Voilà un peu plus de dix ans, dans une nouvelle de Frank Zorra, publiée par Danyel Camoin dans : Au seuil de l'inexplicable, titrée les voyageurs du placard, apparaissait un petit garçon de quatre ans environ. L'auteur avait pris pour personnage principal l'enfant dans le cadre : " une histoire dont vous êtes le héros ".
Le 14 mars 2015, le petit garçon qui a grandi et écrit lui-même sous le pseudonyme de Hurs de Marto Pi, reçoit des mains de Philippe Amy, Adjoint au Maire d'Aubagne Délégué à la Culture, un des prix du concours de nouvelles des auteurs en pays d'Aubagne pour sa nouvelle : Sous le Tapis.
Le jury présidé par Jean-Claude Beltramo a donné à cette nouvelle la cinquième place qui place pour la première fois un jeune de quinze ans en tête des onze lauréats de l'année : souhaitons qu'il ouvrira le passage à d'autres en apportant un souffle de jeunesse dans le concours.
A ce titre et suivant aussi la demande de Zavèn Sarafian, le prochain concours comportera un thème fantastique.
Pour les amateurs voici la nouvelle concernée publiée également dans le recueil Autour de la Provence :
Ces derniers temps je ne suis pas vraiment à l'aise. J'entends d'étranges murmures. J'ai une drôle de sensation, comme s'il y avait quelque chose d'anormal dans ma maison. Cette angoisse m'est apparue depuis maintenant quatre jours, depuis que j'ai cette mystérieuse boîte...
C'était mercredi dernier, lorsque je lézardais dans les rues de Marseille. Cela faisait maintenant deux jours que je restais cloîtré dans ma demeure, à regarder la télévision ou à lire des bandes dessinées. Il commençait à y avoir une odeur de renfermé et j'en eus la nausée. Dehors il faisait un soleil radieux, je pris alors la décision de m'aérer les poumons. J'observais les boutiques sur mon chemin mais sans y entrer car je n'avais pas emporté d'argent. Puis j'en vis une qui m'attira particulièrement. Il y avait des objets qui paraissaient très anciens et que je trouvai intrigants. Je décidai donc d'y entrer. Je vis alors une multitude d'objets aussi étranges les uns que les autres. Mon attention fut particulièrement attirée par une boîte en bois, ornée de motifs en or dont je ne pourrais pas nommer leur représentation. Je m'en approchai et commençai à l'observer. Je la pris dans mes mains et demandai le prix au vendeur.
« Désolé Monsieur, mais cet objet n'est pas à vendre. »
Pourtant, malgré sa réponse, je ne lâchais toujours pas la boîte. Je n'arrivais plus à la reposer, je voulais la garder, il fallait que je la prenne. Je lui redeman-dai le prix.
« Je viens de vous le dire : on ne vend pas cet objet. »
C'est alors que tout se mélangea dans ma tête, les sons extérieurs étaient désormais réduits à des vibrations insupportables, des bruits sourds me torturant les tympans. Puis des voix s'entremêlèrent dans mon esprit. Je ne comprenais absolument rien. Je restai figé ainsi quelques secondes. Mon interlo-cuteur me regardait d'un air complètement éberlué. Je crois qu'à cet instant je repris la raison. Enfin, pas tout à fait. Je commis un acte insensé que je ne me serais jamais cru capable de faire. Tout en serrant la boîte contre ma poitrine, je détalai dans la rue. C'était comme si mes muscles étaient contrôlés par quelqu'un d'autre que moi, que la boîte me rendait fou. J'entendais les cris du vendeur derrière moi mais je ne m'arrêtais pas. Je rentrai chez moi en trombe et cachai la boîte sous mon lit. Je me dirigeai vers la cuisine et bus un verre d'eau. Cette drôle d'expé-rience m'avait épuisé, je m'étalai sur le divan et le sommeil me vint. À mon réveil, je me souvins que je n'avais toujours pas ouvert le mystérieux objet. Je le sortis de sa cachette et relevai le couvercle prudemment. À cet instant le téléphone sonna, je courus le décro-cher. C'était ma mère, elle ne se rappelait plus de la date fixée pour ma fête d'anniversaire en famille.
