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18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 09:33

Le 16 mars, avant la remise des prix du troisième concours de nouvelles, étaient mises à l'honneur les étoiles de la nouvelle de Pp éditions toutes gagnantes d'un prix dans les précédentes remises de prix :

 

Geneviève Casaburi pour Le carillon du temps

interview 2 fantôme

LE CARILLON DU TEMPS  version scène    d’après Geneviève Casaburi

avec Geneviève Casaburi (le fantôme) Danyel Camoin (l'horloger) Joseph Lévonian (le notaire)

  

Un vieil homme, Léonce, le regard fixé sur une photo jaunie. Elle et lui le jour de leur mariage.  Le tic tac incessant des horloges résonne.   

Scène 1  (Le vieil homme,  béret, cheveux blancs et lunettes, gilet et canne, s’assoit à son établi )

« 1884. Une terrible année. Une ville entière se meurt d’une horrible épidémie.

Dans sa bonté, elle va aider. Essuie les fronts. Lave les corps. Et se meurt elle aussi en laissant dans mon cœur un vide immense et dévastateur. J’étais à ses côtés faisant les mêmes gestes qu’elle avait faits sur les malades. Mais elle a été emportée, une nuit à minuit.

Elle les aimait tant ces horloges.

Un jour qu’elle était venue me voir travailler, et qu’elle errait dans l’atelier, elle avait trouvé le corps d’une horloge à poser. Le mécanisme ne marchait plus. La plupart des pièces se trouvaient dans une petite cassette. ( boîte en fer)

Elle l’avait aimée et imaginée telle qu’elle devait être à l’origine. Elle l’adorait et voulait que je la répare. Elle en avait tellement envie…

Mais j’ai refusé… Oh ! gentiment mais les commandes avaient afflué et il fallait les honorer.

Mon travail prit du temps pour qu’à la fin, la maladie me ravisse ma bien aimée.

 

L’horloge resta pendant des années dans un meuble centenaire. Pourtant, c’est sur cette merveille que je m’use la vue, tous les soirs. Mes gestes sont tremblants, beaucoup moins précis qu’avant. Mais je sais qu’à la fin ce sera le plus magnifique cadeau que je lui ferai.

J’ai même oublié mon repas de midi. Mes jambes sont engourdies et mon dos me fait mal.. Mais qu’importe. J’aurai bientôt fini. Mes yeux me brûlent…

(Il les ferme un instant, pour les rouvrir presque aussitôt et continuer son travail.)

 

Le dernier rouage, du complexe mécanisme est en place. On va positionner toutes les aiguilles sur 11h55…

 

(Il se lève et jette un regard aux autres horloges qui garnissent les murs. Le son familier et métallique se fait enfin entendre. Un sourire se dessine sur ses lèvres. Les deux mains posées sur son œuvre : il se rassoit…)

Je veux ressentir les vibrations de chaque coup de sonnerie, comme le battement d’un cœur. Son cœur à elle.

Mais là, c’est la musique chère à mon cœur, à moi, qui commence.

Dong. Dong. Dong ! Comptez chaque coup. Cinq. Six…Dix. Onze.

(Et c’est le silence.. Il se retourne. Apparition  en blanc)

 

Elle est là. Au milieu de la pièce. Aussi belle que dans mon souvenir. Elle me sourit.

Je rêve. Non. Elle est bien là. Son parfum. J’ai tellement de questions à lui poser. Tant de choses à lui dire, restées en suspens. J’ai peur. Peur de la toucher et qu’elle disparaisse à nouveau. Mais elle est bien là… Elle n’a pas vieilli…

(Il se lève d’un bond et ne paraît plus courbé et meurtri ; ils se parlent avec les yeux. Longuement. Puis le regard de sa bien-aimée se dirige vers son établi et y découvre son cadeau.)

