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9 janvier 2013 3 09 /01 /janvier /2013 23:47

En Inde, une femme est violée toutes les vingt-deux minutes, la plupart en meurent et les responsables disent qu'elles l'ont bien mérité n'étant pas coopératives...

En réaction et pour soutenir les femmes maltraitées, battues, violées ou injustement accusées parce qu'elles ont refusé leur corps...

Frank Zorra et Danyel Camoin publient ce jour gratuitement sur ce blog leurs deux nouvelles écrites sur ce sujet brûlant :

Le droit à la différence et deux femmes marquées.

 

 

Tous les quatre jours en France, une femme meurt sous les coups de son partenaire. (Enquête du gouvernement auprès des services de police du 23 novembre 2005) À l'heure où certaines femmes atteignent des postes-clés, d’autres sont traitées d'inférieures, d'allumeuses, de conspiratrices, et pourquoi pas de sorcières ; ces femmes là qui ont déjà combattu pour avoir le droit de refuser leurs corps n'ont pas encore gagné...

 

 

Le droit à la différence.

     de Danyel Camoin publié dans Au petit Bonheur (éditions Bénévent) collection Académie de Provence

 

            Un air de violon résonne dans un immeuble. Des notes mélancoliques s’insèrent dans l'escalier et se répandent dans les appartements, troublant le silence cultivé par certains, elles cherchent à s’envoler dans l’éther céleste mais l’atmosphère polluée les retient. Un monsieur guindé dans une robe de chambre rouge en soie descend frapper à la vitre de la concierge. Il est inconcevable que la musique pénètre ainsi impunément chez les voisins pour troubler leur méditation. La concierge monte l'escalier et vient frapper chez Eve, la jeune rousse frisée insolente du premier étage. Il faut qu'elle cesse de jouer afin de ne pas gêner les voisins : c'est ce que la vieille dame demande à celle qui vient de lui ouvrir. Son violon encore à la main, Eve claque la porte et regagne son fauteuil. Une larme sillonne sa joue sous ses yeux en amande troublés par un épais voile de tristesse. En jouant, elle remontait son moral comme le mécanisme d’un réveil lui permettant d’affronter une nouvelle journée. Sur la table, un journal est déplié à la page des offres d'emploi. Il lui semble plein d'images déprimantes...

 

            Elle a été renvoyée hier pour avoir répondu vertement à son patron qui exerçait sur elle une pression constante d'ordre sexuel. D'un geste de colère, elle a renversé son bureau, d'où aucun espoir de retour. Les emplois féminins dans la presse voisinent entre celui de la secrétaire et celui de la vendeuse ; ils n’offrent pas de grandes possibilités d'évolution. Le violon n'est qu'un ami pour elle. Il lui a permis de gagner un concours mais le trophée maintenant disposé sur une étagère ne lui a pas ouvert la voie des concerts et l’entrée du conservatoire. Pour pénétrer certains lieux, il lui faudrait des connaissances ou de l'argent et c'est justement ce qui lui manque aujourd'hui. Ne voulant pas se servir de son corps, elle vient justement de couper la branche sur laquelle elle s’était posée comme un petit oiseau plein d’espoir. Cet oiseau a perdu des plumes.

            Fille d'un guérisseur autrefois réputé pour avoir soigné justement le directeur de son agence, Claude-Henri Durangeot, elle avait obtenu ce poste par reconnaissance envers son père. Elle y travaillait consciencieusement jusqu'à ce que le fils du patron, Marcus, succède à son père, partant à la retraite, et lui demande quelques faveurs en échange d'une promotion chimérique. Elle a refusé de devoir son ascension sociale à un esclavagisme de patron libidineux pour qui les femmes, notoirement, ne sont que des êtres inférieurs créés par les doigts de Dieu pour satisfaire l'homme.

