…

 

Injuste Milieu d'après Gaël Angélisinter 3

Avec Edouard -Danyel Camoin- Yves Ravel

 

(Debout face au public)

Ferrini, je m’appelle Georges Ferrini. Et en cette soirée plutôt froide de fin d’automne, je sors du bar où j’ai mes habitudes, le crâne chauffé par l’alcool. Une certaine confusion m’a envahi tout à l’heure, après avoir pris la décision la plus importante de ma vie ; décision qui m’avait emmené jusqu’à ce bar pour descendre quelques whiskies, et pour me détendre.

 

Voix off- Homme de main, garde du corps, employé à tout faire, voilà quel était son job, au service d’un puissant clan marseillais de trafics en tous genres ; et la « démission » qu’il a posée à son chef était la décision ultime mais mûrie d’un homme fatigué, vieillissant, qui n’avait plus le sang-froid ni l’autorité d’antan.

Et c’est donc hésitant, confus et alcoolisé qu’il se retrouve à la sortie de ce bar…

 

 Mais la raison essentielle de cette « retraite » c’est ma petite-fille, qui vient d’avoir douze ans, mon « petit bout de chou » que je veux voir grandir, et, autant que possible, je vais être enfin un grand-père modèle…

 

Voix off -Allez, en voiture, Jo ! (Il s’assoit au volant)

 

La chaleur intense du véhicule, contrastant avec le froid du dehors grise encore plus, et me remue davantage l’esprit. Comment quitter un tel « métier », et une telle « famille » après presque trente ans de bons et loyaux services ? Comment expliquer que désormais la vie était ailleurs, et que tous les secrets, tout ce que j’ai vu, fait et entendu ne sortiront pas de ma tête ? Le patron m’a semblé reconnaissant pour cet infaillible dévouement ; mais le fils du boss, plus jeune et moins réfléchi, plus tempétueux et autoritaire, a fait une tête bizarre qui m’a un peu étonné…

(en imitant la conduite)

Allez, va, lançons la berline en direction de l’autoroute, vers le domicile où ma compagne attend. Les rues sont calmes à cette heure-ci, dans moins de quinze minutes je serai au chaud, et pourra débuter ma nouvelle vie d’homme rangé.

 

Voix Off- Le paysage urbain défile en même temps que des images de sa vie ; les escortes des caïds, les intimidations, les bagarres, les flingues… Mais aussi la tête du fils du boss !

 

Et pourquoi elle me revient tant celle–là ? Tout à l’heure, il semblait préoccupé, comme résigné quand j’ai annoncé que je raccrochais…

Je vais prendre le raccourci qui mène à l’entrée de l’autoroute ; une petite rue mal éclairée, mais permettant d’éviter la rocade et de gagner quelques minutes...A présent j’ai envie de souffler, de ne plus penser à tout ça, de tourner la page…

Je commence à me dégriser, à reprendre mes esprits ; le foyer chaud de ma compagne m’attend…

(arrêt du véhicule)

Merde ! Un feu rouge ! Juste à quelques dizaines de mètres de l’entrée d’autoroute. Une cigarette me fera du bien, son extrémité incandescente contrastera avec la nuit tout autour ; mais qu’est-ce que ces points lumineux devant la vitre de la voiture… Les passagers de la voiture derrière moi depuis quelques minutes ?

(Deux hommes lui tirent dessus ; il se couche sur la banquette)

Voix off : On entendit les détonations, et un crissement de pneus tout proche…tandis que Georges s’écroulait sur le volant, puis glissait sous le tableau de bord, avec la dernière vision des vitres de la voiture maculées de rouge.

 

  mise en scène Danyel Camoin   présentation Denise Biondo

  

   

Ne pas oublier que figuraient aussi dans le coup de chapeau : trois nouvelles de Maupassant.

 

 

Article Nicole Manday/Frank Zorra

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8 mars 2013 5 08 /03 /mars /2013 23:41

Avant de devenir le troubadour de Entre Deux Eaux, l'académicien de Provence, président de Provence-poésie, a aussi été veilleur de nuit dans un centre informatique et au coeur de la nuit germe l'inspiration du nouvelliste : une nouvelle est une petite histoire directe au but basée sur peu de personnages et pourvue d'une chute, un final qui surprend, n'est-ce pas ?

Celle-ci avait gagné un prix au concours de la lyre d'Allauch où le regretté André Durbec (président de La Lyre d'Allauch) lui avait trouvé une originalité particulière...


Au fond du verre...

 

 

Le gaz commence à gicler… Il va envahir la grande pièce ! Horreur ! Ce soir, le gardien n’a pas agi assez vite, embrumé dans ses pensées… Et le voilà coincé !

Il lui faut un moyen pour sortir de là, sinon il va mourir asphyxié ! Les fermetures vitrées se sont bloquées automatiquement… Pas d’hésitation ! Il appuie des deux mains sur la barre transversale de la sortie de secours vers l’extérieur. Il sait qu’il court vers des ennuis car l’ouverture de cette issue est reliée directement au commissariat de police le plus proche : sécurité oblige !

Tout le bâtiment se protège par des détecteurs d’effraction qu’on ne peut déconnecter sans l’intervention du concierge : autant dire qu’il est en vérité le prisonnier des lieux : gardien est une dérision ! Le pire reste cette grande salle d’où il émerge : celle de l’ordinateur.

Dans chaque pièce, fonctionnent des détecteurs d’incendie armés de sprinklers ordinaires déployant un parapluie d’eau sur les foyers possibles. Les petites lampes rouges, groupées sur un tableau électrique positionnent le danger quand l’avertisseur sonore à ultrasons retentit. Dans la  « salle de la peur », ce sont des injecteurs de gaz qui protègent les machines informatiques plutôt que de les inon-der. Il faut donc vérifier au pas de course car, en peu de temps, le système réagit.

L’employé sera bientôt face aux policiers : il faut inventer une histoire… Un cambrioleur ! Oui, c’est cela, un homme fouillait… pour détruire, car ici, rien n’est à voler, à proprement parler ; tout porte sur la sécurité de bandes magnétiques qui véhiculent les informations de cinq départements environnants, de quoi mettre une infâme « pagaille » dans l’adminis-tration… Les bobines traitées permettent l’impression de listings. Ceux-ci, découpés et pliés ensuite, dans les machines spécialisées des autres pièces, sont livrés à la colleuse pour les cacheter sous enveloppes, puis, acheminés vers les bacs postaux.

 

En cette nuit noire de 1982, il est donc le veilleur de nuit du centre informatique régional d’où partent les formulaires de déclarations de revenus. Dans cet univers clos, il parle seul, comme s’il confiait à quelqu’un son désarroi. Il chuchote d’une voix tremblante…

« Bientôt  trente ans que j’assure mon emploi sans faillir ! Avant c’était différent ! Depuis que mon épouse ne me parle plus, j’emmène avec moi ma seule compagne : la bouteille.

J’évolue entre quatre bornes de pointage, piliers de ma nuit. L’enregistrement de ces points de repère sur ma boîte horaire, par une clef pendue à chaque endroit, produit un ruban qui justifie mon salaire. 

J’ai mon bureau ! Celui du standard téléphonique de la réception s’impose, basculé en ligne chez le concierge. Le lit de l’infirmerie devient la couchette où je dors quelques heures avant que mon petit réveil ne me signale chaque ronde. Une gentille petite sonnerie musicale, rien à voir avec ces radioréveils tapageurs qui vous écorchent le tympan avec les informations du jour.

Je suis le machaon des bureaux éteints. Je me prends à penser, en papillonnant parmi ces places vides : la journée, ces lieux sont pleins de vie, de jupes de femmes, de battements de cils, d’ongles longs et colorés. Des belles se pavanent, de moins jolies critiquent derrière leurs lunettes, des carrément laides travaillent ! Toute la journée ces bureaux sont illuminés par leurs sourires… quand je n’y suis pas ! Je ne connais les pièces, pour ma part, que noires, ternes, vides : des sanctuaires ! Mais la solitude du veilleur de nuit ne m’inquiète pas… Je la noie !

Durant les moments d’insomnies, je me verse un verre de bière…

J’essaie de lire le dernier bouquin d’un écrivain contemporain que j’ai rencontré lors de dédicaces, un autre solitaire… Lui aussi a perdu sa femme. Il la recrée à l’intérieur de ses livres sous les traits de son héroïne : une beauté fantastique qui a perdu ses cheveux et un œil dans son combat pour la survie futuriste… Sublime aventure mais malgré la solitude qui m’étreint, je ne parviens pas à me concentrer sur les lignes et je reviens vers ma bière…

 

Je regarde les bulles qui évoluent, montant et descendant, dans la splendeur dorée du liquide et viennent mourir sur l’épaisse nappe de mousse blanche. Des cristaux créés par la macération viennent s’agripper, aux parois embuées et les illuminent. Mon regard se reflète au cœur des étoiles brisées colorées par le fantôme du houblon ! C’est dans cette boule magique de voyante que, sans le vouloir, au deuxième verre, je la vois… Mon épouse, c’est ainsi que je la recrée !

Elle nage comme une sirène sans queue, agitant la plante de ses pieds joints, nue dans mon verre, les longs cheveux platine ondulant. Au bas de ses reins, sa peau reste intensément blanche. Il semble que j’ai versé du lait dans ma bière et que ses pores l’ont absorbé. On croirait qu’elle vit encore…

Elle se pose à genoux au fond, me regarde avec l’air d’une pub pour Kronenbourg qui figure sur certain magazine. Là, des milliers de petits cristaux adhèrent à sa peau à la manière d’une multitude de petites ventouses lumineuses : des sangsues particulières qui suceraient son sang comme elle a aspiré mon âme…

Je l’imagine bien se transformant tout à coup en pieuvre, m’enlaçant dans des tentacules munis d’ongles dorés afin de me projeter vers le néant, moi, l’admirateur béat qui avait fait d’elle une part de lui-même !

Je sens une piqûre dans ma tête : je pense qu’aspirant une paille plantée dans mon crâne, cette sorcière se « goinfre » de mon cerveau ! Elle sourit de toutes ses dents mais je crois que ses yeux me mordent à travers le verre ! Elle a voulu me quitter pour fuir avec un autre, mais, elle n’a pas eu de chance ! Un simple accident ! La route s’est dérobée et, dans le fossé, sa voiture a été dévorée par le feu ! On n’a retrouvé que ses lunettes, accrochées à un éclat de volant,  avec le squelette de… son amant !

Et depuis, je vis seul, je me traîne comme une âme en peine… Alors, je la regarde renaître dans ma bière ! Les perles d’eau salée, qui se jettent, suicidaires, de mes paupières, déroulent un tapis luisant sur mes joues creuses et mal rasées. Depuis quelques temps, elles ne tarissent pas. Sa contemplation fatigue sans doute mes yeux à force d’apparitions dans ce verre ; c’est fou ce qu’elle peut me manquer ! Je la vois encore me sourire, le reflet de mon visage dans ses yeux brillant au milieu d’une étoile d’argent ! Je me sentais plus fort avec sa petite main dans la mienne quand nous voguions de concert vers un avenir… incertain ! On paraît toujours mieux armé en observant dans la même barque, le même horizon. Et pourtant, elle murmurait que je ne l’aimais pas !

 

Quelquefois, les ultrasons me retirent de mes pensées ou de mon sommeil afin que je courre voir si l’alarme incendie se justifie ; dans lequel cas, j’appelle éventuellement les pompiers. Je dois consulter auparavant les signaux rouges précisant  la zone affectée.

Là, ce soir, j’ai tremblé comme chaque fois que s’allume le témoin de la salle de l’informatique.

« Et ce gars-là que j’ai vu m’a retardé… »

C’est ce que j’affirme aux policiers. J’ignore par où il est entré mais il est sorti par l’issue de secours ! Je l’ai suivi : je l’avais presque rattrapé mais il s’est secoué brutalement et j’ai glissé dans le colimaçon de métal qui descend dans la cour… Il m’a fallu réveiller le concierge pour pouvoir rentrer ! Lequel, à l’instar des policiers, en ce cas, vous regarde d’un œil douteux, glauque et rond tel un œil de poule, vous jaugeant avec une grande bonne volonté de vous croire, d’autant que vous les obligez tous, à écrire un rapport qu’ils auraient mieux aimé éviter !

 

Enfin, le calme revient dans les lieux et je peux retrouver mon amie de verre…

Après ces émotions où j’ai failli laisser ma peau, il convient d’animer une cascade de mousse bien blanche qui, peu à peu se resserre en collier au sommet du liquide, mais, il faut aspirer le contenu versé, lentement, en regardant la femme-poisson : mon amour perdu. On doit attendre que les bulles se calment en silence pour qu’elle s’agenouille encore au fond du verre : ma pauvre épouse disparue !

Tiens, une larme vient de sauter dans la bière et va la rejoindre ! Si je pouvais en faire autant… Nager avec elle, encore une fois ! La retrouver dans ces aubes où elle exposait l’architecture des fées, les ondulations de ce corps qui captait le soleil afin de le renvoyer dans mon œil et l’attirer comme un aimant ! Elle s’allongeait comptant ajouter un hâle de couleur à sa pureté divine ; la blanche-neige des plages !

 

Des centaines de corps bardés d’ambre solaire s’exhibaient sur le sable fin proche de là… Le sien se camouflait derrière une haie de rochers, à l’écart des autres ; à mes yeux, elle restait la plus belle, la seule digne de mes dithyrambes ! Il serait indécent de la décrire, de dire que je me prenais pour un nourrisson venant s’allaiter à de si jolis biberons ! Ni trop grosses poires en chute libre, ni trop petites pommes en poitrine d’homme, ceux-ci demeuraient d’une moyenne honorable, mieux encore, admi-rable ! Indécent encore de dire que, dans cet abri naturel au parfum salé de coquillages, elle laissait le petit souffle frais du large, enfant naturel du zéphyr et de la mer qui l’accompagnait de son ressac, caresser doucement le doux velours du triangle doré dessiné entre ses jambes.

Je la vois allongée, épanouie… au fond du verre !

Je m’approchais doucement pendant qu’elle fermait les paupières, les longs cheveux blonds étalés sur les galets. Je déposais un petit baiser tout doux sur les deux lèvres brûlantes que le soleil desséchait et, la bouche en cœur, je les humectais légèrement dans l’espoir de les protéger.