Le temps s’est arrêté. Plus aucun « tic-tac ». Et à travers la fenêtre, la pleine lune brille de mille feux. (Elle tend la main)

Attends. Je prends la pendule. »

(Elle prend sa main et l’entraîne vers leur appartement… Ils disparaissent derrière le rideau noir)


 Scène 2  (Un homme avec un chapeau melon et une veste s’avance )

J’ai frappé à coups redoublés sur la porte en bois de l’atelier. Je suis notaire…

J’avais rendez-vous avec ce vieil homme pour mettre en ordre ses affaires. Voici les papiers

(Il brandit une liasse de papiers)  Il n’avait jamais raté un rendez-vous tant il est minutieux.

Inquiet j’ai appelé un agent ; nous sommes entrés en forçant la porte…

en appelant le vieil homme.

Toutes les horloges étaient arrêtées sur minuit.

Personne dans la cuisine, ni dans la salle à manger.

Aucune réponse. Nous avons ouvert lentement une porte. La lumière du couloir éclairait la pièce. Nous étions figés tous les deux…

Le vieil homme est là haut dans la chambre. Allongé sur le lit, inerte, seul, serrant tout contre son cœur une horloge.

Un dernier sourire sur les lèvres. "

 

 Mise en scène Danyel Camoin ; Présentation Denise Biondo   

 

 Erine Lechevalier pour la lettre

 

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LA LETTRE d’après Erine Lechevalier  version courte pour scène.

 avec Joëlle Foin (Elise) Danyel Camoin (un courtier) 

 

Élise vient de ramasser une dernière fois le courrier qui traînait dans la boîte aux lettres. Elle parle au courtier de l’agence immobilière…

 

 Ah ! Bonjour. Je trie mon courrier, je jette tous les prospectus à la poubelle et je rentre une dernière fois à la maison… après c’est le grand départ. Tiens, il reste une lettre. (Elle ouvre une enveloppe entre ses mains et en sort la lettre)

Tè, je m’assois là une dernière fois…

 

( Et les yeux hagards, elle raconte )

« Ne t’inquiète pas ! » avait dit mon mari. Et je l’ai laissé partir seul. Martin avait mis beaucoup de temps à rentrer. À son retour, il s’était assis à la table de la cuisine, pendant que d’une main tremblante, je lui préparais un café. La maladie était là : le verdict était sans appel.

Je revois le visage de mon époux où la peur se lisait.

Pourquoi ? Seigneur pourquoi ? Tout allait si bien.

Cet après-midi là, je l’avais rejoint dans le salon où il regardait une émission. Le chien était allongé à proximité du fauteuil où il se trouvait. Je lui avais dit que je partais faire des courses avec les enfants et que je rentrerai tard.

À mon retour, il n’était plus là. Il n’était pas parti bien loin sans doute, le chien était resté près du fauteuil. Je l’avais appelé mais, sans réponse j’avais entrepris de préparer le repas.

Je n’avais pas remarqué que dans l’angle du salon, la vitrine du râtelier était ouverte. Plus tard, les enfants s’étaient couchés et Martin n’était toujours pas rentré.

Debout devant la fenêtre de la cuisine. J’avais attendu de plus en plus angoissée quand soudain des phares avaient éclairé le portail. J’avais poussé un soupir de soulagement mais les phares s’étaient éteints. Ce n’était pas sa voiture.

Réprimant un frisson j’étais sortie précipitamment pour ouvrir le portillon. Deux gendarmes m’avaient saluée.

J’avais regardé sans comprendre le fusil de chasse que tenait un des officiers. Profitant de mon absence, Martin était parti dans la colline. Des randonneurs avaient trouvé son corps inanimé. Il tenait une feuille de papier dans sa main où il expliquait que la maladie l’avait poussé à commettre ce geste…  désespéré. 

Elle fixe de nouveau le papier avec plus d’attention et parle plus lentement…)

 

Mais cette lettre que je viens de recevoir... Elle date du printemps dernier ! Juste quelques jours après l'annonce de la maladie. ( elle parle par saccade : émotion dans la voix) Une regrettable erreur informatique… C’est ce qui est écrit…

Les examens ne concernaient aucunement monsieur PHILIPPE Martin mais monsieur MARTIN Philippe… et on lui demandait de se présenter… pour refaire une série d’examens… (elle se lève et marche )

Six mois de retard ! La lettre a six mois de retard…( Elle lâche la lettre)

Martin est mort depuis cinq mois.