            Elle s’est rendue dans la riche demeure de son vieux patron. La grande allée respire le parfum d'énormes jardinières emplies de fleurs diverses. Elle voulait lui expliquer la conduite de son fils, mais celui-ci a rétorqué qu'il avait connaissance par le voisinage de faits beaucoup plus accablants. On l'a surprise amoureusement enlacée par un employé, nue dans une voiture, dans un parking de la société ; ceci n'engage pas à croire son histoire. Dans le temps, on disait qu’une femme honnête n’avait pas de plaisir ! Elle a répliqué qu’elle était libre de son corps, surtout en dehors des heures de travail, et qu’on n’était plus à l’âge de pierre. Il a insisté calmement : il l’a lui-même plusieurs fois réprimandée pour sa tenue vestimentaire laissant apercevoir sa poitrine dépourvue de soutient, lorsqu'elle se penchait sur son bureau allant jusqu’à lui donner des vapeurs. Il a plusieurs fois remarqué ses jupes courtes qui laissaient entrevoir ses rondeurs lorsqu'elle se baissait, l’opinion la range au rang des allumeuses : elle n'a donc pas à se plaindre que son fils se soit laissé égarer par l'image qu'elle donne...

            Sa propre camarade de travail, Martine, la fille de l'adjoint au maire, qu'elle entraînait, paraît-il, à son exemple, a été fortement réprimandée. D’autre part, elle fumait comme un pompier. Elle faisait partie de ces jeunettes qui croit trouver dans la cigarette un médicament pour maigrir, sans considérer les risques que le tabac fait courir aux corps des femmes par le douloureux mélange avec la contraception. Les problèmes de peau, de grossesse extra-utérine et de déchaussement des dents  sont bien plus dangereux qu’un problème de taille fine. En cela, Eve adepte de tous les plaisirs de la vie était un mauvais exemple ! Voulant résister à l'autorité colérique de son père, Martine s'est récemment jetée de sa fenêtre. Le crâne ouvert sur le pavé de la terrasse, elle vient d'être inhumée au cimetière local.

Bonval, le père en question, un ami des Durangeot, personnage quelque peu alcoolique, autoritaire à la limite de la persécution de son épouse et de sa fille, reste pour Eve le responsable de ce suicide. On la soupçonne cependant d'avoir envoûté cette fille avec qui elle entretenait une relation douteuse pour la braquer contre lui...

Marcus Durangeot va même plus loin. Il souffle à l'oreille de Bonval qu’Eve n’est pas une fille tout à fait normale. C'est une instigatrice aux dons de sorcellerie qui possède chez elle une étrange poupée de chiffon dans laquelle elle doit, à certains moments, planter des aiguilles. Les douleurs incessantes de son père qui l’ont poussé à prendre sa retraite, comme les migraines de sa mère, dépendent certainement des agissements de cette fille. Bonval, enragé, commence à poser des questions à l’entourage.

Par une enquête rapide, il découvre que Martine a été amoureuse du nouvel amant d’Eve, Denis, un jeune motard serviable qui agrémente ses revenus en « fournissant » du rêve à des acheteurs fortunés. Partant de là, Eve a pu vouloir se débarrasser d'une rivale quoi que Bonval avait interdit à sa fille de rencontrer le jeune gars de la même façon qu’il lui interdisait tout ce qu’il n’appréciait pas lui-même. Martine avait confié à Eve que souvent, en rentrant du bar, il les frappait. La police parle de fabulations d'enfant gâtée ; la mère n'a jamais confirmé ses paroles..

 

Eve vient trouver Maggy, au « petit bonheur », en espérant être engagée en extra auprès de la serveuse souvent débordée aux heures des repas:

«-Mais tu avais un emploi dans une grosse société ? demande la serveuse

-Oui, mais hier matin je l'ai perdue ! J'ai pensé que tu pouvais m'aider...

-Faut voir le patron ! »

Hélas, Martial hoche de la tête négativement : dans l'immédiat, pas de possibilité pour augmenter le personnel. Saison d'hiver entraînant commerce calme : le personnel habituel suffit. Pas de chance pour elle !