Le soir, quand l’astre de feu plongeait son nez dans l’horizon mouvant et s’enfonçait, peu à peu, derrière lui, je prenais la main de ma Dulcinée, un de mes doigts entre chacun des siens, et je comptais les étoiles au fur et à mesure qu’elles apparaissaient dans le ciel qui revêtait son énorme manteau noir nous isolant jusqu’au matin.

Mon autre main, je la glissais de l’autre côté, sur son épaule, la ramenant contre moi, pendant que la fraîcheur du soir coulait du chariot des étoiles. Je sentais son cœur qui palpitait presque en même temps que le mien : un écho, comme si ces battements engageaient un dialogue codé ou répondaient à des questions que nous ne nous posions pas. Et sa tête s’abandonnait confiante contre mon épaule dans un instant de calme… Je l’aimais ? Non, c’est au-dessus de ce mot : sans elle, je n’étais qu’une partie de moi, je n’étais pas capable de qualifier son importance ; comment alors pouvoir envisager de s’en séparer ?

Merveille de bière ! Ce contenant est devenu la boule magique d’une voyante : tout circule là-dedans, tout bouge avec les bulles qui martèlent le verre réveillant mon œil troublé.

Il est temps de reprendre contact avec le monde actif, d’abandonner un peu celui qui nourrit de rêves afin de retrouver celui qui remplit le tube digestif : allons, une gorgée du précieux liquide à titre d’en-couragement !

Quand je m’approche, je reste cloué sur place….

Deux quatuors de doigts aux ongles longs s’agrippent au bord du verre et deux yeux ronds remontent à la surface de la mousse. Toute petite, la sirène s’échappe du contenant et saute sur la table pour courir vers moi en grossissant à vue d’œil ! Parfaite. Le corps doré. Couverte de mousse accumulée au niveau du ventre, telle une Vénus blonde sortant d’un bain. Les lèvres pulpeuses tendues, les bras ouverts flottant vers moi. Je suis subjugué ; je m’imagine dans un dessin animé de Tex Avery, la langue traînant au sol se déroulant en tapis rouge, prêt à la dévorer, mais ce chaperon dénudé vient de grandir trop vite et lorsque mon visage ahuri rejoint le sien, elle ouvre une bouche plus grande que la mienne d’où jaillissent d’énormes dents dominées par deux canines saillantes… sanglantes qui se referment sur mon cou pour me mordre sauvagement. J’ai juste le temps d’esquiver. En reculant, je tombe sur le sol…

Aussitôt, j’ouvre des yeux hagards.

Je m’aperçois que je suis tombé de ma chaise.

J’ai ressenti le même choc que si j’avais traversé le plancher… Mais je suis seul dans la pièce avec ma sorcière de solitude, face à mon verre à moitié vide, sans fantôme, livré pieds et poings liés au déraillement des effets du sommeil et de la boisson ! Un coup de fatigue. Un instant d’assoupissement en fixant le verre. En fait, ce n’était qu’un rêve ! Bien sûr, mais cela déroule tout de même un frisson glacé dans mon dos. Satanée bougresse de solitude ! Voilà bien les tours qu’elle joue aux hommes.

Mais si le verre est à moitié vide, il est aussi à demi-plein ; il faut effacer l’émotion par une bonne goulée !

 

La nuit s’avance. Allez, encore une ronde… Drôle de vie !

C’est une drôle de chose, l’amour ! On ne devrait jamais dire « je t’aime ». Il y a trop de négations dans ces trois mots !

D’abord je…Sait-on vraiment qui on est et comment on va réagir en toutes circonstances ; je, prétentieux, c’est déjà de l’égoïsme !

Ensuite, t’… Est-ce vraiment l’autre qu’on aime ou soi-même à travers lui ? Ce que nous adorons souvent n’est qu’un fantôme de ce qu’il paraît nous apporter personnellement, c’est encore de l’égoïsme !

Et aime, on emploie ce mot pour n’importe quoi :

la pizza, le chocolat…

Pire, la cigarette !

 

Soudain, un bruit dans cette salle… vraiment sale ! Que va-t-il encore m’arriver ? J’entends la pendule de mon cœur égrener les coups de marteau qui brisent le silence de la peur ! Vais-je vraiment me retrouver face à quelqu’un dans cet environ-nement sinistre et clos ?

Je m’avance lentement, avec mon courage à deux mains, armé d’un parapluie, essayant de ne point peser sur mes pas… Furtif, semblable à un baroudeur de télévision, je me déroule d’un seul coup en foudroyant du regard ce qui a cassé mon ambiance… Un petit cri, un saut d’acrobate en roulade et un animal s’enfuit rapidement, à quatre pattes dans les couloirs : ce n’est que le sombre greffier ! Un autre solitaire !

« Eh ! Attends ! Reste, à deux, nous serons moins seuls ! »

Il file en flèche. Lui aussi, elle a dû « foutre le camp », sa Pomponnette, comme accentuerait Monsieur Raimu ! Mais ici, on n’est pas chez le boulanger et le pauvre Pompon ne lapera pas de lait. Alors, s’il n’aime pas la bière… Pas de compagnon possible ! Le jus de houblon et moi sommes maintenant liés…

 

Me revoilà seul et des questions m’envahissent. Mon visage devient sombre malgré mes yeux brillants.  Je n’aurai peut-être pas dû ouvrir l’issue de secours : aurai-je dû attendre le gaz ?

Il semble rester en moi un instinct de survie même si, sans elle, la vie n’a qu’un goût amer de… bière !

Et j’en ai vu des policiers, des enquêteurs…

Mais aucun n’a jamais trouvé le corps de mon épouse ; pourtant…

Elle n’est pas morte brûlée dans la voiture !

Elle est tombée sans elle, la « bagnole » !

Parce que ce n’est pas pour rien qu’elle nage, la sirène… Dans le contenu doré de mon verre ! On ne l’a jamais retrouvée, certes… Mais elle a, tout de même, été mise en bière ! Mieux que les autres !

Je l’ai plongée, avec peine, dans le grand tonneau qu’on gardait à la cave où je l’ai enfermée. Quand j’ai appuyé sur ses globes amortisseurs pour l’immerger, elle a fait verser le récipient : du gaspillage de bulles dorées !

Tous les jours, je descends, une larme chevauchant la paupière. Quelquefois, je dépose un bouquet de couleurs sur le tonneau : elle adorait les roses ! Et je lui parle. Je lui dis que je ne pouvais pas me séparer d’elle…

Des banalités ! Elle seule pourrait comprendre.

Un jour, un policier malin la trouvera et on m’enfermera sans elle, si je ne suis mort aupara-vant, en désaccord avec mon foie : j’ai un sursis ! La liberté, ce n’est que le choix de sa prison : avec toutes ces nuits entre ces murs… Je sais de quoi je parle !

En attendant, elle macère à la manière des fruits. Et, depuis son plongeon, je bois de la bière pour la regarder nager et gober ses bulles… J’ai la vague impression que le parfum de sa peau s’est mêlé au liquide. Pour moi, elle ne mourra jamais ! Son étoile scintille dans le ciel de mes pensées.

Quand je l’ai épousée, je me suis enchaîné à vie ! Et puis, en agissant ainsi, j’ai pallié son plus grand souci ; elle ne vieillira plus. Qu’elle m’attende… en enfer ! Un jour, je la rejoindrai. Rien n’est beau sans elle.

 

Allez, va, de penser à tout cela, mes lèvres s’assèchent !

Avant de dormir un peu, je vais remplir un dernier verre, à sa santé. Non, à son éternité ! L’éternelle jeunesse reste au fond du verre !

Et avec une larme d’humour ! Pourtant ce n’est pas risible...

Bien sûr qu’elle est morte, hélas ! Elle aussi, elle a bu et… Elle n’a pas supporté.

Tout le monde le dit ; l’alcool nuit gravement à la santé !

 



¨ D’après la nouvelle primée à la lyre d’Allauch en 2006

publiée dans le recueil : Les fleurs du vide primé à l'Académie de Provence en 2009

 

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Et si vous faisiez un tour avec lui dans une oeuvre plus fantastique

Au bord du vide a obtenu le 1er prix de la nouvelle  au même concours l'année suivante et a été publié dans Marseille l'hebdo et dans Des nouvelles de Provence par les éditions Bénévent plus récemment.

C'est ce livre qui a inspiré le concours de nouvelles de Provence-poésie éditions qui en est à sa troisième année en 2013 : résultat de ce troisième volet le 16 mars à la maison de la vie associative à Aubagne.

 

Attention, vous êtes...

 Au bord du vide !

 

 

800000 français sont atteints, chaque année, par une maladie dégénérative neurologique de cause inconnue, caractérisée par une atrophie du cortex cérébral, provoquant une sorte de démence progressive commençant par d’affreux trous de mémoires que certains attribuent à la prise trop forte et répétitive de tranquillisants accentuée par le stress social moderne. Les investigations paramédicales  s’affinent pour apporter un éclairage  sur l’aspect physiopathologique de la maladie d’Alzheimer demeurant jusque là une énigme clinique qui laisse les victimes….

 Au bord du vide                                  

  

        En haut de la colline qui surplombe un vieux village provençal construit dans la tradition, une vieille femme maigre, les cheveux grisonnants, frissonne au petit vent qui la caresse au passage. Elle contemple le paysage en glissant deux doigts dans sa bouche. Sur le bord de la falaise, pareille à un sémaphore, plantée comme un piquet tâchant l'étendue vaste de la voûte bleue qui descend jusqu'à l'horizon trouble, sa silhouette se découpe comme une gravure. Un visage d'illuminée ridé par le mistral, indicible, projette sur le décor un regard flottant. Ses yeux luisants observent passionnément les maisons qui rampent dans le creux du vallon pour s'enchevêtrer comme des complices silencieuses de la vie des autres femmes.

        En s’appuyant sur sa canne, Malerby, un retraité aux tempes argentées encore bien en forme qui vit maintenant en ermite, dans une station-service réaménagée qu’il a achetée non loin de là, effectue sa promenade, une main dans la poche de son blouson : il faut qu’il marche pour combattre ses problèmes articulaires. Ses yeux verts limpides remuent derrière les verres de ses lunettes qui se teintent au soleil. Soudain, il aperçoit cette silhouette maigre de jolie femme un peu usée par les années d'amour ; cette vision l'affole : il soulève sa casquette et précipite son pas jusqu'à trébucher dans ses mocassins noirs. Son nez pointu sur sa bouche sèche aux lèvres serrées par les déceptions et séparations anime son visage de l'expression blanchâtre de l'inquiétude. Que va-t-elle faire ? Voir cette dame flotter si près du vide lui trouble l'esprit, alors, lâchant sa canne, il court vers elle pour la retenir dans ses bras…

 En  fait, il vient de songer à sa grand-mère qu’on a retrouvée morte autrefois, en bas d’une falaise ! Un souvenir qui s’accroche à lui malgré le temps.

La dame, brutalement poussée loin du bord, desserre ses fines lèvres un peu plissées et lui sourit sans mot dire… Tellement serrée dans sa tenue étriquée, on la dirait privée de poitrine et de bras. Sa figure de momie s'encadre de cheveux épars plantés comme des épines tordues qui dansent sur le vent. Cette jolie femme d’antan semble égarée dans le présent ! Il lui demande de l’excuser de l’avoir bousculée, il a cru qu’elle allait tomber ! Elle continue à sourire mais son regard semble s’accrocher aux nuages comme un naufragé s’agrippe à une bouée. Peut-être y cherche-t-elle une solution à ses problèmes… Malerby réfléchit ; il commence une phrase qu’il ne termine pas puis il s’éloigne… Il ramasse sa canne en répétant de l’excuser… Il marche vers sa maison.

Elle pose son regard sur lui, son  visage s’éclaire étrangement et lentement, elle le suit. Il se retourne ;

-  Je m’appelle Charles Malerby, et vous ? Comment vous appelez-vous ? Peut-être avez-vous soif ou faim ?

Elle fronce les sourcils et lui répond uniquement en glissant un doigt sur sa  bouche :

« - Manger !

- Je comprends ; je ne m’étais pas trompé ! Vous aussi…

Venez, dit-il, je vais vous installer pour un petit casse-croûte, après on avisera ! »

 

                 Malerby est doué en informatique et en électronique mais cela n’a pas suffi pour empêcher sa mise à la retraite ; l’usine où il travaillait a besoin de jeunes ingénieurs diplômés et il a dû leur laisser la place pour partir soigner ses problèmes de santé au grand air ; il a fêté ses soixante-cinq ans en l’an 2000. Il a décidé depuis de travailler pour son propre compte sans déclaration légale. Aussi, il a commencé par vendre sa maison et acheter ce vieux garage abandonné. Dans celui-ci, se trouve une grande cave rendue secrète, en camouflant son entrée dans l’ancienne fosse à vidange qu’il a, lui-même, couverte par une trappe discrète. La cuisine relie le garage au hall qui conduit à deux pièces en étage sans devoir sortir ! Peu à peu, jour après jour, il a équipé la cave d’ordinateurs et d’écrans branchés sur une parabole extérieure apportant les nouvelles sur un téléviseur. Dans le cellier au fond de sa cuisine, il a installé ce qu’il nomme un trompe-l’œil, un faux laboratoire où il dissèque des animaux morts et compose une drogue à base d’artichauts. Ainsi, si venait une visite inattendue, son occupation réelle resterait ignorée…

        Le calendrier égrenait ses pages dans son dos. Un an après son installation, il était prêt pour fabriquer lui-même un circuit intégré révolutionnaire à l’intérieur d’une plaquette de silicium . Portée à différentes températures dans un four à sonde et dopée par une ionisation à l’intérieur d’une machine, celle-ci est implantée de couches sélectionnées par des zones couvertes de résine photo-sensible. Des lampes spéciales fournissent des ultra-violets nécessaires à la découpe en utilisant un courant récupéré sur la maison à partir de capteurs solaires cachés sur le toit par une entreprise qu’il a employée quelques temps. Il doit pour cela travailler dans un isolement total et dans une ambiance de chirurgien en salle d’opération. Un comble quand on pense qu’il pourrait profiter de ce panorama en relief bleuté qui l’entoure sur lequel notre soleil fond des baguettes d’or !