 

 

Mise en scène : Danyel Camoin  Présentation : Denise Biondo   

 

 

Michèle Durand pour Je vais trés bien docteur !

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JE VAIS TRÈS BIEN, DOCTEUR !

de Michèle Durand avec Guy Feugier et Edouard

 

- Reprenons, Monsieur Pharogna, vous êtes arrivé ici en urgence alors que vous présentiez tous les signes d’une violente crise d’angoisse. Cela vous est-il coutumier ?

 -Ma vie pourrait être tout à fait normale, Docteur, s’il n’y avait les autres.

- Que voulez-vous dire par là ? Les autres, comment voulez-vous vivre sans eux ?

- Justement, la cohabitation est inévitable. Ils ne me supportent pas plus que je ne les supporte. Tout ce gaspillage, cette débauche de consommation, cette frivolité dans les tenues vestimentaires, cet acharnement à l’idéologie informatique, ces fashion-victims que je croise partout, cette folie des voyages : ce n’est que de l’argent gaspillé.

- Tout à fait d’accord avec vous, Monsieur Pharogna, la société de consommation est en train de nous phagocyter. Mais, nous pouvons ...

- S’il n’y avait que ça ! Je refuse de me laver tous les jours, car l’eau est de plus en plus rare, je refuse de manger à chaque repas, car la nourriture coûte de plus en plus cher, et je refuse tout net d’inviter des pseudo-amis à boire un verre, pour partager quoi, je me le demande ? Les amis, on ne les voit que quand ils ont besoin de nous.

- Ainsi, je comprends mieux l’étendue de vos problèmes, Monsieur Pharogna. Vous disposez de convictions inébranlables. Vous vous sentez seul. Avez-vous des enfants ?

- Deux, un garçon et une fille : presque fâché avec eux. Ils voudraient que je leur cède une partie de mes actions et que je leur donne  à chacun l’un de mes appartements. Ils croient au Père Noël ! Comme moi, ils n’ont qu’à travailler pour se les payer.

- Sans indiscrétion,  à combien se montent le total de vos actions ainsi que le nombre de vos appartements ?

- Oh ! Seulement six appartements mis en location, un mas dans le Lubéron et un chalet à la montagne, plus ma résidence principale évidemment. Pour les actions, j’ai diversifié. Mon portefeuille tourne autour du million d’Euros. Juste de quoi vivre tranquillement à la retraite, vous voyez.

- Je vois, je vois surtout que toute cette fortune vous isole.

- Vous appelez ça une fortune ! Ce sont les autres qui m’isolent pas moi. Leur regard désapprobateur et leurs paroles dans mon dos ne m’échappent pas, vous savez.

- Évidemment. Une autre petite question, Monsieur Pharogna, vous arrive-t-il de faire des cadeaux ?

- Des cadeaux ? Quelle idée ! Encore une invention de la société de consommation, ça, les cadeaux, comme la Fête des Mères, celle des Pères, la Saint-Valentin. On n’a pas besoin de cadeaux dans la vie. On peut s’acheter ce que l’on désire soi-même.

- Mis à part le fait que vous, vous n’achetez presque jamais rien, n’est-ce pas ?

- Nul besoin, je dispose de tout le nécessaire.

- Vous êtes atteint d’un syndrome d’avarice et ce syndrome vous distancie des autres. 

- Me distancie ? Syndrome ? Vous prétendez donc que je suis malade, Docteur, malade d’avarice ? Mais, absolument pas. Je ne vois vraiment aucune raison vous autorisant à m’affubler d’une quelconque tare. En outre, je ne suis pas avare, je suis économe.

- C’est vous qui parlez de tare, pas moi. Vous avez vu comment vous êtes habillé, Monsieur ? Vous ressemblez à un SDF et pourtant vous êtes millionnaire.

- Et alors, en quoi l’allure que j’ai vous importune-t-elle ?

- Vous savez, personnellement, votre allure ne me gène en rien. Je cherche juste à comprendre le plaisir que vous trouvez dans la vie, Monsieur.

- Le plaisir, le plaisir, mais pourquoi faîtes-vous allusion à cette notion ? Qui a dit que dans la vie, on devait avoir du plaisir ?