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            Le père Durangeot s'éteint bientôt d'une crise cardiaque. On ne manque pas d'accuser Eve de l'avoir provoquée en venant troubler le vieil homme chez lui, d’ailleurs, son fils prétend qu’elle a jeté un sort sur la famille. Une enquête ouverte, on découvre effectivement une poupée de chiffon suspecte chez la jeune femme. Les copropriétaires de l'immeuble ainsi que leurs locataires, dont certains avaient déjà déposé une plainte contre elle pour tapage nocturne, obtiennent son expulsion. Elle n'a d'ailleurs plus l'argent pour payer le loyer. Son copain, Denis, proteste. On n'a pas le droit de l'obliger à quitter les lieux en plein hiver : les locataires sont protégés dans cette époque de l'année. Néanmoins, comme Eve ne tient pas à rester, il la recueille et porte sa valise dans un bâtiment inchauffable voué à la destruction d’un quartier à rénover, pour l’installer avec lui du mieux qu'il peut, elle y vivra en monnayant ses cours de violon.

            C’est là que Bonval, poussé par Marcus, s’introduit avec ce dernier, en enfonçant la faible porte, un fusil à la main. La surprenant, près du feu de bois, en déshabillé excitant, tenant à la main sa vieille poupée de chiffons, il l'accuse d’être une ensorceleuse :

«- Moi, tu ne m'auras pas en t’exhibant ! Sorcière.

-J’allais justement la brûler, dit-elle » ------

Sans lui laisser le temps de faire un geste, il fait feu à bout portant. Elle s’écroule, la bouche ouverte dans une mare de sang. Elle a lâché la poupée qui tombe dans les flammes dans un crépitement semblable à un sanglot. C'en est fini des maléfices d’Eve !

 

Bonval est arrêté par la police. Les membres du conseil municipal interviennent auprès de Denis et lui offre un poste à la mairie pour qu'il témoigne contre Eve. Ne parvenant pas à le convaincre, ils répandent autour d’eux une légende selon laquelle le jeune gars aurait été envoûté par la belle au regard profond des chattes de gouttière : il était un honnête travailleur avant de la rencontrer, c’est elle qui est responsable de son déclin ; c’était une affreuse créature. Denis refuse de trahir son amie décédée et reste ouvert à la vérité. Il refuse tout compromis.

Lors du procès, le tribunal fait donc citer deux témoins en faveur d’Eve.

Une vieille dame, qui l'a bien connue, étant son professeur de musique d’autrefois, fait d'elle un portrait très différent de celui qu'on a étalé dans la presse. Elle s’appuie sur une canne pour venir la défendre de son mieux en disant qu’elle était une fille moderne assez excentrique mais tout à fait sympathique, simplement victime de sa différence avec les autres. La société devrait accorder à certaines femmes le droit à cette différence. Elle garantit son talent pourtant ignoré par les vieux Messieurs qui dirigeaient le conservatoire sans doute parce qu’elle ne jouait pas du classique, fervente de la musique tzigane sur laquelle dansait autrefois sa mère, surnommée la « gitane ». Elle héritait aussi de la publicité négative faite à son père qui avait ôté aux médecins établis certaines guérisons spectaculaires, après des traitements illégaux qu’il n'aurait pas dû entreprendre : sorcier lui aussi ? En tout cas, terrassé par un cancer, personne n'avait osé l'accuser après sa mort. Alors pourquoi elle ?

Le témoignage de Denis confirme que les courbes parfaites du corps d’Eve lui attiraient des ennuis auprès des serpents de notre société moderne qui désiraient tous devenir son Adam, même pour un jour, à n'importe quel âge. Si elle avait été plus facile, elle aurait peut-être progressé dans l'échelle sociale jusqu'au poste de directrice. Si elle avait eu des pouvoirs, elle les aurait sans doute exercés pour gravir l’échelle sociale. Étant une fille sage, attirée par les plaisirs simples, trop proche des animaux et de la nature, elle rêvait dans la musique et le chant des oiseaux, sans se soucier de son allure physique.             Pas encore contaminée par le monde de l'argent, elle était une proie facile pour les médisances et les accusations de toutes sortes. La mauvaise réputation venait surtout de son refus de s’intégrer dans l’image de marque d'une bourgeoise en déclin s'accrochant à sa position dominante. On l'accusait d'être une allumeuse parce qu'elle était naturiste au lieu de vivre dans la cuirasse vestimentaire obligatoire.