Bilan du premier exploit, deux doigts brûlés profondément par les acides et du matériel inutilisable à remplacer ! Il se souvient avoir couru vers la porte de son laboratoire : un court-circuit venait d’enflammer un produit nocif à base d’acides dangereux ; il pouvait exploser et le pulvériser ou l’asphyxier ; le souffle le colla simplement contre la porte et laissa échapper une fumée noire qui risquait de le signaler au voisinage : lorsqu’il sortit en toussant, il constata néanmoins que la fumée n’avait empli que le garage et sa maison étant loin des autres, personne ne s’était aperçu de rien ! Sa première expérience se soldait par un lamentable échec ! Une année perdue pour rien… Mais en somme plus de peur que de mal ! Après un bref passage au service des urgences de l’hôpital le plus proche, il recommença !

 

Les années ont passé, ce jour même où il observe l’inconnue qui déjeune comme une gamine affamée, il pense avoir créé une mémoire qui peut changer certaines choses…

     Au village, la police recherche une grand-mère disparue mais ne pousse pas très loin les investigations ; celle-ci était frappée de cette maladie féroce qui isole les neurones et personne ne s’étonne que, partie trop loin, elle ait oublié son chemin.

        Quelques mois après sa rencontre avec Malerby, la vieille dame quitte la station. Il la regarde partir. Un cœur qui bat à votre approche n'est jamais à dédaigner, fût-il celui d'une vieille dame qui laisse perler au coin de l’œil une larme de reconnaissance ! Une femme qui dodeline en s'en allant laisse toujours derrière elle une vague impression de vide. Comment penser à la mort quand on regarde une silhouette se découper sur le bleu du ciel ?

Un matin, les enfants sont surpris de voir leur grand-mère réapparaître dans la cour de sa maison après sa longue absence, si sereine et décontractée, comme si elle était partie la veille… Elle parle alors qu’auparavant elle vivait de silence entrecoupé de petits cris d’oiseaux ; elle paraît se souvenir de quelques bribes de sa vie ! Ce qui étonne son entourage, c’est qu’elle se souvient des grands événements qui l’ont marqué alors que d’autres bien portant ont oublié, un vrai livre d’histoire ! Son petit-fils dit que c’est un dictionnaire ambulant, comme si on avait reprogrammé son cerveau  avec l’actualité des dernières années auxquelles on aurait ajouté quelques renseignements sur elle que tout le monde connaît. La vieille dame semble reprendre goût à la vie ! On la voit même jouer aux cartes et gagner une partie !

 

        Véronique, jeune et énergique journaliste blonde aux yeux bleus, vient de livrer son article et quitte les locaux du journal régional où elle travaille pour rendre visite à son grand-père comme toutes les semaines.  En s’y rendant, elle passe sur la route qui surplombe son village natal, celle de la station désaffectée. A son arrivée habituellement, dans le parc boisé et entretenu, un homme aux cheveux blancs l’accueille  : il présente le même regard bleu océan qu’elle. Il vit maintenant dans un foyer spécialisé car on ne peut plus le laisser seul depuis ses égarements divers qui ont débuté, comme pour tous, par d’énormes trous de mémoire. Il est atteint, lui aussi, de la maladie d’Alzheimer. Récemment, elle a eu une désagréable surprise : son cher Papy ne la reconnaissait plus ! Un nuage de larmes retenues balaie ses cils fardés lorsqu’elle lui parle gentiment,  à chaque visite, en lui prenant la main pour lui faire comprendre qui elle est.

Ce jour, lorsqu’elle arrive une autre surprise la cueille : son grand-père a disparu ! Il lui est conté qu’un cousin serait venu le chercher pour une promenade et ne l’aurait jamais ramené ; un homme d’un certain âge un peu plus jeune que lui s’est fait passer pour un familier ; Véro proteste ; ils n’auraient pas dû le laisser sortir ! La journaliste énergique, toujours à l’affût d’un papier exceptionnel, organise des recherches parallèles à celles de la police prévenue ; elle apprend ainsi qu’une femme de la même génération vient de réapparaître après une recherche infructueuse : pour les policiers, son grand-père semble s’être volatilisé de la même façon : aucune trace ni vivant, ni mort !

 

        Au bout de trois mois environ, pourtant, lorsque l’on n’y croit plus, il réapparaît. Il reconnaît Véro, ce qui tient du miracle ! Il semble heureux lui aussi et évoque le passé sans arrêt, soucieux de son habillement. La jeune femme lui fait rencontrer la miraculée revenue elle aussi au bout d’une pareille absence ! Ils conversent longtemps comme s’ils venaient du même monde, s’ils se retrouvaient, après des années, dans un même univers secret, alors qu’ils ne se connaissaient même pas.  Ils deviennent très amis et se lancent dans d’interminables parties d’échecs et de belote.

On les héberge dans un centre pour les étudier et comprendre ce changement bénéfique. Un professeur célèbre qui les a examinés avec un scanner perfectionné révèle à la jeune fille qu’ils ont tous deux une cicatrice cachée dans les cheveux au niveau du cervelet et un bout de silicium enfoncé dans le crâne ! Il semblerait qu’un fou leur ait inséré une puce électronique dans le cerveau qui compense par une mémoire perfectionné la liaison détruite par la maladie ; ils ne sont pas guéris, ils dominent le mal ! La greffe qui n’a miraculeusement pas été rejetée par les tissus leur redonne un squelette de mémoire. Cette opération n’a rien d’une intervention médicale : un Frankenstein nouvelle version ! Pendant qu’elle discute dans le bureau du professeur qui paraît avoir lui-même peine à croire ce qu’il dit, son grand-père casse une porte à coups de pieds parce qu’on l’a séparé de sa vieille compagne ; il ne veut plus vivre sans elle !  Véro s’insurge ; elle demande pourquoi on les sépare ! A leur âge que craint-on ? Un surcroît de tendresse ?

Elle obtient l’accord de la famille de la dame. Désormais, on ne les séparera plus ! Promenade dans le parc, main dans la main en cueillant des fleurs et jeux en soirée au clair de lune en observant les étoiles occupent maintenant leur loisir. Ils sont même capables de nommer les fleurs ou les étoiles par leurs noms !

Le médecin les fait installer dans une maison de campagne qu’il possède non loin de là. Il ne veut pas les perdre de vue pour surveiller leur évolution. Il charge la journaliste de mener, elle-même une enquête avant que des policiers ne s’emparent de l’affaire afin de trouver quel est le génie qui a créé cette solution à leur malheur sans les tuer complètement.

 

        Après une journée passée à circuler en voiture sur les routes et les chemins de la région sans succès, Véro s’arrête devant l'ancienne station-service à l'écart du village, elle descend et avance à pieds dans l'étendue déserte... Elle découvre dans le jardin une montre à chaîne en argent, elle la reconnaît comme ayant appartenu à son grand-père ; il est donc venu jusque là … Elle appelle, la montre en main, mais personne ne répond.

Elle avance vers la maison qui paraît abandonnée depuis plusieurs jours. En poussant une porte restée ouverte, elle s'introduit et, prés de l'escalier, elle trouve un homme accroupi au bas des marches ; le pantalon souillé et l'air malheureux, il murmure :

«-Je suis tombé hier soir... Je n'ai pas pu me relever ! C'est à cause de ma jambe.

-Je vais vous conduire à l'hôpital !

-Non, pas à l'hôpital ! Donnez-moi la trousse : une piqûre et je remarcherai !

C'est une contracture : je souffre de calcinose et mes articulations se bloquent sur un choc ou sur un faux mouvement ; ne vous inquiétez pas ! Prenez aussi de la glace dans le frigo ! Merci. »

        Un peu plus tard, l’œil un instant égaré dans le corsage dégrafé dans l’effort de la jeune femme qui  l’a soutenu jusqu’à un siège pour lui retirer ses vêtements trempés, le vieil homme l’entend lui dire :

« -N’ayez aucune inquiétude, j’ai déjà assisté mon grand-père dans des cas semblables ! »

Il paraît déjà plus vaillant en effet, elle est surprise de le constater en achevant de le déshabiller ! Elle ajoute qu'il ne devrait pas vivre seul ainsi, au risque de mourir sans secours au bas de son escalier ! Il lui répond:

«-Qui voudrait d'un vieux cheval qui ne peut plus courir le derby ?

-Vous n'avez pas l’air complètement usé…

-Je n’ai pas l’habitude d’un secours aussi… charmant. Il faut aussi que j’avale mes cachets de Lévothirox, quotidiennement, j’ai aussi des problèmes de thyroïdes depuis que le nuage de Tchernobyl n’est pas passé sur la France ! »

Elle lui parle de son grand-père plus vieux que lui qui a rencontré une compagne au moment où on ne l'espérait vraiment plus ! Elle désigne la montre qu'elle a trouvée dans son jardin et explique qu'elle lui appartenait justement... Elle affirme qu'il a donc eu, à un certain moment, un rapport avec lui !

        Malerby  hésite et son regard plonge dans l’océan des yeux de la jeune femme comme pour la sonder. Il réplique que, s’il s'agit de l'homme auquel il pense, elle lui fait grand plaisir car savoir que l'expérience a réussi lui réchauffe le cœur. Aussitôt, elle le questionne : quelle expérience ? Il dit qu'il ne peut pas répondre : il porte un secret qu'il ne faut pas trahir ! Elle insiste ! Il résiste, d’abord, à l’interrogatoire qu’il semble avoir prévu depuis longtemps avec un calme impeccable, mais, quand elle lui dit qu’elle connaît des gens qui pourraient l’aider à approfondir sa découverte, il lui confie qu’il a toujours été malheureux de n’avoir rien pu faire pour sa  propre grand-mère, une des premières victimes connues de cette maladie …

Bien sûr, par moments, la vieille femme ne le reconnaissait pas, elle vivait en pointillé et arrivait quelquefois, vers la fin, jusqu’à jeter des cris de bête ! Dans ses moments de lucidité, elle répétait sans cesse aux gens qu’elle ne connaissait pas ;

« -Si vous m’aviez connue avant ! »

Puis, elle pleurait doucement ou se mettait en colère !

Les médecins ne l’ont d’abord pas considérée comme atteinte par cette maladie, ils la classaient dans les sujets diabétiques que les complications de problèmes cardio-vasculaires amènent à la régression de certaines facultés cognitives. Ensuite, ils se sont montrés impuissants à la guérir et le mal a progressé en silence derrière son mutisme triste en évolution.

Un jour, elle a marché devant elle sans but, sans s’arrêter ; consciente ou pas, on l’ignore ! On l’a retrouvée morte dans un ravin, le crâne fracassé… Elle avait écrit sur un papier qu’elle serrait entre ses doigts : «  Ma mémoire est partie, je n’ai pu la rejoindre…Vous souviendrez-vous de moi ? »

 Alors, quand on l’a,  à son tour, mis en retraite, Malerby a décidé d’utiliser ses connaissances pour intervenir d’autant qu’il a senti sa propre mémoire qui flanchait, égarant ses papiers ou oubliant ses rendez-vous avec son médecin ; surmenage ? Il craint de devenir comme sa grand-mère surtout depuis qu’on lui a dit que les hommes ayant été très portés sur le sexe étaient prédisposés ! Il a souvent essayé d’imaginer comment les malades vivent leur isolement. Depuis un siècle que cette maladie est déclarée, les traitements proposés n’ont jamais guéri personne ! Il a donc mis au point sa propre stratégie de stimulation cognitive qui retarde la perte d’autonomie et éventuellement la crise suicidaire.

Il a voulu se battre à sa façon contre cette ravageuse qui déploie sur ses victimes une aile de mystère, en leur procurant une mémoire différente, mécanique mais salvatrice, qui fait de ces vieux de grands enfants heureux de vivre encore ! Il a travaillé des années pour trouver la matière inusable qui ne soit pas rejetée par les tissus humains lors de la greffe avec l’aide d’un vieux chirurgien en retraite ! Certes, il a d’abord expérimenté sur un animal avec une puce électronique non programmée. Comme l’expérience était concluante, lorsqu’il a aperçu la petite vieille seule tout près de là, il l’a ramenée chez lui gentiment ; il a validé sur elle le programme !  L’évolution paraissant satisfaisante, une fois la cicatrice physique refermée, il l'a relâchée dans la nature et elle a retrouvé son chemin naturellement. Il a ensuite recommencé sur un homme aussi âgé sur l'exemple du premier résultat positif : un vieil homme sympathique à la moustache blanche frisée et aux grands yeux bleus. Cet homme devait être le  grand-père de la jeune femme…

Véro, pâle de stupeur, serre ses lèvres dans une jolie grimace involontaire. Ses yeux bien ouverts le regardent : comment ce bonhomme insignifiant qu’elle a ramassé baignant dans son urine, incapable de se relever… Comment, sous ces cheveux poivre et sel qui dégagent un front ridé et des yeux verts aux paupières plissées, pouvait-il cacher un cerveau rivalisant avec les savants ? Et pire, comment avait-il réussi cette prouesse digne d’un récit de science-fiction ?

« -Vous vous rendez compte, dit-elle, que c’est à peine croyable ?

-Il y a cinquante ans, marmonne-t-il, quand j’étais un jeune gars, personne n’aurait cru un jour communiquer instantanément à distance avec le reste du monde via Internet ni que les téléphones portables pourraient causer des accidents de circulation ou de futurs problèmes de cancer ! Et nos parents au même âge, auraient-ils pu croire à l’exploration du fond des mers ou à un voyage sur la lune, aux effrayantes manipulations génétiques et à la dangereuse fission nucléaire ?

Vous savez, ma chérie, pour moi, rien n’est impossible ! Ce qui me fait peur, c’est l’utilisation des inventions à des fins destructrices, pas à la lutte contre la mort cérébrale ! C’est pour cela que j’ai bien caché mon labo afin que personne ne l’utilise dans un but lucratif ! »

        Ils sont maintenant deux à pouvoir survivre à cette maladie sans encore en souffrir ou en prendre complètement conscience.

A présent, il faudrait quelqu’un pour effectuer la greffe sur lui, Malerby, en lui reprogrammant tout ce qu’il a noté. Sa puce est prête, il a prévu cette possibilité mais il ne peut faire l’opération lui-même !  Il a nettement vieilli, il a maintenant dépassé les soixante-dix ans ! La jeune femme lui promet de revenir avec des personnes honnêtes et compétentes qu’elle connaît ! Ils l’aideront dans l’intérêt même de la science !