- Le plaisir peut se trouver partout, Monsieur. Prenez cette phrase de Victor Hugo : « Et je marche vivant dans mon rêve étoilé … » Ne trouvez-vous pas qu’elle apporte du plaisir à nos oreilles ?

- Foutaise. La poésie, c’est pour les paresseux et les inactifs.

- Ne vous énervez pas ainsi, Monsieur. Que vous arrive-t-il ? Vous semblez étouffer.

- Je n’arrive plus à respirer, j’étouffe, au secours !

- Calmez-vous, Monsieur Harpagon, pardon Pharogna. Par hasard, n’essaieriez-vous pas d’économiser l’air que vous respirez ?

 

 

Mise en scène  : Guy Feugier et Edouard Rostain.   

   Présentation: Denise Biondo

 

 

 

 

Céline Lacomblez pour Reflets oubliés

 

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REFLETS OUBLIES    adaptation scénique  d’après Céline Lacomblez

avec Danyel Camoin (le noyé) Denise Biondo (la voix de la fillette) Mireille Miau (l'infirmière)

 

Sombre orifice enseveli sous les lumières, combien d’âmes as-tu prises ?

Je n’ai aucun souvenir, je ne reconnais rien de ce qui m'entoure. Je glisse sur un sol visqueux vers un étrange tunnel.

La fillette, elle, s’est laissée engloutir sans peur. Son rire s’éloigne, puis revient, tourne autour de moi. J’entends sa voix…

Denise(voix off)–– Tu dois entrer !

Petite créature éthérée aux pieds nus. Elle écarte les cheveux blonds qui collent à son visage angélique, me sourit, puis elle m’entraîne… Je ne vois pas grand-chose, la lumière s'estompe. Un halo faible guette notre arrivée en contrebas. L'espace parait s'élargir ; les mots de ma jeune guide ne cessent de résonner à l’infini.

(voix off) Sous la ville, nous voici.

Miroir de ténèbres, nous dansons dans le bois sombre sans horizon.

Mille vies de lumière sur le lac, nous attendons.

Dans le rayonnement diffus, j’entrevois des objets abandonnés à même le sol, un vieux portable, des clés. Là où le brouillard est moins dense, je distingue des masses qui pourraient tout aussi bien être des silhouettes humaines ou des stalagmites. Le tunnel s’élargit toujours, il se mue en un vaste gouffre. Nous descendons encore. L'enfant chante, elle rit, m’entraîne plus vite.

Je glisse, je me rattrape. J'entends siffler des oiseaux, le vent dans les feuilles, les clapotis d'un ruisseau.

Denise voix off :–– Sous la ville nous voici !

Un volatile me frôle, il me dépasse. Il plane dans la nuit, vrille et se pose la tête en bas, les serres fichées dans un support invisible. Son air mélodieux, illumine le néant. Devant moi, émerge un royaume végétal peuplé d'arbres qui se parent d'une phosphorescence douce et bleutée. Une forêt entière, reflet glacé, inversé, d’une réalité improbable qui ancre solidement ses racines dans la voûte minérale et dont les innombrables cimes pointent vers les entrailles de la Terre.

Le plan calme d’un lac se révèle au-dessus de moi. Les feuilles des arbres y tombent, mais peut-être ne sont-elles que des centaines de lucioles s’élevant à sa rencontre pour s’y noyer. La fillette réapparaît, la tête en bas, les mains en porte voix, elle chuchote les dernières paroles.

Denise voix off :–– Mille vies de lumière sur le lac, nous attendons.

–– Mais Qu’attendez-vous ?  

Denise voix off –– Vivre au travers de vos reflets.

Les profondeurs obscures des souterrains deviennent mon ciel. L'étendue liquide qui me surplombait se trouve maintenant sous mes pieds. L'univers tangue, s’inverse ; mon cœur se soulève.

La surface est une mince pellicule glacée que je percute sans force et traverse. (Il s’assoit sur un monticule)

Cerné par les eaux, je flotte. Sur les berges scintillent la ville et ses hautes tours. La forêt a disparu. Dans le ciel brille la lune. Trempé, je grelotte. L’enfant reste invisible, pourtant ses murmures caressent toujours mes oreilles.