Elle n’a jamais eu d’influence maléfique sur lui, même s’il s’est livré à de malhonnêtes transactions, c’est plutôt à cause de la suppression de ses indemnités ! C’est le chômage qui les a réunit. Elle est venue vivre avec lui parce qu’elle ne pouvait plus payer son loyer. Denis confirme les relations amicales de Martine avec elle. Eve ne l’aurait jamais poussée au suicide ! Son aventure personnelle avec la pauvre fille était déjà terminée, ce n’était donc point une autre cause possible. Selon lui, la justice devait plutôt regarder du côté de Bonval qui terrorisait sa famille.

            Malgré ces deux témoins en faveur d’Eve, Bonval demeure un fonctionnaire notoire, un homme de la ville, un concitoyen parvenu jusqu'au conseil municipal avec jusque-là une vie sans tache, reconnu comme bon père de famille, même par son fils majeur qui avait quitté la maison, après une violente dispute avec son père, pour devenir avocat. On ne pouvait accuser un tel homme de crime avec préméditation sur une personne volage qui venait d'être renvoyée de son travail et s'était installée illégalement, sans vergogne, dans une masure abandonnée avec un jeune homme à peine majeur, plus ou moins douteux, soupçonné d’être « dealer ».

Des témoignages de locataires, favorables à la défense, précisent des bruits plus ou moins suspects laissant penser qu'elle se livrait à des messes noires dans son appartement avant l’expulsion. Elle y recevait des jeunes gens issus de milieux interlopes que la concierge hésitait à laisser entrer dans l'immeuble à cause de leur allure de drogués ; après leur passage, elle ramassait quelquefois des seringues ou des préservatifs. Bien que son ami réponde à cela en la présentant comme une âme charitable qui donnait des cours de musique à des déshérités, Bonval bénéficie de circonstances atténuantes en fonction des troubles causés par la victime. Marcus est lavé de tout soupçon. Le témoignage de sa secrétaire, femme mariée à un ouvrier mal payé, qui ne veut pas perdre sa place, ne révèle pas que, sur elle aussi, sont exercées des pressions physiques auxquelles elle cède quelquefois pour une augmentation.

Voilà, l'affaire n'est donc plus qu’un simple fait... d’hiver.

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Le professeur de musique et le jeune délinquant sont, avec Maggy, les rares personnes assistant aux obsèques de la pauvre Eve pour jeter une rose sur son cercueil. Elle disparaît humblement dans le silence, pourtant, derrière un énorme tombeau, la serveuse observe une silhouette qui se tient à l'écart. Toute vêtue de noir, l'épouse de Bonval, cache mal ses larmes qui coulent sur une joue gonflée par un hématome.

 

 

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Parfum du large, parfum d’espoir au-delà des odeurs des soins et des pommades

 

Vers l’an 2000, le nombre des femmes battues en France est encore énorme…

  Deux femmes marquées
De Frank Zorra publié dans Je suis né à Marseille (éditions Baudelaire)

 

 

Elle gagnait sa croûte dans une « boîte » très particulière de Marseille qui rappelait « Le corsaire borgne ». Elle effectuait un strip-tease intégral et quelques auto-attouchements sur une scène circulaire descendant du plafond jusqu’au milieu des spectateurs. Mina était écœurée par les parfums moites habillés de sueur et les gestes obscènes des spectateurs proches de la scène où elle se défringuait contre un poteau métallique. Ce jour-là, elle a jeté rageusement son string comme un défi pour sortir sous les remarques de son employeur qui lui reprochait un départ trop rapide. Elle aurait dû continuer son exhibition et saluer son public ! Une fois habillée, elle s'en est allée, hochant la tête, sans être retournée sur la scène...