 

        Quelques jours plus tard, Véro revient effectivement avec trois hommes en costume et lunettes portant chacun une grosse mallette. Ils arrêtent les voitures qui les transportent sur le sommet de la colline qui domine le village car la jeune femme a cru voir Malerby au bord du vide. Il s'agit bien de lui, en effet. Il paraît regarder le paysage, extasié sur le dessin formé par l’enchevêtrement des toitures s’étalant au-dessous de lui, comme s’il ne l’avait jamais vu auparavant. Ses yeux brillent comme ceux du grand-père de Véro, autrefois, avant l’intervention…

Elle l’interpelle ! Il se retourne vers elle et la regarde en tremblant, des chapelets de perles prêtes à éclore au fond des yeux derrière ses lunettes…

Elle lui dit qu’elle a trouvé l’aide voulue ! Tous l’accompagnent sur le chemin du garage. Pour les conduire dans le hall, il marche étrangement, très lentement. L’un des hommes ouvre plusieurs portes et ne découvre que le cellier où un microscope observe encore une grenouille qui se dessèche  parmi des cœurs d’artichauts… Véro lui demande de leur montrer son véritable laboratoire avec les schémas de ce travail dont il lui a parlé. Il regarde simplement ses mains qui tremblent…

 Un des hommes s’approche de lui et demande gentiment à son tour :

« Où se trouve votre labo, s’il vous plaît ?  Vos formules, votre étude…»

Il fronce les sourcils, remue la bouche en salivant sans sortir un seul mot, puis, au bout d’un moment, il pose sur la journaliste un regard paternel et, retenant un tremblement, il prononce enfin avec l’air de s’excuser :

« J’ai… oublié : je ne me souviens de rien ! »

 

       

  

 

 

 

Il faut bien que jeunesse se passe  et supporter patiemment que celle des autres se passe de nous !

                                                        Marcel Pagnol

 

  pitche

 

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22 février 2013 5 22 /02 /février /2013 13:55

 

Rondel pour la pianiste

 

Heureuse note entre ses doigts

D’autres voudraient être à ta place !

Mais tu t’enfuis en haut des toits

Tout en glissant de marbre en glace.

 

Moi, si pressé, pour une fois,

Je vais saisir la clé qui passe,

Heureuse note entre ses doigts

D’autres voudraient être à ta place !

 

Jonglant avec chants et patois,

Chaque portée à nos terrasses

Sourit à un bémol d’émoi…

Soupire pour prendre l’espace,

Heureuse note entre ses doigts.

 

 

 

Danyel Camoin 

 

 

 

Coup de chapeau à la pianiste et aux pianistes ! Au piano qui se déplace de Sandrine Schipani.

A la guitare aussi !  Pour Michel Isard et Jean-Claude Puletti ! Des animateurs de clubs de poésie....

La poésie dans la musique et de la musique dans la poésie avec notre accordéoniste Alain qui reviendra parmi nous le 22 juin pour le coup de chapeau à Alice Hugo et aux poètes que chantait Brassens.

A l'occasion le magnifique livre Brassens et les poètes avec cd sera remis au gagnant du tirage de l'urne : 1 euro pour un livre.

 

Coup de chapeau aux poètes  !

 

Et justement va bientôt débuter le grand concours  du monde francophone où vous pouvez non seulement

étaler vos talents de poètes mais aussi de romancier, conteur ou nouvelliste, à l'unité ou en recueil !

 

Maintenant que le concours national de Pp éditions se termine : remise des prix le 16 mars 16h

Penchez-vous sur les autres concours et sur celui de l'Académie de Provence.

Le réglement est dans les pages de droite de notre blog.

 

Et pour les adhérents de Pp qui préférent rester "en famille "

le concours innterne de Pp avec la phrase de Marie Louise Bergassoli : ce doux frémissement que partageaient nos âmes...

est toujours en cours : 1 page a4 pour le 28 avril sur le thème :

Probabilité de fin d'un monde.(réglement sur demande)

 

 

Et pour les fans d'Alice Hugo ...

 

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 Article Nicole Manday  

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21 février 2013 4 21 /02 /février /2013 18:51

Céline. 

de nouveau à l'honneur aussi dans le nouveau concours de Pp  en 2013 Inspiration libre en Provence

Et l'équipe de Pp a interprété sa nouvelle : Reflets oubliés, prix d'honneur de l'an dernier...

en petite scène pour l'ajouter au programme du 16 mars : Sur les pas de Mots Passant...

Et devinez qui a dessiné l'affiche de cette prochaine journée de la nouvelle sous le signe de Maupassant qui sera aussi le jour de la remise des prix ?

 

 

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Provence-poésie présente un double talent : non seulement, elle écrit des nouvelles dont la plupart sont primées ou publiées et un roman, mais elle illustre aussi les oeuvres des autres et Danyel Camoin l'a conviée pour illustrer son troubadour de "Entre deux eaux" le livre à 13 auteurs... dans lequel est publié une fantastique nouvelle de Céline.

Mais vous pouvez aussi retrouver l'illuscrivaine dans le recueil : Inspiration Libre et sur les photos de  notre remise des prix de 2012 auprès de Mr Jean-Marie Orihuel, adjoint au maire d'Aubagne...

Et sur son propre univers, hésiterez-vous aussi entre l'écriture et le dessin ? Il vous suffit de taper dans Internet : l'illuscrivaine, pour pénétrer dans le monde d'une des treize nouvellistes de 2013 chez Pp.

Avec Claire Gilbert, également dans les treize, sur laquelle existe déjà un article, Céline Lacomblez-Long représente la jeunesse au sein des nouvelles de Pp éditions.

 

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article FZ

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7 février 2013 4 07 /02 /février /2013 13:42

C'est de vendredi à Dimanche avec la présence de quelques membres de Pp éditions...  Jean-Claude Beltramo fidèle au poste sera sur les stands avec ses oeuvres ; Denise Biondo, Joseph Lévonian, Danyel Camoin en visiteurs seront sans doute présents invités par la mairie à l'apéritif d'honneur du

8 février.


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Ne pas manquer samedi 9              et dimanche 10 février

 

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9 janvier 2013 3 09 /01 /janvier /2013 23:47

En Inde, une femme est violée toutes les vingt-deux minutes, la plupart en meurent et les responsables disent qu'elles l'ont bien mérité n'étant pas coopératives...

En réaction et pour soutenir les femmes maltraitées, battues, violées ou injustement accusées parce qu'elles ont refusé leur corps...

Frank Zorra et Danyel Camoin publient ce jour gratuitement sur ce blog leurs deux nouvelles écrites sur ce sujet brûlant :

Le droit à la différence et deux femmes marquées.

 

 

Tous les quatre jours en France, une femme meurt sous les coups de son partenaire. (Enquête du gouvernement auprès des services de police du 23 novembre 2005) À l'heure où certaines femmes atteignent des postes-clés, d’autres sont traitées d'inférieures, d'allumeuses, de conspiratrices, et pourquoi pas de sorcières ; ces femmes là qui ont déjà combattu pour avoir le droit de refuser leurs corps n'ont pas encore gagné...

 

 

Le droit à la différence.

     de Danyel Camoin publié dans Au petit Bonheur (éditions Bénévent) collection Académie de Provence

 

            Un air de violon résonne dans un immeuble. Des notes mélancoliques s’insèrent dans l'escalier et se répandent dans les appartements, troublant le silence cultivé par certains, elles cherchent à s’envoler dans l’éther céleste mais l’atmosphère polluée les retient. Un monsieur guindé dans une robe de chambre rouge en soie descend frapper à la vitre de la concierge. Il est inconcevable que la musique pénètre ainsi impunément chez les voisins pour troubler leur méditation. La concierge monte l'escalier et vient frapper chez Eve, la jeune rousse frisée insolente du premier étage. Il faut qu'elle cesse de jouer afin de ne pas gêner les voisins : c'est ce que la vieille dame demande à celle qui vient de lui ouvrir. Son violon encore à la main, Eve claque la porte et regagne son fauteuil. Une larme sillonne sa joue sous ses yeux en amande troublés par un épais voile de tristesse. En jouant, elle remontait son moral comme le mécanisme d’un réveil lui permettant d’affronter une nouvelle journée. Sur la table, un journal est déplié à la page des offres d'emploi. Il lui semble plein d'images déprimantes...

 

            Elle a été renvoyée hier pour avoir répondu vertement à son patron qui exerçait sur elle une pression constante d'ordre sexuel. D'un geste de colère, elle a renversé son bureau, d'où aucun espoir de retour. Les emplois féminins dans la presse voisinent entre celui de la secrétaire et celui de la vendeuse ; ils n’offrent pas de grandes possibilités d'évolution. Le violon n'est qu'un ami pour elle. Il lui a permis de gagner un concours mais le trophée maintenant disposé sur une étagère ne lui a pas ouvert la voie des concerts et l’entrée du conservatoire. Pour pénétrer certains lieux, il lui faudrait des connaissances ou de l'argent et c'est justement ce qui lui manque aujourd'hui. Ne voulant pas se servir de son corps, elle vient justement de couper la branche sur laquelle elle s’était posée comme un petit oiseau plein d’espoir. Cet oiseau a perdu des plumes.

            Fille d'un guérisseur autrefois réputé pour avoir soigné justement le directeur de son agence, Claude-Henri Durangeot, elle avait obtenu ce poste par reconnaissance envers son père. Elle y travaillait consciencieusement jusqu'à ce que le fils du patron, Marcus, succède à son père, partant à la retraite, et lui demande quelques faveurs en échange d'une promotion chimérique. Elle a refusé de devoir son ascension sociale à un esclavagisme de patron libidineux pour qui les femmes, notoirement, ne sont que des êtres inférieurs créés par les doigts de Dieu pour satisfaire l'homme.

            Elle s’est rendue dans la riche demeure de son vieux patron. La grande allée respire le parfum d'énormes jardinières emplies de fleurs diverses. Elle voulait lui expliquer la conduite de son fils, mais celui-ci a rétorqué qu'il avait connaissance par le voisinage de faits beaucoup plus accablants. On l'a surprise amoureusement enlacée par un employé, nue dans une voiture, dans un parking de la société ; ceci n'engage pas à croire son histoire. Dans le temps, on disait qu’une femme honnête n’avait pas de plaisir ! Elle a répliqué qu’elle était libre de son corps, surtout en dehors des heures de travail, et qu’on n’était plus à l’âge de pierre. Il a insisté calmement : il l’a lui-même plusieurs fois réprimandée pour sa tenue vestimentaire laissant apercevoir sa poitrine dépourvue de soutient, lorsqu'elle se penchait sur son bureau allant jusqu’à lui donner des vapeurs. Il a plusieurs fois remarqué ses jupes courtes qui laissaient entrevoir ses rondeurs lorsqu'elle se baissait, l’opinion la range au rang des allumeuses : elle n'a donc pas à se plaindre que son fils se soit laissé égarer par l'image qu'elle donne...

            Sa propre camarade de travail, Martine, la fille de l'adjoint au maire, qu'elle entraînait, paraît-il, à son exemple, a été fortement réprimandée. D’autre part, elle fumait comme un pompier. Elle faisait partie de ces jeunettes qui croit trouver dans la cigarette un médicament pour maigrir, sans considérer les risques que le tabac fait courir aux corps des femmes par le douloureux mélange avec la contraception. Les problèmes de peau, de grossesse extra-utérine et de déchaussement des dents  sont bien plus dangereux qu’un problème de taille fine. En cela, Eve adepte de tous les plaisirs de la vie était un mauvais exemple ! Voulant résister à l'autorité colérique de son père, Martine s'est récemment jetée de sa fenêtre. Le crâne ouvert sur le pavé de la terrasse, elle vient d'être inhumée au cimetière local.

Bonval, le père en question, un ami des Durangeot, personnage quelque peu alcoolique, autoritaire à la limite de la persécution de son épouse et de sa fille, reste pour Eve le responsable de ce suicide. On la soupçonne cependant d'avoir envoûté cette fille avec qui elle entretenait une relation douteuse pour la braquer contre lui...

Marcus Durangeot va même plus loin. Il souffle à l'oreille de Bonval qu’Eve n’est pas une fille tout à fait normale. C'est une instigatrice aux dons de sorcellerie qui possède chez elle une étrange poupée de chiffon dans laquelle elle doit, à certains moments, planter des aiguilles. Les douleurs incessantes de son père qui l’ont poussé à prendre sa retraite, comme les migraines de sa mère, dépendent certainement des agissements de cette fille. Bonval, enragé, commence à poser des questions à l’entourage.

Par une enquête rapide, il découvre que Martine a été amoureuse du nouvel amant d’Eve, Denis, un jeune motard serviable qui agrémente ses revenus en « fournissant » du rêve à des acheteurs fortunés. Partant de là, Eve a pu vouloir se débarrasser d'une rivale quoi que Bonval avait interdit à sa fille de rencontrer le jeune gars de la même façon qu’il lui interdisait tout ce qu’il n’appréciait pas lui-même. Martine avait confié à Eve que souvent, en rentrant du bar, il les frappait. La police parle de fabulations d'enfant gâtée ; la mère n'a jamais confirmé ses paroles..

 

Eve vient trouver Maggy, au « petit bonheur », en espérant être engagée en extra auprès de la serveuse souvent débordée aux heures des repas:

«-Mais tu avais un emploi dans une grosse société ? demande la serveuse

-Oui, mais hier matin je l'ai perdue ! J'ai pensé que tu pouvais m'aider...

-Faut voir le patron ! »

Hélas, Martial hoche de la tête négativement : dans l'immédiat, pas de possibilité pour augmenter le personnel. Saison d'hiver entraînant commerce calme : le personnel habituel suffit. Pas de chance pour elle !