Denise en voix off : –– Nous sommes partout. La forêt sous la ville. La forêt sous le monde des Hommes, les reflets oubliés.

 

(Intervention de l’infirmière qui appuie sur son ventre ).

Hé, vous m’écrasez la poitrine. C’est douloureux. Arrêtez !

( Il inspire soudain entre deux à-coups... Une toux incontrôlable le secoue :il crache de l’eau)

Des lumières bleues tournoient. Je perçois des murmures, des soupirs de soulagements.

Denise en off –– Comment allez-vous ?

 L'infirmière : Votre véhicule sorti de la route, vous avez dû vous en extraire et nager près du rivage. Une chance que cette gamine vous ait vu depuis la voiture de ses parents. Vous auriez pu y rester.

 

Un petit ange, cette enfant ! Là-bas, à l’écart. Ses cheveux couleur des blés, elle ressemble à la fillette du monde souterrain.

 

 

Mise en scène : Danyel Camoin Présentation et voix off : Denise Biondo

 

 

 

Danyel Camoin pour La fille en blanc

 

 

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 La fille en blanc  d'après Danyel Camoin

avec  Danyel Camoin (le vieux) Geneviève Casaburi (la fille en blanc) Rosette Escoffier (la gouvernante)

 

(Un vieux marmonne dans un fauteuil)

-Rosette… J’ai vu une fille dans l’autre fauteuil !

-Mais non, il est vide…

-Pourtant, j’aurai juré…

-Vous avez dû trop boire, prenez vos cannes et allez vous coucher !

-C’était une rousse avec des lunettes et un regard glacial, toute vêtue de blanc virginal comme les déesses ou les anges…

 (il saisit son portable) 

Merde ! Mon portable ne fonctionne plus… Le téléphone direct non plus d’ailleurs

J’aurais appelé ma sœur !

Au moins un an que l’on ne s’est pas parlé …

Oui mais là c’est bientôt Noël, et pour Noël, quelquefois on voit des miracles ! Mais avec un téléphone en panne…

(il regarde de nouveau l'autre fauteuil) 

Tiens, elle est revenue !

(à voix basse) Non je ne dirai rien, Rosette ne vas encore pas me croire !

Mais vous, qui êtes-vous ?

La fille répond :

-La fille de Dieu, je suis venue vous secourir…

-Moi ?

-Oui, vous ne pouvez plus marcher, n’est-ce pas ?

-Arthrite !

-Laissez-moi faire, donnez-moi votre portable !

Je le caresse bien et il va remarcher ; tenez écoutez…

-C’est vrai, il fonctionne…

-Pour vos jambes, c’est pareil… Elle passe ses mains sur ses deux genoux et dit :

 Voilà, levez-vous !

-Oh ! Mais c’est vrai, je n’ai plus mal ! Rosette!

(la gouvernante revient et la fille disparaît )

-Mais que faîtes-vous debout là ?

-Je marche… C’est la fille de … Il se retourne, elle n’est plus là.

-Vous feriez mieux de vous rasseoir ! Elle s’éloigne….

-Pourquoi vous êtes partie ? Dommage…

Il compose un numéro sur son portable :

-Allo, ah ! Oui, c’est toi, je voulais juste te souhaiter un bon noël. Oui, je t’embrasse…

Elle m’a répondu… Elle m’a répondu…

Ouais, elle s’en fout, n’empêche que tout a bien marché grâce à…

Mais pourquoi a-t-elle disparu ?

Je l’aurais bien embrassée elle aussi ; je marche… et sans cannes ! La fille de Dieu…

 

(Rosette revient) 

-Qu’est-ce que vous faîtes debout à la fenêtre, vous allez tomber ? Et aussi avoir froid ?

-Je regardais, la fille en blanc, je crois qu’elle est montée dans un gros fourgon avec un gyrophare…

-C’est pas étonnant, on l’a dit à la radio, les policiers circulent dans tout le secteur à cause d’une femme qui s’est échappée d’un hôpital psychiatrique en volant la tenue d’une infirmière…

-Et on n’a pas donné son signalement ?