Elle a récupéré sa petite fiat et a roulé le long des plages, puis dans son demi-tour, elle a stationné au Pharo. Elle est entrée dans les jardins pour se laisser caresser le visage par l’air de la mer. Parfum salé… Mina se souvient toujours de ce soir-là.

Le temps a passé. Quelques mois plus tard, elle pénétrait dans une église pour brûler un cierge. C’est là qu’elle a rencontré une femme agenouillée devant l’effigie de la vierge, avec des lunettes noires, qui a attiré son regard.

Lorsqu’elle l’a vue chanceler près du bénitier où elle esquissait le signe de croix avant de sortir, intriguée, Mina l’a attendue à la sortie pour lui offrir un verre. Cette faible femme hésitait ; elle lui a retiré les lunettes et a découvert un œil noir révélant bien un coup sauvage. L’arcade était ouverte méritant un point de suture. L’inconnue avoua alors, laissant couler une larme sur sa joue, que son mari supportait mal ses journées rudes de travail et il buvait beaucoup, ce qui le rendait quelquefois violent !

Elle s’appelle Nora et elle est venue prier pour que le seigneur l’aide à supporter les suites des soirs de beuverie où le querelleur autoritaire casse tout quand il rentre, pourtant sans la battre. La marque qu’elle porte est due simplement à un éclat de sa colère quand elle a voulu le retenir ! Du reste, elle a un fils avec lui qui a été confié à sa mère ; elle a préféré sa séparation partielle de l'enfant plutôt que de le laisser être témoin du drame !

Mina prend la jeune femme par les épaules et la secoue : il faut qu’elle se défende ou s’enfuie sans tarder : on ne doit pas vivre dans cette ambiance de violence ! Il faut réagir…Avec les rapports de son emploi de nuit, Mina a ouvert un cours de self-défense pour les femmes : Nora n'a qu'à y venir !

Mais celle-ci aime toujours Abel, son mari, et ne veut pas le quitter, espérant que tout va aller mieux quand il pourra cesser de travailler en nuit pour payer son crédit !

Mina lui montre une cicatrice implantée derrière son oreille ; elle aussi, par le passé, était une femme battue et elle n’a jamais pu observer de changement tant qu’elle n’est pas partie loin de son mari. Elle l’entraîne en voiture dans un coin tranquille loin de la ville. Près d’une rivière qui coule sous les pins, au pied de la Sainte Baume, elle lui montre son repaire secret : un cabanon de chasseur aménagé comme une cabine de bateau avec le confort d’un coin cuisine et d’un coin douche. Elle va passer avec elle une superbe journée où elle la gave de vitamines. Elles prennent ensemble le bain dans la rivière, en toute liberté, puis se reçoivent dans les bras l'une de l'autre.

–J'ai honte de me déshabiller en plein air, murmure Nora.

–C’est là que le corps respire la liberté par tous ses pores, de plus, ici, nous sommes seules : tous les soirs, je m'exhibais dans un parfum de tabac et de sueur, devant des yeux avides qui me dévoraient mais j'y arrivais en fermant les yeux et en songeant à ces lieux où je me libère !

–Moi, devant tous ces hommes je ne pourrai jamais !

–Dis-toi bien qu'ils ne peuvent pas me faire plus de mal qu'on ne m'a déjà fait.