------

            Le père Durangeot s'éteint bientôt d'une crise cardiaque. On ne manque pas d'accuser Eve de l'avoir provoquée en venant troubler le vieil homme chez lui, d’ailleurs, son fils prétend qu’elle a jeté un sort sur la famille. Une enquête ouverte, on découvre effectivement une poupée de chiffon suspecte chez la jeune femme. Les copropriétaires de l'immeuble ainsi que leurs locataires, dont certains avaient déjà déposé une plainte contre elle pour tapage nocturne, obtiennent son expulsion. Elle n'a d'ailleurs plus l'argent pour payer le loyer. Son copain, Denis, proteste. On n'a pas le droit de l'obliger à quitter les lieux en plein hiver : les locataires sont protégés dans cette époque de l'année. Néanmoins, comme Eve ne tient pas à rester, il la recueille et porte sa valise dans un bâtiment inchauffable voué à la destruction d’un quartier à rénover, pour l’installer avec lui du mieux qu'il peut, elle y vivra en monnayant ses cours de violon.

            C’est là que Bonval, poussé par Marcus, s’introduit avec ce dernier, en enfonçant la faible porte, un fusil à la main. La surprenant, près du feu de bois, en déshabillé excitant, tenant à la main sa vieille poupée de chiffons, il l'accuse d’être une ensorceleuse :

«- Moi, tu ne m'auras pas en t’exhibant ! Sorcière.

-J’allais justement la brûler, dit-elle » ------

Sans lui laisser le temps de faire un geste, il fait feu à bout portant. Elle s’écroule, la bouche ouverte dans une mare de sang. Elle a lâché la poupée qui tombe dans les flammes dans un crépitement semblable à un sanglot. C'en est fini des maléfices d’Eve !

 

Bonval est arrêté par la police. Les membres du conseil municipal interviennent auprès de Denis et lui offre un poste à la mairie pour qu'il témoigne contre Eve. Ne parvenant pas à le convaincre, ils répandent autour d’eux une légende selon laquelle le jeune gars aurait été envoûté par la belle au regard profond des chattes de gouttière : il était un honnête travailleur avant de la rencontrer, c’est elle qui est responsable de son déclin ; c’était une affreuse créature. Denis refuse de trahir son amie décédée et reste ouvert à la vérité. Il refuse tout compromis.

Lors du procès, le tribunal fait donc citer deux témoins en faveur d’Eve.

Une vieille dame, qui l'a bien connue, étant son professeur de musique d’autrefois, fait d'elle un portrait très différent de celui qu'on a étalé dans la presse. Elle s’appuie sur une canne pour venir la défendre de son mieux en disant qu’elle était une fille moderne assez excentrique mais tout à fait sympathique, simplement victime de sa différence avec les autres. La société devrait accorder à certaines femmes le droit à cette différence. Elle garantit son talent pourtant ignoré par les vieux Messieurs qui dirigeaient le conservatoire sans doute parce qu’elle ne jouait pas du classique, fervente de la musique tzigane sur laquelle dansait autrefois sa mère, surnommée la « gitane ». Elle héritait aussi de la publicité négative faite à son père qui avait ôté aux médecins établis certaines guérisons spectaculaires, après des traitements illégaux qu’il n'aurait pas dû entreprendre : sorcier lui aussi ? En tout cas, terrassé par un cancer, personne n'avait osé l'accuser après sa mort. Alors pourquoi elle ?

Le témoignage de Denis confirme que les courbes parfaites du corps d’Eve lui attiraient des ennuis auprès des serpents de notre société moderne qui désiraient tous devenir son Adam, même pour un jour, à n'importe quel âge. Si elle avait été plus facile, elle aurait peut-être progressé dans l'échelle sociale jusqu'au poste de directrice. Si elle avait eu des pouvoirs, elle les aurait sans doute exercés pour gravir l’échelle sociale. Étant une fille sage, attirée par les plaisirs simples, trop proche des animaux et de la nature, elle rêvait dans la musique et le chant des oiseaux, sans se soucier de son allure physique.             Pas encore contaminée par le monde de l'argent, elle était une proie facile pour les médisances et les accusations de toutes sortes. La mauvaise réputation venait surtout de son refus de s’intégrer dans l’image de marque d'une bourgeoise en déclin s'accrochant à sa position dominante. On l'accusait d'être une allumeuse parce qu'elle était naturiste au lieu de vivre dans la cuirasse vestimentaire obligatoire.

Elle n’a jamais eu d’influence maléfique sur lui, même s’il s’est livré à de malhonnêtes transactions, c’est plutôt à cause de la suppression de ses indemnités ! C’est le chômage qui les a réunit. Elle est venue vivre avec lui parce qu’elle ne pouvait plus payer son loyer. Denis confirme les relations amicales de Martine avec elle. Eve ne l’aurait jamais poussée au suicide ! Son aventure personnelle avec la pauvre fille était déjà terminée, ce n’était donc point une autre cause possible. Selon lui, la justice devait plutôt regarder du côté de Bonval qui terrorisait sa famille.

            Malgré ces deux témoins en faveur d’Eve, Bonval demeure un fonctionnaire notoire, un homme de la ville, un concitoyen parvenu jusqu'au conseil municipal avec jusque-là une vie sans tache, reconnu comme bon père de famille, même par son fils majeur qui avait quitté la maison, après une violente dispute avec son père, pour devenir avocat. On ne pouvait accuser un tel homme de crime avec préméditation sur une personne volage qui venait d'être renvoyée de son travail et s'était installée illégalement, sans vergogne, dans une masure abandonnée avec un jeune homme à peine majeur, plus ou moins douteux, soupçonné d’être « dealer ».

Des témoignages de locataires, favorables à la défense, précisent des bruits plus ou moins suspects laissant penser qu'elle se livrait à des messes noires dans son appartement avant l’expulsion. Elle y recevait des jeunes gens issus de milieux interlopes que la concierge hésitait à laisser entrer dans l'immeuble à cause de leur allure de drogués ; après leur passage, elle ramassait quelquefois des seringues ou des préservatifs. Bien que son ami réponde à cela en la présentant comme une âme charitable qui donnait des cours de musique à des déshérités, Bonval bénéficie de circonstances atténuantes en fonction des troubles causés par la victime. Marcus est lavé de tout soupçon. Le témoignage de sa secrétaire, femme mariée à un ouvrier mal payé, qui ne veut pas perdre sa place, ne révèle pas que, sur elle aussi, sont exercées des pressions physiques auxquelles elle cède quelquefois pour une augmentation.

Voilà, l'affaire n'est donc plus qu’un simple fait... d’hiver.

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Le professeur de musique et le jeune délinquant sont, avec Maggy, les rares personnes assistant aux obsèques de la pauvre Eve pour jeter une rose sur son cercueil. Elle disparaît humblement dans le silence, pourtant, derrière un énorme tombeau, la serveuse observe une silhouette qui se tient à l'écart. Toute vêtue de noir, l'épouse de Bonval, cache mal ses larmes qui coulent sur une joue gonflée par un hématome.

 

 

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Parfum du large, parfum d’espoir au-delà des odeurs des soins et des pommades

 

Vers l’an 2000, le nombre des femmes battues en France est encore énorme…

  Deux femmes marquées
De Frank Zorra publié dans Je suis né à Marseille (éditions Baudelaire)

 

 

Elle gagnait sa croûte dans une « boîte » très particulière de Marseille qui rappelait « Le corsaire borgne ». Elle effectuait un strip-tease intégral et quelques auto-attouchements sur une scène circulaire descendant du plafond jusqu’au milieu des spectateurs. Mina était écœurée par les parfums moites habillés de sueur et les gestes obscènes des spectateurs proches de la scène où elle se défringuait contre un poteau métallique. Ce jour-là, elle a jeté rageusement son string comme un défi pour sortir sous les remarques de son employeur qui lui reprochait un départ trop rapide. Elle aurait dû continuer son exhibition et saluer son public ! Une fois habillée, elle s'en est allée, hochant la tête, sans être retournée sur la scène...

Elle a récupéré sa petite fiat et a roulé le long des plages, puis dans son demi-tour, elle a stationné au Pharo. Elle est entrée dans les jardins pour se laisser caresser le visage par l’air de la mer. Parfum salé… Mina se souvient toujours de ce soir-là.

Le temps a passé. Quelques mois plus tard, elle pénétrait dans une église pour brûler un cierge. C’est là qu’elle a rencontré une femme agenouillée devant l’effigie de la vierge, avec des lunettes noires, qui a attiré son regard.

Lorsqu’elle l’a vue chanceler près du bénitier où elle esquissait le signe de croix avant de sortir, intriguée, Mina l’a attendue à la sortie pour lui offrir un verre. Cette faible femme hésitait ; elle lui a retiré les lunettes et a découvert un œil noir révélant bien un coup sauvage. L’arcade était ouverte méritant un point de suture. L’inconnue avoua alors, laissant couler une larme sur sa joue, que son mari supportait mal ses journées rudes de travail et il buvait beaucoup, ce qui le rendait quelquefois violent !

Elle s’appelle Nora et elle est venue prier pour que le seigneur l’aide à supporter les suites des soirs de beuverie où le querelleur autoritaire casse tout quand il rentre, pourtant sans la battre. La marque qu’elle porte est due simplement à un éclat de sa colère quand elle a voulu le retenir ! Du reste, elle a un fils avec lui qui a été confié à sa mère ; elle a préféré sa séparation partielle de l'enfant plutôt que de le laisser être témoin du drame !

Mina prend la jeune femme par les épaules et la secoue : il faut qu’elle se défende ou s’enfuie sans tarder : on ne doit pas vivre dans cette ambiance de violence ! Il faut réagir…Avec les rapports de son emploi de nuit, Mina a ouvert un cours de self-défense pour les femmes : Nora n'a qu'à y venir !

Mais celle-ci aime toujours Abel, son mari, et ne veut pas le quitter, espérant que tout va aller mieux quand il pourra cesser de travailler en nuit pour payer son crédit !

Mina lui montre une cicatrice implantée derrière son oreille ; elle aussi, par le passé, était une femme battue et elle n’a jamais pu observer de changement tant qu’elle n’est pas partie loin de son mari. Elle l’entraîne en voiture dans un coin tranquille loin de la ville. Près d’une rivière qui coule sous les pins, au pied de la Sainte Baume, elle lui montre son repaire secret : un cabanon de chasseur aménagé comme une cabine de bateau avec le confort d’un coin cuisine et d’un coin douche. Elle va passer avec elle une superbe journée où elle la gave de vitamines. Elles prennent ensemble le bain dans la rivière, en toute liberté, puis se reçoivent dans les bras l'une de l'autre.

–J'ai honte de me déshabiller en plein air, murmure Nora.

–C’est là que le corps respire la liberté par tous ses pores, de plus, ici, nous sommes seules : tous les soirs, je m'exhibais dans un parfum de tabac et de sueur, devant des yeux avides qui me dévoraient mais j'y arrivais en fermant les yeux et en songeant à ces lieux où je me libère !

–Moi, devant tous ces hommes je ne pourrai jamais !

–Dis-toi bien qu'ils ne peuvent pas me faire plus de mal qu'on ne m'a déjà fait.

 

L'arrivée soudaine de ce policier à son cours pourrait faire croire que le mari de Nora a réagi mais la photo que celui-ci brandit ressemble plutôt à Mina. Ce soir-là, l’inspecteur vient lui montrer une affiche qui représente son visage et l’accuse fermement d’être celle qu’il recherche, en disant qu’il parviendra à prouver qu’elle est bien Yasmina Moreau, accusée d’avoir tué son mari qui la battait. Elle a été remarquée de ville en ville, dans une tenue qu’on pourrait qualifier de combat : pantalon bleu type jean et débardeur rose avaient remplacé ses jolies robes et elle ne portait plus de bijoux depuis que son époux lui a arraché un fragment d’oreille en les lui retirant de force. La découpe particulière de l’oreille gauche de Mina en fait une Yasmina parfaitement crédible ! Cette fuyarde est poursuivie par le fantôme de son mari Jocelyn Moreau !

 

Quand Mina m’a téléphoné de la rejoindre dans son patelin perdu de la Sainte Baume, la demande ne m’a pas enchanté mais j’ai imaginé son visage et je me suis souvenu de certaines nuits que nous avions passées ensemble, ce qui m’a encouragé à suivre cette affaire en étant sûr que mes gains ne seraient pas mirobolants et que le Nord des Bouches du Rhône risquait de refroidir mes ardeurs habituelles ! Ce n’était pas cela qui paierait le paquet de factures qui s’alignaient sur mon bureau ! Je ne savais plus par laquelle commencer…

Je suis parti après avoir classé les enveloppes par ordre alphabétique, la première contenait donc mon prochain paiement. J’ai confié les clefs à mon fidèle Max qui dévorait son gigantesque casse-croûte matinal. Dans le trajet, mon imagination faisait onduler sur le capot, dansant en se déshabillant, un grain de soleil à faire frissonner Fragonard, un super moteur dans un châssis d’exception comme aurait dit Max qui comparait tout aux « bagnoles ». Je dus appuyer sur le frein pour stopper l’égarement…

Je l’ai retrouvée aussi belle que j’avais pu l’apercevoir quelques mois auparavant dans cette boîte marseillaise qu’on a récemment fermée dont j’ai oublié le nom ; il faudra que je fasse gaffe à « Alzheimer »…

Cette histoire, par contre, reste tellement présente dans mon esprit que je ne peux la raconter au passé, je la vis encore…

J’ai rendez-vous avec elle au bar-hôtel, facile à trouver. Je lui propose un boulot pour remplacer celui de la boîte qu’elle a laissé choir mais elle ne veut plus retourner à Marseille : elle refuse ; elle semble maintenant fuir les grandes villes pour vivoter dans son club de self-défense au cœur d’une petite localité. C’est son choix ! Mais là, elle paraît traverser une période d’angoisse !

Elle me fait rapidement part des soupçons de ce policier qui la prend pour une autre, une femme qui aurait tué son mari. Elle compte sur moi pour la disculper… Elle ne m’a pas convaincu ; la photo de l’affiche de recherche lui ressemble trait pour trait, l’accusation provient de pescaïres marseillais, et, c’est bien dans ce coin-là que je l’ai connue !

Je me souviens d’un formidable repas à l’Abri côtier où le serveur dépiautait le poisson avec art devant nos yeux. Je crois me rappeler de marques qu’elle a sur le corps, lutte particulière ou femme battue ? Même si je ne la croyais pas capable de tuer un homme, je l’ai vu s’entraîner ; karaté, self-défense et autre, une jeune femme tranquille aurait-elle eu besoin de tout cela ? Cependant, si elle avait tué son mari, elle n’aurait aucune raison de redouter qu’il la retrouve, n’est-ce pas ?