« C'est dans deux semaines maman ! C’est la troisième fois déjà que tu m'appelles. »
Je raccrochai. Ma mère avait un petit souci de mémoire, et à chaque anniversaire elle m'achetait quelque chose que j'avais déjà, ou même qu'elle m'avait déjà offert.
Je retournai alors dans ma chambre car je n'avais toujours pas vu ce que contenait la boîte. Je l'avais laissée par terre, ouverte. Mais à ma grande surprise, elle ne contenait rien. Je la retournai pour vérifier que rien ne tombe, je grattai l'intérieur, rien. Confus, je me demandai comment j'avais pu faire tout ça pour un objet en bois. Je décidai de le ramener à la boutique, et de présenter mes excuses. Le vendeur les accepta.
« Vous n'avez pas ouvert la boîte j'espère. »
« Euh... Non, non », répondis-je.
« Tant mieux, car ça aurait été la pire chose à faire. Mais si vous voulez vous pouvez la garder, cet objet m'importe peu. »
Je repartis, en repensant à ce qu'il venait de m'annoncer. En quoi ouvrir la boîte aurait été mauvais, alors qu'il n'y avait rien dedans ? Je retournai chez moi, perplexe. Je m'installai dans mon fauteuil et me mis à la lecture. J'eus soudainement un bour-donnement dans la tête. Cela me faisait mal, et je décidai d'aller m'allonger. Cependant, une fois dans ma chambre, la migraine s'amplifia et des voix me troublèrent. Je ne tenais plus en place. La sensation était étrangement semblable à celle que j’ai eue lors-que j'ai pris la boîte pour la première fois. Effectivement, je ne me trompais pas. C'était la boîte qui me faisait ça, je le compris lorsque je m'approchai d'elle puisque la douleur s'amplifiait. Je la pris alors et la lançai brutalement à travers la pièce. Elle atterrit je ne sais où, mais les vibrations s'arrêtèrent. C'était ça, les murmures dont je vous avais parlé, mais c'est au bout du quatrième jour que l'horreur commença.
Des bruits de grattement, sans arrêt, au début presque inaudibles, puis de plus en plus intenses et fréquents. Je n'arrivais pas à trouver d'où ils pouvaient provenir. J'avais retrouvé du produit pour tuer les rats que je versai, mais sans succès. Les grattements persistaient. En passant dans le salon, je découvris une bosse sous le tapis. « C'est lui ! » Criai-je. C'était lui, la réponse à mes questions se trouvait sous mon tapis. J'étais persuadé que c'était un rongeur. Je pris le tapis à deux mains, et tirai violemment dessus. Rien. J'observais un moment mon plancher, vide d'une quelconque présence. Je pliai le tapis et le rangeai dans une armoire. Puis je partis me coucher, confus et stupéfait. Le lendemain je fus réveillé par les grattements et le tapis était retourné à sa place avec la même bosse. Un frisson parcourut mon corps. Je m'emparai du tapis et le jetai à la décharge. Les bruits reprirent tout de même. J'essayai de m'y habituer. Le jour de mon anniversaire arriva et ma famille fut réunie. Ma mère m'avait acheté un tapis tout neuf. « Ah ! Tu vois pour une fois, tu n'en avais pas déjà un ! » Dit-elle. Je souris. Cependant j'étais inquiet, je soupçonnais la bosse de revenir. En effet c'est ce qui arriva.
Je crus un instant que c'était la cause du tapis.
Je le soulevai avec brutalité, et cette fois, je vis quelque chose filer en direction de ma chambre. Je pris peur, c'était beaucoup plus gros qu'un rat. C'en était sûr, ce n'est pas un problème de tapis, c'est ce qu'il cache dessous qui en est un ! Je repensai alors aux paroles du vendeur.