 

L'arrivée soudaine de ce policier à son cours pourrait faire croire que le mari de Nora a réagi mais la photo que celui-ci brandit ressemble plutôt à Mina. Ce soir-là, l’inspecteur vient lui montrer une affiche qui représente son visage et l’accuse fermement d’être celle qu’il recherche, en disant qu’il parviendra à prouver qu’elle est bien Yasmina Moreau, accusée d’avoir tué son mari qui la battait. Elle a été remarquée de ville en ville, dans une tenue qu’on pourrait qualifier de combat : pantalon bleu type jean et débardeur rose avaient remplacé ses jolies robes et elle ne portait plus de bijoux depuis que son époux lui a arraché un fragment d’oreille en les lui retirant de force. La découpe particulière de l’oreille gauche de Mina en fait une Yasmina parfaitement crédible ! Cette fuyarde est poursuivie par le fantôme de son mari Jocelyn Moreau !

 

Quand Mina m’a téléphoné de la rejoindre dans son patelin perdu de la Sainte Baume, la demande ne m’a pas enchanté mais j’ai imaginé son visage et je me suis souvenu de certaines nuits que nous avions passées ensemble, ce qui m’a encouragé à suivre cette affaire en étant sûr que mes gains ne seraient pas mirobolants et que le Nord des Bouches du Rhône risquait de refroidir mes ardeurs habituelles ! Ce n’était pas cela qui paierait le paquet de factures qui s’alignaient sur mon bureau ! Je ne savais plus par laquelle commencer…

Je suis parti après avoir classé les enveloppes par ordre alphabétique, la première contenait donc mon prochain paiement. J’ai confié les clefs à mon fidèle Max qui dévorait son gigantesque casse-croûte matinal. Dans le trajet, mon imagination faisait onduler sur le capot, dansant en se déshabillant, un grain de soleil à faire frissonner Fragonard, un super moteur dans un châssis d’exception comme aurait dit Max qui comparait tout aux « bagnoles ». Je dus appuyer sur le frein pour stopper l’égarement…

Je l’ai retrouvée aussi belle que j’avais pu l’apercevoir quelques mois auparavant dans cette boîte marseillaise qu’on a récemment fermée dont j’ai oublié le nom ; il faudra que je fasse gaffe à « Alzheimer »…

Cette histoire, par contre, reste tellement présente dans mon esprit que je ne peux la raconter au passé, je la vis encore…

J’ai rendez-vous avec elle au bar-hôtel, facile à trouver. Je lui propose un boulot pour remplacer celui de la boîte qu’elle a laissé choir mais elle ne veut plus retourner à Marseille : elle refuse ; elle semble maintenant fuir les grandes villes pour vivoter dans son club de self-défense au cœur d’une petite localité. C’est son choix ! Mais là, elle paraît traverser une période d’angoisse !

Elle me fait rapidement part des soupçons de ce policier qui la prend pour une autre, une femme qui aurait tué son mari. Elle compte sur moi pour la disculper… Elle ne m’a pas convaincu ; la photo de l’affiche de recherche lui ressemble trait pour trait, l’accusation provient de pescaïres marseillais, et, c’est bien dans ce coin-là que je l’ai connue !

Je me souviens d’un formidable repas à l’Abri côtier où le serveur dépiautait le poisson avec art devant nos yeux. Je crois me rappeler de marques qu’elle a sur le corps, lutte particulière ou femme battue ? Même si je ne la croyais pas capable de tuer un homme, je l’ai vu s’entraîner ; karaté, self-défense et autre, une jeune femme tranquille aurait-elle eu besoin de tout cela ? Cependant, si elle avait tué son mari, elle n’aurait aucune raison de redouter qu’il la retrouve, n’est-ce pas ?

Je ne peux alors m’empêcher de lui dire :

–Moi, je crois que c'est toi la femme qu'on recher-che ; la cicatrice derrière l'oreille et la marque sur les reins le prouvent ; ton mari te bastonnait, n’est-ce pas ?

–Tu te souviens de tout cela ? réplique-t-elle.

–Je n'ai pas voulu remuer le couteau dans la plaie à l'époque mais...

–J'ai aussi une couture anale ! Mon cher amour me trouvait trop étroite. Il m'a gentiment livrée à ses copains machos

La violence, je l'ai vécue un peu tous les jours et je suis passée insensiblement de l'amour bêtement soumis à la haine sauvage : je l'ai frappé pour lui échapper mais je ne l'ai pas tué ! 