Je ne peux alors m’empêcher de lui dire :

–Moi, je crois que c'est toi la femme qu'on recher-che ; la cicatrice derrière l'oreille et la marque sur les reins le prouvent ; ton mari te bastonnait, n’est-ce pas ?

–Tu te souviens de tout cela ? réplique-t-elle.

–Je n'ai pas voulu remuer le couteau dans la plaie à l'époque mais...

–J'ai aussi une couture anale ! Mon cher amour me trouvait trop étroite. Il m'a gentiment livrée à ses copains machos

La violence, je l'ai vécue un peu tous les jours et je suis passée insensiblement de l'amour bêtement soumis à la haine sauvage : je l'ai frappé pour lui échapper mais je ne l'ai pas tué ! 

Je me souviens de cette nuit-là où je caressais les cheveux de Mina en lui demandant de me parler d'elle, et où j’avais découvert ces marques sur son corps. Là par contre, c’est sur son mari que je demande des renseignements : ses passions, ses activités… Je bondis quand elle me parle de sa passion pour les cartes : dans le cirque ambulant qui s’est installé sur le grand parking à l’entrée du village, se produit un drôle de prestidigitateur…

– Je t'en supplie, il faut que tu m'aides à prouver qu'il n'est pas cané !ª

–S'il est vivant, je le retrouverai !

–C'est un mec comme toi qu'il m'aurait fallu.

–Ne crois pas cela ! Si j'étais au top, je n’aurais pas divorcé !

–Il doit y avoir des nanas difficiles, mon « zèbre », j'avais toujours peur de ne pas le satisfaire ! Le steak était trop cuit, le vin pas assez frais, le lit mal fait ! J'étais sèche ou trop parfumée, pas assez docile ou embarrassante ! Il n'était jamais content et trouvait toujours une raison...

–C'était lui l'erreur ! Mais je n'ai pas été « cool » non plus !

–Moi, j’ai vécu avec toi des jours sublimes, tu n’dis jamais rien, tu manges n’importe quoi, je te trouve facile à vivre !

–Pourquoi m’avoir laissé choir alors ?

–À Marseille, je n’étais pas tranquille, j’avais peur qu’il me retrouve…

–Je pensais que c’était à cause de l’autre fille…

Ce n'est pas la première fois que je me laisse séduire : je la vois encore s’exhiber, écartelée sur le fauteuil rouge de la scène. Toujours admiratif devant ce corps meurtri mais tentant, je la regarde au fond des yeux et je lis un mélange de haine et de peine qui ne justifie en rien qu'elle n’ait pas tué son mari. Mais je me sens fondre…

Elle me parle aussi de sa nouvelle amie qu’elle voudrait aider ; elle la trouve semblable à ce qu’elle était autrefois ; intuition féminine ou nez de femme !

Ainsi Mina était Yasmina et comme Nora, faisait partie de ces femmes battues par leur mari. La dernière fois que j'avais collé un pastisson© à une fille ce devait être à l'école maternelle...

Depuis, je n'ai jamais compris qu'on puisse abîmer ce qu'on aime. Je ne peux donc pas comprendre ces hommes-là. Me voilà prêt à aider leurs femmes, quoi que Nora n'ait pas subi les mêmes préjudices que Mina.

Celle-ci n'a pas vraiment besoin de moi pour se défendre aujourd'hui. Je l'ai déjà vue une fois distribuer une raclée magistrale à trois voyous qui voulaient sans doute la violer! Coups de pieds retournés et baskets dans les gencives, ils ont fui sans en redemander. Alors, si elle m’a appelé, moi, Frank Zorra, le détective le moins cher de la région, ce n'est pas par peur d'un homme, même fantôme ! Elle voudrait qu’on prouve son innocence, tout est là ! C’est clair.

            Et je m’accroche à cette enquête comme une esque à son hameçon pendant qu'elle retourne se cacher dans les fourrés avec Nora. Abel, le mari de cette dernière, la cherche partout, sans rien casser, il parait plutôt brisé lui-même devant sa bière. Je le regarde un instant, avec ses yeux soulignés de poches de nuits sans sommeil et une barbe de plusieurs jours parsemée sur ses joues livides, il a plutôt l’air d’être escagassé que battant…Une épave.

D’après moi, son cas est différent ! Je ne dois pas aider le mari à retrouver son épouse même s'il me fait un peu pitié avec ses yeux larmoyants et ses mains tremblantes. De toutes façons, ma mission concerne Yasmina.

Quand celle-ci rejoint Nora dans son refuge, la petite brune lui a cueilli des primevères. Les deux femmes se blottissent l'une contre l'autre comme de vieilles amies. Les cheveux blonds roux se mélangent à la longue crinière noire et les doigts s’entremêlent ; toutes deux déversant sur l’autre une part de son désarroi ! Attendrissant, non ? Même pour un ours tel que moi ! Mina a l’impression de se retrouver en elle plus jeune et plus crétine, croyant que son conjoint,-drôle de mot-, va changer…

En attendant le résultat de mon enquête, elles restent ensemble dans la demeure de bois et profitent du soleil pour aller se baigner dans la rivière. Un décors paradisiaque, sous le toit de branches fraîches, déroule pour elles un tapis d’herbe tendre entre les rochers qui enserrent le lit de la rivière qui déferle des sources environnantes emplie d’écre-visses. Dans ma jeunesse, on délogeait ces bestioles en soulevant des grosses pierres. Nues et libres, elles oublient leurs malheurs. Elles s'observent, elles se découvrent.

–Et cette coupure auprès de ta cuisse, tu vas me dire que ce n'est rien ? Demande Mina.

–En fait, il a frappé du poing sur un miroir en se regardant, les éclats ont volé dans tous les sens, et j'en ai reçu un ! Mais il ne m'a pas touchée, il m'a même soignée, les larmes perlant aux yeux...

-Pauvre homme ! Plains-le...

-Je sais ce que tu penses mais je l'aime toujours et il est aussi malheureux que moi d'être si coléreux, il n'arrive pas à se contrôler, c'est tout !

–Le jour où il t'aura tuée, il pourra pleurer.

–C'est donc en pensant cela que j'ai écarté l'enfant et que je suis là avec toi : serre-moi dans tes bras mais ne me décourage pas : je veux croire que quelques jours de solitude le feront réfléchir.

–Et s'il vient ici ? Il va tout casser pour que tu retournes avec lui !

–S'il vient me chercher jusqu'ici, je partirai avec lui ! Pour l'instant, il ignore où je suis et je voudrais rester encore un peu !

Mina voudrait aider son amie. Mais elle est submergée par son problème. Il me faut donc l’assis-ter et prouver qu’elle n’a pas tué même si elle a frap-pé pour échapper à son sort. Selon elle, ce jour-là, Jocelyn est tombé dans l’eau mais il nageait bien… Il a certainement survécu ! Il veut lui faire payer son geste en la hantant sous sa nouvelle identité pour qu’elle avoue qui elle est…  Mina m’a persuadé que Jocelyn n’est pas mort mais, à ce moment-là, je suis le seul à le croire ; il me faut donc agir vite ! !

 

            Mon intervention a sans doute fait sortir le loup du bois ; ce soir-là, on trouve un corps sans vie avec l’étoile de métal de Mina plantée profondément dans la carotide ; il s’agit de l’inspecteur ! Jocelyn doit être dans les parages et il a abattu le policier avec l’arme de sa femme afin de la faire accuser d’avoir voulu l’éliminer, ceci pour conserver sa fausse identité. Je sais qu’elle n’a pu tuer l’homme pendant qu’elle était avec moi. J’évite donc les gendarmes. Je cherche qui pouvait l’approcher, lui dérober son arme, s’en servir ensuite pour le crime et la faire accuser !

J'ai retenu un détail : son cher mari jouait aux cartes. La silhouette d’un bonhomme qui exécute des tours de cartes sur l’estrade a attiré mon attention. Dès mon arrivée, je l’ai trouvé assez nul et je découvre sous les traits de ce saltimbanque, embauché dans la troupe sous un bon déguisement, Jocelyn qui change son visage pour mieux surveiller sa femme sans qu’elle ne puisse le reconnaître… Il faut le démasquer !

Après quelques manigances pour le forcer à quitter sa réserve, je l'appréhende au démaquillage et à travers les caravanes et les tentes installées près du chapiteau, je le ramène vers Mina ! C’est mon erreur ! Je voulais juste qu'elle confirme que je ne m'étais pas trompé mais à peine les ai-je mis en présence que le doute n'est plus possible ! Je suis tellement figé par son regard scintillant que je néglige ma surveillance du mari qui me casse une potiche sur la tête ; je dévie le coup au dernier moment mais il m’a tout de même étourdi et, durant ma chute, il lui administre une formidable claque qui lui fait tourner la tête et saigner la lèvre.

–L'inspecteur a été tué par ton arme ; t’es foutue ma vieille ! Lui dit-il. Tes appâts t’ont permis de trouver un mac compatissant pour te défendre ; j’aurai dû t’infibuler et te perforer au fer rouge quand tu étais encore avec moi pour supprimer ton goût des pas-sions extraconjugales ! Mais, pas d’engatse, tu ne t’en tireras pas ! Tu es toujours mariée, souviens-toi : je t'ai marquée, tu es à moi ! Je serai derrière toi où que tu ailles ! Et tu me le paieras, sartan ! »

Lorsqu’il est de nouveau devant elle, les images terribles de son passé l’assaillent : elle le voit encore la menacer avec un tisonnier écarlate dont elle a toujours une marque, elle sent encore le cuir de sa botte qu’il l’avait obligée à lécher et celui du fouet qui lui avait zébré le dos quand elle s’était laissée ligoter les poignets au lit ! Ces visions, ajoutées à celle du viol collectif, l’étouffent.

Son déséquilibre ne dure qu'un instant. Elle se soulève comme un ressort et, avec une technique qu’il ne lui connaissait pas, lui assène un coup de pied dans la tête qu’il ne digérera jamais ! La rupture des cervicales entraînant la mort. À peine debout, je me précipite mais c'est déjà trop tard ! Zorro n’est pas arrivé à temps. La haine a vaincu ! Cette fois, Yasmina vient réellement de tuer son mari...

Des perles sur ses cils m’ont demandé pardon : la violence appelle la violence ! Son mari disait vrai ; il sera toujours derrière elle… même mort !

Maintenant, je comprends pourquoi elle m'a appelé ; j'avais tout faux ! Ce n'était pas pour que je la protège mais que je l’empêche de le tuer ! Et je n'ai servi qu'à l’aider à y parvenir, inconscient de ce combat qu'elle livrait en elle entre son avenir et ses souvenirs ! Je me suis pris pour un chevalier ; fada, va, je me suis trompé d’époque ! Échec cuisant, Monsieur le détective ! C'est dans ces moments-là qu'on voudrait se frapper soi-même, rembobiner ou effacer et retourner à la première page comme sur un ruban magnétique, mais la vie n’a pas de marche arrière.

Malgré le soleil du midi, je voyais tout en noir ! Que devais-je faire ? La laisser fuir jusqu'à ce qu’un autre la retrouve ou lui trouver un bon avocat, pour plaider les circonstances atténuantes de ces femmes battues dont on ignore la vie partagée entre le cœur et les coups ? J’ai choisi la deuxième solution et je ne l'ai pas lâchée jusqu'au procès. Ce n’était plus vraiment la même. En le supprimant, elle s’était blessée aussi.

Nora a quitté le refuge de bois, fini les primevères et la rivière ! Quand je lui ai dit que sa « copine » ne reviendrait pas ! Elle est partie… Je lui ai proposé de m'occuper de son cas mais elle a refusé ! Un homme ou un autre ? Etait-elle plus attirée par les femmes ? Non, elle aimait toujours son mari. Elle est retournée vers son enfant en espérant des jours meilleurs. Je ne sais pas ce qu'elle deviendra mais j'espère qu'elle pourra obtenir ce qu'elle veut ! Au moins une, n'est ce pas ? Je le souhaite mais honnêtement je n'y crois guère.

J'ai regardé ces deux femmes marcher chacune vers son destin, dans un mélange olfactif d’Iris noir d’Yves Rocher et de Bleu riviera de Fragonard.

J’ai gravé dans ma mémoire le déhanchement de Yasmina qui garde une ondulation magistrale malgré le poids qui courbe désormais ses épaules.

Elle est toujours en prison alors que d'autres coupables ont déjà été libérés. Le glaive joint à la balance ne découpent pas toujours le poids juste. Et je n'y peux rien...

 


A lire et à relire et ce n'est rien comparé aux agissements des hommes de certains pays.

Article Nicole Manday

 



ª mort

© une gifle

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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 14:16

 

L'enfant qu'on peignait en bleus de Denise Biondo

À l’aurore de cette jeunesse qui fuit la colère du « mange minutes », je me souviens d’une aventure inattendue vécue par mon remplaçant, à l’école, durant ma maternité. Laissons–le en parler lui-même…

Ce ne fut pas facile pour moi bien que le cours soit élémentaire. Ce ne sont pas mes faiblesses en math qui m'ont gêné. À leur âge, ces enfants n’en étaient qu'à l'arithmétique. Ce qui me glaçait, c'était l'assaut de cette classe : arriver à dominer une meute d'enfants, c'est encore plus dur que convaincre des adultes... et j'en ai bavé ! J'avais plus l'air d'un pion que d'un instit, il m'a fallu du temps pour parvenir à mes fins et ressembler à ce que j'aurais voulu être.

C'est sûrement à ce moment-là que je me suis rapproché de la petite Laurie, une gamine blonde aux yeux couleur de mer dont le soleil ne semblait pas baigner le paysage. Elle avait un caractère fermé. Elle se tenait à l'écart des autres en accrochant à ses oreilles son baladeur. Pour une petite fille, elle était « bizarre ». J’ai dit bizarre ; comme c’est étrange !