« Ouvrir la boîte aurait été la pire chose à faire. »
Il devait connaître les conséquences de cet objet. Il doit peut-être savoir comment arrêter tout ça. Je courus alors le voir et lui racontai ce qui m'arrivait.
« Je suis désolé. Je ne peux rien faire pour vous. Je vous avais dit de ne pas ouvrir cette boîte. Mainte-nant c'est trop tard. » Il referma la porte de sa boutique.
Je compris alors que je devrai m'en sortir tout seul. Il fallait que je découvre moi-même ce qui se cachait sous mon tapis. Sur le chemin du retour, j'essayai de trouver un moyen de capturer cette chose qui vivait chez moi. J'ouvris la porte de ma maison et découvrit le désastre qui avait été produit. Tout mon salon était détruit, les meubles renversés et les objets cassés. C'en était trop. Je ne pouvais plus supporter ça. Je remarquai que la bête était retournée à la même place, mais la bosse était plus volumi-neuse. Je décidai de fermer toutes les portes de la maison pour enfermer la bête. Je soulevai sèchement le tapis et vis pour la première fois ce qui me hantait depuis deux semaines. C'était une sorte d'étrange animal touffu qui possédait des yeux si rouges que son regard vous aurait glacé le sang et des griffes qui vous auraient coupé en tranches en un coup de patte. Il se mit tout d'un coup à grandir. J'étais pétrifié face à ce qu'il se produisait devant mes yeux. C'était devenu trop dangereux et je regrettais d'avoir soulevé ce tapis. La créature se dirigea vers moi et je courus vers ma chambre que je fermai à clé. J'enten-dais ses pas qui se rapprochaient. Je commençai à paniquer, je ne sais quelles horribles souffrances cette chose pouvait faire endurer. J'eus soudainement une idée. Je venais de repenser à la boîte. Peut-être qu'en la détruisant, ce monstre disparaîtrait. Je la cherchai, mais impossible de la retrouver. J'entendis la créature cogner contre la porte.
Si je ne trouve pas la boîte immédiatement, la porte cédera !
Trop tard, le monstre était désormais dans la pièce. Je me collai contre un mur et ne bougeai plus. Curieusement, la bête touffue ne s'attaqua pas à moi. Il y eut soudainement un éclat de lumière qui apparut. Il se dirigea vers celui-ci. C'était la boîte qui scintillait. Il leva les yeux et m'observa. Je vis dans son regard quelque chose comme un appel à l'aide. Oui c'est cela, il me demandait de l'aide, il attendait quelque chose de moi. Il prit la boîte dans ses énormes mains écailleuses et la posa à mes pieds. Je compris alors ce qu'il voulait. Je devais le faire rentrer « chez lui ». Je ne sais pas pourquoi ni comment, mais il avait l'air de vouloir retourner dans cette boîte. Je la pris dans mes mains et l'ouvrit. Il y eut une lumière qui envahit la pièce et qui m'aveugla. Je criai. Petit à petit la lumière s'estompa. Je remarquai que la boîte n'était plus dans mes mains, et que j'étais désormais seul dans ma chambre. Je restai un moment à ne plus bouger. Je n'en revenais pas de ce que je venais de voir.
Je décidai de sortir. Sur mon chemin, je passai devant la boutique dans laquelle mon malheur avait commencé. Je fus alors surpris de voir la boîte placée au même endroit qu'auparavant. « Ce n'est pas possible, comment a-t-elle pu retourner ici ? » Quelqu'un entra dans la boutique à ce moment-là. Il observa les objets et s'approcha de la boîte qu'il regarda avec attention. Il la prit et s'enfuit dans la rue en courant.
« Mauvaise idée ! » Me dis-je dans ma tête.
Hurs de Marto Pi
Article : Pp éditions
Photos Yves Ravel