Un carreau dans la tête d'après un texte de Geneviève Casaburi : Janot, il en a perdu la boule !
C'est la nouvelle de Denise Biondo (Au bout des doigts) qui a terminé le programme avec l'enfant qu'on peignait en bleus, drame qui mettait en scène Frank Zorra dans une enquète trés particulière... racontée à deux voix par Denise et Danyel Camoin (imitant Frank Zorra).
Version abrégée pour la scène :
L'histoire la plus invraisemblable qu'il soit arrivé à Frank était de remplacer une amie institutrice durant une maladie.
Et ce ne fut pas facile bien que le cours soit élémentaire.
Voici ses propres mots au bout de mes doigts… (Denise Biondo)
Ce ne sont pas mes faiblesses en maths qui m'ont gênées. À leur âge, ces enfants n’en étaient qu'à l'arithmétique. Ce qui me gênait, c'était l'assaut de la classe : arriver à dominer une meute d'enfants, c'est encore plus dur que dériver des adultes ! J'avais plus l'air d'un pion que d'un instit, il m'a fallu du temps pour arriver à y ressembler.
C'est sûrement à ce moment-là qu’il s’est rapproché de la petite Laurie. Elle avait un caractère fermé. (Denise)
Un jour, en posant tendrement ma main sur son cou alors qu'elle passait au tableau, je l'ai surprise à sursauter et j'ai été étonné de lui avoir fait mal. J'ai doucement écarté le col de sa chemisette et constaté des marques qui ne trompaient pas. J’ai compris subitement pourquoi elle s'absentait les jours de sortie à la piscine. Sa peau était couverte de bleus ; j'étais persuadé que son père la bâtait.
Il avait tort, ce n'était pas son père qui était coupable et il l'a compris quand il a su que celui-ci avait déjà quitté la maison. (Denise)
Récemment sa mère s'était mise à boire et c'était plus grave pour moi ; face à cette femme dévastée, observant ce fond d’œil où l'on voyait la mer sauvagement battre les paupières, comment garder la face et jouer au moralisateur ?
Elle battait sa fille, certes, mais elle était malheureuse.
Au fond de ses yeux, les vagues de tristesse noyaient la raison dans un flot d'alcool. (Denise)
Je ne savais pas imaginer l'enfer que pouvait vivre cette petite fille qui aimait pourtant sa mère. Elle se disait même punie parce qu'elle était méchante. Je connaissais les excuses faciles : tombé dans l'escalier ou cogné par une porte ! Comment l'aider ?
J’ai pris le Ferry-boite, elle habitait sur l’autre rive du port et d’une rive à l’autre j’ai senti un frisson qui parcourait mon échine, c’était le cas chaque fois que je me traçais une mission impossible…
Quand il a rencontré en tête-à-tête cette femme qu’il haïssait sans la connaître, il n’a pas pu lui enlever son enfant. Laurie ne voulait pas la quitter, sans doute… (Denise)
Elle m'a frappé de ses petits poings comme elle tapait sur sa fille : la rage du désespoir l'animait et je me suis senti désarmé. Ne sachant quoi faire, je l'ai serrée dans mes bras. Fan de chiche ! Ce geste a déchaîné une rafale de larmes qui inondait son visage et mon épaule… J'ai plongé tout entier dans le bleu de cet océan qui déversait cette eau au-delà de ses paupières, tout un monde qu'elle cachait au fond de ses pupilles dorées ; je l'ai aidée à se détendre en essayant de ne pas m'empêtrer dans l'eau de Rochas que je reniflais dans son cou.
Alors, M. Zorra, pas moyen d'enlever ce A; jouer Zorro, c'est facile au cinéma, mais dans la vie, il y a des lois ! (Denise)
Vous ne me croirez pas. J'ai de la peine à y croire moi-même. Mais je l'ai invitée à dîner… Et je me sentais vieillir mais sa jeunesse à elle fuyait, verre après verre, son whisky creusait peu à peu ses rides. Il fallait l'éloigner des soucis, la projeter dans un rêve paradisiaque ; ce n'était pas une mince affaire mais ma mère disait qu’avec un peu d'amour on peut tout faire ! Je les ai emmenées, toutes les deux, avec moi, chez Disney.
Il a trouvé des allocations auxquelles elle avait droit, un travail à sa portée, sans le stress habituel du sien, et un logement plus petit mais confortable. Il est devenu leur père Noël, leur chevalier servant. (Denise)
C'était très dur de remplacer le verre. J'ai même bu avec elle le dernier pour la route.
J'aimais déjà la fille…j'ai aimé la mère, le temps d'une passion éphémère à l'instar d’un conte de fées qui vous change de cap. Et puis...