Un jour où je pensais avoir quelque peu apprivoisé ma menace infantile, en posant tendrement ma main sur son cou alors qu'elle était interrogée au tableau, je l'ai surprise à sursauter. J'étais étonné de lui avoir fait mal. J'ai doucement écarté le col de sa chemisette et j'ai aperçu des marques qui ne trompaient pas. J’ai compris subitement pourquoi elle s'absentait les jours de sortie à la piscine : sa peau était couverte de bleus. Pourtant, pour le constater vraiment, il eut fallu la déshabiller. Alors, je ne pouvais rien dire, on aurait pu m'accuser de pédophilie. Certes, j'aurais pu en parler à la directrice mais je n'étais qu'un remplaçant. Je n'étais pas habilité à dévêtir un enfant, encore moins une petite fille. Enseignant ou pas, on devait respecter les élèves cependant j'étais persuadé que son père la battait et cela « m’escagassait »…

J'avais tort : son père n’était pas le coupable. Je l'ai compris quand j'ai su qu'il avait déjà quitté la maison familiale. J'avais réussi à échanger trois mots avec cette petite fille au regard sublime de petit chien... battu.

Récemment sa mère s'était mise à boire et c'était plus grave pour moi. Un « mec », j'aurais pu lui « casser la gueule », excusez-moi l'expression, mais face à cette femme dévastée, observant ce fond d’œil où l'on voyait le ressac sauvagement battre les paupières, entraînant un radeau qui oscillait entre le dédain et l'appel à l’aide, comment garder la face et jouer au moralisateur ?

Elle battait sa fille, certes, mais elle était malheureuse. On n’apprend pas à être parents. Et moi, avec ma fille inconnue et mon amour inconscient pour une femme qui avait son âge, j'étais mal placé pour faire de la morale à une mère disjonctée. Mon cœur d'artichaut qui ouvrait ses bouquets de feuilles devant toute prunelle en détresse ne facilitait pas ma tâche. Au fond de son regard, les vagues de tristesse noyaient la raison dans un flot d'alcool. Si on ne l'arrêtait pas, on pouvait penser que le sang coulant dans ses artères deviendrait celui de la vigne.

Le numéro des enfants en détresse, je ne le connaissais même pas, de mon temps, il n'existait pas. Je savais pourtant comment on vivait le départ à l'école avec la joue ouverte par la boucle d'un ceinturon, et encore moi, j'avais de la chance : j'avais ma mère !

Je ne savais pas imaginer l'enfer que pouvait vivre cette petite fille. Elle se croyait punie parce qu'elle était méchante : elle cherchait ce qu'elle avait bien pu faire de mal. Elle cachait ses marques comme on dissimule sa honte sous le manteau de l'habitude. Moi, je connaissais les excuses faciles : tombé dans l'escalier ou cogné par une porte ! Tous ces mots que l'on dit pour ne pas que le lien familial porte sa honte. Comment l'aider ?

Que les hommes qui se sont trouvés à ma place me jettent la première pierre : à ce moment-là, il ne m'était pas plus possible de laisser choir Laurie que d'attaquer sa mère...

Le mal par le mal, à dose homéopathique, c'est encore trop !

Et le bien pour le mal, je ne suis pas Jésus : je n'ai jamais appris à tendre l'autre joue.

J’ai pris le « Ferry-boat », elle habitait sur l’autre rive du port et d’une rive à l’autre j’ai senti un frisson qui parcourait mon échine, c’était le cas chaque fois que je me traçais une mission impossible.

Quand j’ai rencontré en tête-à-tête cette femme que j'avais haïe sans la connaître, elle a compris mon mobile. Elle m'a dit, elle-même, d’emmener son enfant, qu'elle n'était pas digne d'être sa mère. Mais Laurie qui l’aimait ne voulait pas la quitter, sans doute.

Cette maman honteuse m'a frappé de ses petits poings comme elle tapait sur sa fille : la rage du désespoir l'animait et je me suis senti désarmé. Ne sachant quoi faire, je l'ai serrée dans mes bras. « Fan de chiche » ! Ce geste a déchaîné une rafale de larmes qui inondait son visage et mon épaule. Je n'avais pas un mouchoir propre pour éponger ; j'ai utilisé le revers d’un doigt en caressant doucement sa peau enflée lorsqu'elle a desserré l'étreinte. J'ai plongé tout entier dans le bleu de cet océan qui déversait maintenant cette eau claire au-delà de ses paupières, tout un petit monde qu'elle cachait au fond de ses pupilles dorées qui donnaient un aspect encore vert à ses prunelles. J'étais perdu ! Maudit artichaut ! Je lui ai préparé un bain et je l'ai aidée à se détendre en essayant de ne pas m'empêtrer dans « l'eau de Rochas » que je reniflais délicieusement dans son cou.

Jouer Zorro, c'est facile au cinéma, mais dans la vie, il y a des lois ! Et qui étais-je pour cette petite fille-là ?

Quelques mois plus tôt, je ne la connaissais pas, pourtant, d’un jour sur l’autre, je ne pouvais plus dormir la nuit sans voir une main de femme se lever sur moi et me « tabasser », puis, je voyais ma fille sans bouche qui se superposait à Laurie, juste les yeux égarés, qui m'appelait à son secours, sans voix, que personne n'entendait, et puis encore, la mère de Laurie entre deux gendarmes me menaçant des foudres de Zeus. La vierge Athéna avec les lances de la force publique pour maîtriser la menace qui planait sur ses droits de mère ; lui enlever son enfant, seule la loi pouvait le faire, pas un pion miteux qui n'avait même pas su élever sa propre fille ! Quand le cauchemar prenait fin, j'étais tout transpirant assis dans les draps livides et des traînées humides descendaient jusqu'à ma moustache.

Je n'ai plus à remplacer l’instit ; on m'a rendu à mes propres occupations, propres n'est peut-être pas le bon mot ! Vogue la galère en crescendo ! J'ai voulu jouer au cheval de Troie bien que dominer de l'intérieur n'était pas si simple. Je suis allé trouver la maman de Laurie une nouvelle fois avec... Un bouquet de fleurs ! Vous ne me croirez pas. J'ai de la peine à y croire moi-même. Je l'ai invitée à dîner car quand on vieillit, on peut encore manger et dominer de ses yeux ce qui meuble son rêve et vous poursuit sans trêve. Et si je me sentais vieillir, sa jeunesse à elle fuyait, verre après verre... Son whisky creusait peu à peu ses rides. Il fallait l'éloigner des soucis, la projeter dans un rêve paradisiaque. Ce n'était pas une mince affaire pourtant ma mère disait qu’avec un peu d'amour on peut tout faire ! Je les ai emmenées, toutes les deux, avec moi, chez Disney à mes frais.

Elle a passé une bonne journée sans boire. J'avais vu autrefois qu'on peut arrêter de fumer quelque temps lorsqu'on est heureux avec quelqu'un. Dans un éclat de rire, devant un Pluto géant, elle a embrassé sa fille et l’a serrée contre elle telle une vraie maman. J'ai vu briller une lueur d'espoir dans ses yeux : on aurait cru que la fée Clochette nous avait frappés de sa baguette. Certes, il y a eu les aléas du retour mais je l'ai soutenue. J'ai récupéré des allocations auxquelles elle avait droit. J'ai trouvé un travail à sa portée, sans le stress habituel du sien, et un logement plus petit mais confortable. Je suis devenu leur père Noël, leur chevalier servant. C'était très dur de remplacer le verre. J'ai même bu avec elle le dernier pour la route. J'ai zappé mes habitudes pour marcher sur son chemin cahoteux.

Quelquefois, vision fugitive, sur la tombe de l'amour, j'ai vu un crâne qui pleurait : un vrai remue-méninges ! C'est peut-être cette image crottée qui m'a aidé à aimer profondément cette épave au point d'arriver à la sortir de la vase dans laquelle je ne savais pas nager. J'ai encore sur les lèvres un baiser au goût de whisky, de malt, d'alcool de prune, enrobé d’un parfum de crainte et de sueur angoissée, un baiser profond dans un tremblement des membres, un baiser sur lequel la langue portait le soupir de l'âme.

J'aimais déjà la fille et j'ai aimé la mère, le temps d'une passion qui ne dure pas, à l'instar d’un conte de fées, mais qui vous change de cap et trempe une variante dans la sauce du journalier. Et puis...

Et puis plus rien ! Vous attendiez quoi ? Des remerciements, la divorcée éplorée qui se jette dans les bras du Sauveur ?

Je n'ai pas d'auréole, je ne suis qu'un écrivain miteux qui a exercé plusieurs métiers avant de jouer au mentor. C'est vrai qu'on attend tous, un peu, quelque chose en égoïste, moi, je me suis contenté de son sourire. Il était si beau, son sourire : une palette de rose en camaïeu sur l’émail blanc de ses dents.

Je lui avais tant expliqué sur elle, sur moi, sur les couples, qu'elle a dû comprendre qu'elle aussi était chargée d'erreurs vis-à-vis de son mari et elle l'a retrouvé... Et Laurie en était heureuse.

Aujourd'hui, elle a repris confiance. Sa vie recommence. La petite fille a grandi et le seul bleu qu'elle garde dans ce tableau, c'est le bleu du ciel de Marseille. Elle a pardonné. Et moi ?

Lorsque je passe à l’ancrage du Ferry, il m’arrive encore de regarder dans la direction de leur maison, d’une rive à l’autre…

Je laisse échapper une perle de la mère restée sous ma paupière, une larme amère, avant d’aller draguer une poissonnière.

Je suis fauché, comme une marguerite, ou une fleur d'artichaut, pourtant je suis content. Et je vais refaire ma page, je ne sais pas pourquoi mais, emporté par mon récit, je l'ai mouillée.

Et voilà, le temps peut continuer à effacer mon histoire…

Denise Biondo Avril 2010

Ce texte qui comprend tous les mots (soulignés) de la liste de la semaine de la langue française2010 a été conçu d’après une idée originale de Frank Zorra...

Retrouvez toutes les nouvelles de Denise Biondo dans :

Lcouverture au bout des doigts cover eaux b

Au bout des doigts prix net 10 euros 8 nouvelles de Denise

Entre deux eaux prix net 12 euros 12 dames-12 nouvelles

Que me dis-tu la vie ? prix net 9 euros les nouveaux poèmes de Rosette BP

Les fantômes de Marseille prix net 12 euros roman fantastique à trois auteurs

Un papillon sur l'aile du vent prix net 12 euros 16 auteurs

pour paiement d'avance le port est offert.

 

 

 

 

Article précédent--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Trois prix ont été remis par le maire ce samedi 9 octobre aux lauréats du concours de nouvelles de Cassis à la bibliothèque municipale de l'Ariane dans le cadre du printemps du livre 2010. Chaque candidat s'est vu remettre un recueil où figurent les trente nouvelles qui ont participé à ce concours ; d'une rive à l'autre en était le thème et Denise Biondo de Provence-poésie participait avec la nouvelle inspirée par une idée de Frank Zorra : l'enfant qu'on peignait en bleus (en sixième position dans le recueil) consacré aux enfants battus dans des circonstances particulières.

Pour appuyer cette publication en tirage limité, Provence-poésie publiait la nouvelle à la suite de cet article et adresse un grand merci à la ville de Cassis.

cassis.jpg

Thème d’une rive à l’autre

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Denise Biondo est une des treize pour 2013 et elle est aussi la muse poète du trimestre avec trois poèmes auquel répond le président. (voir notre rubrique)


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Gagnante d'un concours de nouvelles à Gémenos, elle était publiée également dans le recueil de leur dernier concours pour son texte Une journée  d'enfer... Elle signait sur les stands de La Bouilladisse, Auriol, La Destrousse, Marseille-Longchamp, Solliès-Pont, etc... et sur la table des auteurs en pays d'Aubagne le 3 décembre 2011 pendant la journée des contes.

Certains ont une double casquette ; que dire de Denise à la fois nouvelliste, poète, interprète, organisatrice, décoratrice, gestionnaire, vice-présidente de l'association et musicienne quand il lui reste un moment. N'est-ce pas un multi chapeau ?

Ci-dessous: participation au petit guide poétique des trésors de Marseille, collection académie de Provence, puis interprétation de Maupassant : Madame Husson dans Quelques mots en passant pour Maupassant de Danyel Camoin et maintenant auteur de au bout des doigts...

Mais Denise était aussi correctrice de Les fleurs du vide Prix d'honneur académie 2009 et des éditions Pp en général depuis, décoratrice de Affabulations affables de Danyel Camoin et P.A Malsheres et de "les robertides II de Jean-Marie Arvieu, photographe du petit guide...

reporter pour Internet des stands de La Destrousse de Messieurs Révilla, Baril et Camoin, et de Garéoult en 2011,

pré-jury et décoratrice du recueil des concours de nouvelles des concours ainsi que

présentatrice des réunions porte-ouvertes de l'association et des rencontres externes, elle était aussi présente dans l'équipe qui travaillait sur les chemins d'Aubagne avec Danyel Camoin pour le recueil 2012.

 

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 Un coup de Chapeau... à Madame Husson ?12 mars deniseaffiche-copie-1rosier

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C'est vrai qu'elle n'aime pas ma façon d'écrire et n'a pas lu les parfums de Marseille, ni je suis né à Marseille, écriture trop personnelle sans doute qui escagasse le lecteur par le fumet  mi-aïoli, mi pastaga de l'haleine du héros atypique, mais elle a tout de même écrit une nouvelle formidablement bien menée à partir d'une histoire que je lui ai racontée : l'enfant qu'on peignait en bleus.

Et je vous conseille de lire son recueil qui mérite le détour...

 

_______________________________________________________Les autres auteurs piliers de Pp éditions:

 

les asSP A0053
Les auteurs présentent ici leurs oeuvres:
Nicole Manday                                            Frank Zorra                                    Danyel Camoin

Mes moires de Marseille                Les parfums de Marseille                    Les fleurs du vide                                              
Plein Phare (nouvelle)                     L'intruse (nouvelle érotique)               Affabulations Affables
Les Mages                                         L'encombrante (nouvelle)                    Les méandres de la pensée
Noir c'est Noir (nouvelle)                 Les secrets...(en cours )                      Mes moires de Marseille

Le petit guide poétique                    Des nouvelles de Nyons                     Au-delà du seuil...

Au-delà du seuil                                                                                                   Les Mages
                                                                                                                               Fabulations  du pays d'Aubagne

                                                                                                                                 Féeries et Légendes

                                                                                                                                Tous les chemins...