-Ils ont dit : une rousse, avec des lunettes, c’est tout…

- Rouges,  une rousse avec des lunettes rouges.  Un miracle en blouse d’infirmière… Un drôle d'ange… Et oui !

 

 

Gaël Angélis  pour Injuste milieu…

 

Injuste Milieu d'après Gaël Angélisinter 3

Avec Edouard -Danyel Camoin- Yves Ravel

 

(Debout face au public)

Ferrini, je m’appelle Georges Ferrini. Et en cette soirée plutôt froide de fin d’automne, je sors du bar où j’ai mes habitudes, le crâne chauffé par l’alcool. Une certaine confusion m’a envahi tout à l’heure, après avoir pris la décision la plus importante de ma vie ; décision qui m’avait emmené jusqu’à ce bar pour descendre quelques whiskies, et pour me détendre.

 

Voix off- Homme de main, garde du corps, employé à tout faire, voilà quel était son job, au service d’un puissant clan marseillais de trafics en tous genres ; et la « démission » qu’il a posée à son chef était la décision ultime mais mûrie d’un homme fatigué, vieillissant, qui n’avait plus le sang-froid ni l’autorité d’antan.

Et c’est donc hésitant, confus et alcoolisé qu’il se retrouve à la sortie de ce bar…

 

 Mais la raison essentielle de cette « retraite » c’est ma petite-fille, qui vient d’avoir douze ans, mon « petit bout de chou » que je veux voir grandir, et, autant que possible, je vais être enfin un grand-père modèle…

 

Voix off -Allez, en voiture, Jo ! (Il s’assoit au volant)

 

La chaleur intense du véhicule, contrastant avec le froid du dehors grise encore plus, et me remue davantage l’esprit. Comment quitter un tel « métier », et une telle « famille » après presque trente ans de bons et loyaux services ? Comment expliquer que désormais la vie était ailleurs, et que tous les secrets, tout ce que j’ai vu, fait et entendu ne sortiront pas de ma tête ? Le patron m’a semblé reconnaissant pour cet infaillible dévouement ; mais le fils du boss, plus jeune et moins réfléchi, plus tempétueux et autoritaire, a fait une tête bizarre qui m’a un peu étonné…

(en imitant la conduite)

Allez, va, lançons la berline en direction de l’autoroute, vers le domicile où ma compagne attend. Les rues sont calmes à cette heure-ci, dans moins de quinze minutes je serai au chaud, et pourra débuter ma nouvelle vie d’homme rangé.

 

Voix Off- Le paysage urbain défile en même temps que des images de sa vie ; les escortes des caïds, les intimidations, les bagarres, les flingues… Mais aussi la tête du fils du boss !

 

Et pourquoi elle me revient tant celle–là ? Tout à l’heure, il semblait préoccupé, comme résigné quand j’ai annoncé que je raccrochais…

Je vais prendre le raccourci qui mène à l’entrée de l’autoroute ; une petite rue mal éclairée, mais permettant d’éviter la rocade et de gagner quelques minutes...A présent j’ai envie de souffler, de ne plus penser à tout ça, de tourner la page…

Je commence à me dégriser, à reprendre mes esprits ; le foyer chaud de ma compagne m’attend…

(arrêt du véhicule)

Merde ! Un feu rouge ! Juste à quelques dizaines de mètres de l’entrée d’autoroute. Une cigarette me fera du bien, son extrémité incandescente contrastera avec la nuit tout autour ; mais qu’est-ce que ces points lumineux devant la vitre de la voiture… Les passagers de la voiture derrière moi depuis quelques minutes ?

(Deux hommes lui tirent dessus ; il se couche sur la banquette)

Voix off : On entendit les détonations, et un crissement de pneus tout proche…tandis que Georges s’écroulait sur le volant, puis glissait sous le tableau de bord, avec la dernière vision des vitres de la voiture maculées de rouge.

 

  mise en scène Danyel Camoin   présentation Denise Biondo

  

   

Ne pas oublier que figuraient aussi dans le coup de chapeau : trois nouvelles de Maupassant.

 

 

Article Nicole Manday/Frank Zorra

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