Et puis plus rien ! Vous attendiez quoi ? Des remerciements, la divorcée éplorée qui se jette dans les bras du Sauveur ? Je n'ai pas d'auréole et je me suis contenté de son sourire. Je lui avais tant expliqué sur elle, sur moi, sur les couples, qu'elle a dû comprendre qu'elle aussi était chargée d'erreurs vis-à-vis de son mari et elle l'a retrouvé... Et Laurie en était heureuse.
Aujourd'hui, elle a repris confiance. Sa vie recommence. La petite fille a grandi et le seul bleu qu'elle garde dans ce tableau, c'est le bleu du ciel de Marseille. Elle a pardonné.(Denise)
Et moi ?
Lorsque je passe à l’ancrage du Ferry, il m’arrive encore de regarder dans la direction de leur maison, d’une rive à l’autre…
Depuis la vie s’écoule, goutte à goutte, et nous vous remercions de votre écoute.
(a deux)
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C'est la nouvelle de Geneviève Casaburi : Un cadavre au carreau, récompensée deux ans avant qui a inspiré à l'équipe de Pp : un carreau dans la tête, jouée lors de la musique des mots dans le bar de Tonton par Michel Isard(Raphaël), Jean-Claude Colay, Danyel Camoin et Geneviève Casaburi (la serveuse).
Un carreau dans la tête
d'après la nouvelle de Geneviève Casaburi ; Un cadavre au carreau
Texte sur lutrin au milieu du passage près du comptoir
Deux hommes font irruption dans le bar de tonton qui les apostrophe :
-Oh là !
-On se la fait, cette partie, ou pas ?
-Attends, eh, oh ! Faut récupérer Tonin.
-Hé, où il est, çui-la ?
-Y fait sa sieste, con ! Sur le banc. Derrière le bar.
-Oh ! Tu me parles mal, non ?
-Pourquoi ? Parce que j'ai dit « con » mais à Marseille ça, c'est la ponctuation ! Le point final.
-Et en parlant de point : faudrait qu'on gagne !
-Contre Tonin ?
-Non, contre le Pape !
-Et Janot ?
-Ah ! Janot, il n'a plus toute sa tête.
-Oh, ça alors ! (la serveuse)
-À cause de sa femme ?
-Eh !
-En tout cas, pas de tir à la raspaille, pas de déracinage de platane et surtout pas baiser Fanny ! Hein ?
-Toi avec les rosés que tu as descendus, tu as le nez aussi violet que des radis !
-Je supporte mal les grillades.
-À propos…
-À propos de quoi ?
-De Tonin !
-Quoi, à propos… Quel rapport avec les radis et les grillades ?
-Je n’te parle pas des radis mais de Tonin ! Tu as vu la tête qui faisait depuis hier.
-On aurait dit le Ravi !
-Quelle idée ! Non, on aurait dit un mort.
-Un cadavre au carreau.(la serveuse)
-Figure-toi qu'il avait rêvé qu’il se prenait une boule mortelle en pleine tête et que c'était Janot qui l’avait tué…
-Oh ! Je vois le Janot : " Oui, Monsieur, c'est moi qui l'ai tué, j'en avais marre qu'il fasse les yeux doux à ma femme. Et surtout, je ne supportais plus tellement qu'il parle tout le temps des exploits de ces boules ! Alors cette fois, c'est moi qui ai fait un carreau… Avec sa tête !"
-Ah ! Tu l’imites bien (la serveuse)
-Il aimerait bien limiter avec la femme de Tonin.
-Ouais, mais ça, c'était avant. Raphaël, va réveiller Tonin maintenant.
(Raphaël sort) voix de Raphaël en coulisses :
-Ho ! Tonin ! Tu me fous la pétoche maintenant. Allez, réveille-toi ! C'est plus l'heure du sieston. Tu as rêvé de travers mais on a quand même gagné hier !
Oh ! Alors ?
Dans le bar :
-Alors Tonin et Janot, les tireurs ! Raphaël et Toi, les pointeurs, c'est ça ? Au cas où, je remplacerai Janot.
(Raphaël revient dans le bar livide et affolé, une boule à la main il dit :)
-Ho, les gars, c'est pas possible ! Il faut appeler la police…
-Quoi ! Et pourquoi faire ?
-Beh ! Le Tonin, il n’bouge plus : il est mort, et à côté de lui… J'ai trouvé une boule…
(Il brandit la boule)
-Ho là ! Un rêve prémonitoire…
-Mon Dieu ! (la serveuse)
-Et la boule, c’est celle de Janot !
-Je vous l'avais bien dit…
-Quoi ?
-Que Janot, il avait perdu la boule !