                                                                                                                                 Entre deux eaux

 

Et dans d'autres éditions      
                                                            Je suis né à Marseille                            Au seuil de l'inexplicable
                                                                                                                               J'ai même rencontré...
                                                                                                                               Les fantômes du vieux moulin
                                                                                                                               Des nouvelles de Provence
                                                                                                                               Au petit bonheur
                                                                                                                            Le monde magique de l'enfance

                                                                                                                                 Le petit guide poétique...

                                                                                                                                 Vers d'hier et de demain

                                                                                                                                 Les évadés du rêve

 

 

 

 

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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 15:04

Après son succès à Aubagne, Provence-poésie propulse Denise Biondo et Danyel Camoin à Marseille pour ouvrir 2013 au Club Castéropoulos, le plus vieux club poétique de Marseille (voir article antérieur) présidé par Jehan Armagnac, prévu en invité d'honneur prochainement à Aubagne qui avait déjà accueilli notre face cachée de Brassens, Quelques mots en passant pour Maupassant et 2011 l'odyssée de la Fable.

Denise et Danyel étaient présents  à la réunion calendale où ils ont présenté leur duo : un dessin dans la tête, d'après le court-métrage de Paul Carpita : des lapins dans la tête.

A cette même réunion se distinguaient Henri Rocca dans une interprétation de la farandole des santons de Provence d'Yvan Audouard et Philippe -Auguste Malsheres en Cigalon entre deux chants de Pastorale de Jehan Armagnac: une belle fin d'après-midi...

 

C'est Alphonse Allais qui était à l'honneur  dans : Allez Alphonse Allais ! Une version moins scénique de Allais, vous m'en direz des nouvelles ! mais tout aussi intéressante qui retrouvait  à 17h30, le jeudi 10 janvier 2013, 69 rue Sylvabelle  étage 4 au Tempo : Guy Feugier, Geneviève Casaburi et Rosette Escoffier  ajoutant à la distribution :  Henri Rocca,  Philippe-Auguste Malsheres, Camille Stempfel et Jehan Armagnac lui-même pour parcourir les nouvelles d'AA contenant à cette occasion deux textes non présentés à Aubagne.

 

Réunion Alphonse Allais P.P 003feugierDeniseRéunion Alphonse Allais P.P 006

 Guy Feugier, Danyel Camoin, Rosette Escoffier et Denise Biondo dans la scène de l'hôtel

 

Pour en rire ensemble en janvier,

 

merci Jehan et à Bientôt !

 

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Articles précédents

 

On ne prend pas les mêmes pour recommencer: on continue...

au coeur du plus ancien club de poètes marseillais...

 

Denise Biondo et Danyel Camoin  accompagnés

de certains adhérents de Provence-poésie tels Jean Di Fusco, Monique et Louis Moulet replongeaient dans les fables sous la direction de Jehan Armagnac pour le Club Castéropoulos.

Spectateurs de Marque:  Claude Camous, Maurice Chevaly, Pierre-M. Jonquière, Sonia Kitaëff et  Michel L'Hellène.

Nous les remercions de leur présence.

 

clairette et la fourmidenise poupée

L'équipe n'était pas la même (on a ajouté dans les interprètes Camille Stempfel et Annie Malochet) mais on y retrouvait  les indispensables Philippe-Auguste Malsheres, Guy Feugier, Monique et Louis Moulet.

Le président Armagnac a gentiment remplacé JC Colay dans l'interprétation de l'âne des animaux malades où Danyel sans texte excèle en renard mais le clou de la causerie était le face à face final de la poupée et du miroir avec une véritable poupée agitée en marionnette remplaçant la poupée incarnée à Aubagne par Denise.

Camille rendait un hommage à Jean Di Fusco en interprétant un de ses textes avant qu'il ne raconte lui-même avec brio: le rouge-gorge et la cigale.

Une autre façon de revoir la causerie  ou de la découvrir en plus petit comité.

C'était le 13 octobre de 17h15 à 19 h au 4e étage du 69 rue Sylvabelle...  

aff 2011

 

Interview de Danyel Camoin sur le Club :

"C'est là que j'ai connu la plus étonnante poète que j'ai rencontrée, dont certaines oeuvres sont étudiées en Amérique et à qui j'ai rendu hommage dans mon livre : les méandres de la pensée, celle qui a préfacé mon premier livre en prose poétique avec sa gentillesse et son talent ; elle portait dans ses yeux son sourire amical et dans ses doigts la plume des anges: Marie-Louise Bergassoli, ma mère poétique.(voir l'article de Provence-poésie: un autre regard. )Depuis qu'elle a disparu, je déclame partout où je peux son superbe poème qui semble parler d'elle: C'était hier...

Une rétrospective "Malou, c'était hier" sera  envisagée en collaboration avec son éditeur : Marcel Baril prochainement (grâce à l'autorisation que m'a donné sa fille qui nous fournit des exemplaires) peut-être avec la participation de son amie Paule Cordier également éditée par la petite édition.

J'y ai aussi rencontré Eloyse Blouet, également disparue, que j'ai applaudie au festival des collines à Allauch, auprès de mon ami regretté: André Durbec. 

C'est là aussi qu'en janvier et en octobre 2010, j'ai pu grâce à Jehan Armagnac exprimer mes premières conférences sur la face cachée de Brassens en présence de Claude Camous et  sur ma vision cinéphilique de Maupassant. J'y ai aussi rencontré un géant de la poésie engagée : Michel L'héllène, apprécié par Marcel Jullian pour son oeuvre : la tragédie de l'âme et de la conscience (qui m'a fait l'honneur de m'échanger son livre contre "J'ai même rencontré le chaperon rouge" ) et le meilleur orfèvre de la poésie classique : Claude Lévy. Un club d'anthologie ! Suivez notre ami Philippe-Auguste Malsheres dans sa démarche pour présenter les étoiles qui l'ont illuminé."

 

Voyez l'article paru récemment dans l'hebdo qui a publié des nouvelles de nos associations et qui rend enfin hommage au plus ancien club des poètes marseillais où l'on peut  croiser des grands noms comme  Guy Feugier, Jacques Mandréa, Claude Camous et Jean-Jacques Boitard et les habitués comme Sonia Kitaëff et Danyel Camoin,

et ceux indiqués ci-dessous :

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castero2.jpg 

Michel L'hellène ci-dessus au salon de La Bouilladisse 2010 était présent pour les dix ans de Saint-Victoret avec son nouveau livre: paroles du squelette d'Orphée.

 

 

Article: Nicole Manday

 Scan: Denise Biondo

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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 14:22

Après un vibrant hommage à Aragon, Brassens, Ferrat, Maupassant et aux fabulistes, puis, plus récemment au poète du cinéma, Paul Carpita, en présence de l'un de ses assistants,

Pp lance plusieurs coups de chapeau poétiques :

un festival en 2013 avec Alice Hugo, Guy Feugier et les poètes chantés par Brassens

et en projet pour 2014 hommage à Marie-Louise Bergassoli et coup de chapeau surprise...

 

Consacrons la page qui suit à nos poètes disparus...

 

amis

mouriesp.jpg 

 

fontvielle-bastide--.jpg

 

 

Eloyse Blouet, Marie-Louise Bergassoli, André Durbec, Miguel Ruiz et d'autres...

Ils ont marqué le temps de la poésie...

 

 

Un de moins, un de plus et le spectacle continue...

Il est mort, notre ami et nous laisse une fleur de peine,

Ce texte est publié aujourd'hui en hommage aux poètes disparus

et en particulier pour Michel Ruiz qui était encore parmi nous le 18 juin

pour : 2011, l'odyssée de la fable...

et qui vient d'éclairer une étoile pour nous voir

peut-être de là-haut.

Adieu Michel, nous pensons encore à toi.

 

Article et poème de Danyel Camoin

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Le jeudi  3 mars  à Marseille Philippe-Auguste Malheres a présenté un vibrant hommage à la regrettée Marie-Louise Bergassoli dans Coeur de poètes.

Pour ceux qui veulent retrouver ses textesregard est dans la bibliothèque Provence-poésie.

Un des sommets de la poésie libre dans l'oeuvre de Marie-Louise Bergassoli  : Un autre regard. La petite édition.
Voyez ce qu'en pense Danyel...
"Le sourire de "Malou" s'échappait par ses yeux en volutes de dentelle et arrosait de sa bonté  tous ses élèves : l'école romane,  qu'elle présidait, a enseigné à certains non seulement comment déchirer le voile de la prosodie dont on est généralement  loin mais aussi, et surtout, comment on exprime les mots du coeur, comment on expire son intérieur au lieu d'attendre une inspiration céleste, comment on écrit "j'ai même rencontré le chaperon rouge" ou "Les fleurs du vide" et, chaque fois que j'écrirai un poème, je plongerai dans son regard toujours en moi et me demanderai si elle aurait apprécié.
Elle nous laisse par écrit son souvenir immortel même si elle n'est plus là, même si... C'était hier...
hier

Ce poème libre est interprété par Danyel dans la plupart des rencontres poétiques.

En pages poésies d'autres poèmes à lire... sous le titre "Malou" ce n'est pas un adieu.

Avec l'aimable autorisation de Me Christine Bergassoli

Un hommage est en projet à Aubagne pour 2014...

débutant par un écrit de Danyel en hommage à sa mère poétique inoubliable et il nous dit en avant -première :

"Pour elle, j'ai pris les ailes de la pluie...

Et  j'interpréterai outre un poème que je lui avais écrit de son vivant, un ensemble de deux extraits de son oeuvre, moitié classique, moitié libre."

 

 L'hommage existe déjà dans son recueil poétique: les méandres de la pensée. 

Article Nicole Manday

 

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3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 20:01

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Les premiers films du monde  ont été tournés et projetés en Provence par les frères Lumière : il s'agissait entre-autres de l'arrivée d'un train en gare de La Ciotat...

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A l'occasion de sa 7e lecture -spectacle, portes ouvertes sur réservations, Provence-poésie vous invitait le 1er décembre 2012 à retrouver l'équipe endiablée présentée par Denise Biondo à la Mdva d'Aubagne dans sa formule habituelle pour :

Les contes du 7e art provençal  

Isabelle et Jean-Claude à l'accueil ont vu passer : Andrée Ataroff (voir ci-dessous)- Mauricette Buffe-Erine Lechevalier-Denise Beltramo- Denise Roman- Denise Pioch- Sonia Kitaëff- Rose-Marie Palun- Monique Morucci- Claude-Marie Roux- Albert Borelli- Michel Camoin-Zaven Sarafian parmi plus de cinquante autres spectateurs entre les deux parties. 

  affiches-1-12.jpg

 

Danyel Camoin presque né dans un cinéma (l'Artistic-cinq avenues) rend hommage à Paul Carpita, l'instituteur marseillais du 14e, cinéaste maudit au film interdit durant  plus de trente ans, metteur en scène du monde ouvrier, chaînon manquant du cinéma français, précurseur de la nouvelle vague, devenu célèbre à 80 ans par son troisième et dernier long métrage : Marche et rêve ! ou les homards de l'Utopie, tourné à Martigues. Mais Carpita fut aussi le réalisateur de nombreux courts métrages dont un sur Aubagne et le pari de Danyel c'est de faire découvrir par des interprétations d'extraits l'écriture poétique méconnue du cinéaste.

(extraits-lectures ou scènes de : Le rendez-vous des quais-Les sables mouvants-Marseille sans soleil-Demain l'amour-Des lapins dans la tête-Les homards de l'utopie)

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Cette première partie était titrée:

Carpita, des lapins dans la tête, d'après le titre du court-métrage primé cité en 2008 dans le livre de Danyel : J'ai même rencontré le chaperon rouge.

   vassal.jpgadieu-Jesus.jpgvassal-livre.jpg

    Etaient invités à cette date:

Invité d'honneur : Lucien Vassal romancier historien marseillais qui a trés bien connu Carpita, assistant et interprète de l'auteur de Adieu Jésus.

Autre invité: Jean-Yves Calassi, auteur d'un livre sur les cinémas de quartier de Marseille.

Autre invité: Michel Isard de l'Académie de Provence, guitariste et auteur de contes provençaux.

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Présentation exceptionnelle de Madame Andrée Ataroff, interprète du film : le rendez-vous des quais de Paul Carpita

venue voir la représentation (photo dans le film ci-dessous).

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carpita.jpg madmireill.jpgPC010441.jpgmiracle-2.jpgequipe-Carpita.jpg

La deuxième partie de cette journée de contes, après l'entracte et le tirage du gagnant du jour, était dédiée aux conteurs du cinéma de chez nous : Giono, Pagnol, Verneuil, Colpi ...

avec des lectures et des interprétations de :

La belle Meunière, Marius, Cigalon,  Le secret de Maître Cornille, Le mouton à cinq pattes, Heureux qui comme Ulysse, Manon des Sources, Regain, Jofroi, La femme du boulanger et Le schpountz

Pas de projection, de vrais personnages sur fond noir...

Comme disait Claude Nougaro: sur l'écran noir de mes nuits blanches...

Avec la participation de Guy Feugier (Toine, Panturle et César), Philippe-Auguste Malsheres (Fonse et Escartefigue) et Alain Daix  (Monsieur Brun)

 

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  panturle-gedemus.jpg jofroi.jpg

 

 et l'équipe de Pp :

  moniqjoelle.jpgmeuniere.jpg

 Jean-Claude Colay (Alphonse Daudet et le docteur) Joseph Lévonian (Le curé et le maire) Joêlle Foin (Monique)

Geneviève Casaburi (Aurélie) Mireille Miau (Madeleine) Janine Ravel (Marinette) Francis Triay (Cigalon)

Danyel interprète: le récitant, Carpita, Bernard, Roger,Toinou, Schubert,Gédémus le rémouleur, Panisse, Joffroi, le boulanger, le père des quintuplés, Antonin, le papet et  le schpountz)

Denise :   la journaliste, Louisette, la belle meunière, la voix off, Françoise et la récitante.

Edouard ( Gérard, Marcellin et le dessin) 

 

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PC010403.jpgmouton.jpgheureux.jpgulysse.jpgcigalon.jpgpapet.jpg

 

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Final en chantant avec Edouard avant le verre de l'amitié

Partition musicale Alain à l'accordéon  et Jean-Paul  à la Guitare

 

Evidemment tout était gratuit...

De 16h à 19h30

 

Photos Geneviève Casaburi et Janine Ravel 

Article  F Z 

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