Je me souviens de cette nuit-là où je caressais les cheveux de Mina en lui demandant de me parler d'elle, et où j’avais découvert ces marques sur son corps. Là par contre, c’est sur son mari que je demande des renseignements : ses passions, ses activités… Je bondis quand elle me parle de sa passion pour les cartes : dans le cirque ambulant qui s’est installé sur le grand parking à l’entrée du village, se produit un drôle de prestidigitateur…

– Je t'en supplie, il faut que tu m'aides à prouver qu'il n'est pas cané !ª

–S'il est vivant, je le retrouverai !

–C'est un mec comme toi qu'il m'aurait fallu.

–Ne crois pas cela ! Si j'étais au top, je n’aurais pas divorcé !

–Il doit y avoir des nanas difficiles, mon « zèbre », j'avais toujours peur de ne pas le satisfaire ! Le steak était trop cuit, le vin pas assez frais, le lit mal fait ! J'étais sèche ou trop parfumée, pas assez docile ou embarrassante ! Il n'était jamais content et trouvait toujours une raison...

–C'était lui l'erreur ! Mais je n'ai pas été « cool » non plus !

–Moi, j’ai vécu avec toi des jours sublimes, tu n’dis jamais rien, tu manges n’importe quoi, je te trouve facile à vivre !

–Pourquoi m’avoir laissé choir alors ?

–À Marseille, je n’étais pas tranquille, j’avais peur qu’il me retrouve…

–Je pensais que c’était à cause de l’autre fille…

Ce n'est pas la première fois que je me laisse séduire : je la vois encore s’exhiber, écartelée sur le fauteuil rouge de la scène. Toujours admiratif devant ce corps meurtri mais tentant, je la regarde au fond des yeux et je lis un mélange de haine et de peine qui ne justifie en rien qu'elle n’ait pas tué son mari. Mais je me sens fondre…

Elle me parle aussi de sa nouvelle amie qu’elle voudrait aider ; elle la trouve semblable à ce qu’elle était autrefois ; intuition féminine ou nez de femme !

Ainsi Mina était Yasmina et comme Nora, faisait partie de ces femmes battues par leur mari. La dernière fois que j'avais collé un pastisson© à une fille ce devait être à l'école maternelle...

Depuis, je n'ai jamais compris qu'on puisse abîmer ce qu'on aime. Je ne peux donc pas comprendre ces hommes-là. Me voilà prêt à aider leurs femmes, quoi que Nora n'ait pas subi les mêmes préjudices que Mina.

Celle-ci n'a pas vraiment besoin de moi pour se défendre aujourd'hui. Je l'ai déjà vue une fois distribuer une raclée magistrale à trois voyous qui voulaient sans doute la violer! Coups de pieds retournés et baskets dans les gencives, ils ont fui sans en redemander. Alors, si elle m’a appelé, moi, Frank Zorra, le détective le moins cher de la région, ce n'est pas par peur d'un homme, même fantôme ! Elle voudrait qu’on prouve son innocence, tout est là ! C’est clair.

            Et je m’accroche à cette enquête comme une esque à son hameçon pendant qu'elle retourne se cacher dans les fourrés avec Nora. Abel, le mari de cette dernière, la cherche partout, sans rien casser, il parait plutôt brisé lui-même devant sa bière. Je le regarde un instant, avec ses yeux soulignés de poches de nuits sans sommeil et une barbe de plusieurs jours parsemée sur ses joues livides, il a plutôt l’air d’être escagassé que battant…Une épave.

D’après moi, son cas est différent ! Je ne dois pas aider le mari à retrouver son épouse même s'il me fait un peu pitié avec ses yeux larmoyants et ses mains tremblantes. De toutes façons, ma mission concerne Yasmina.

Quand celle-ci rejoint Nora dans son refuge, la petite brune lui a cueilli des primevères. Les deux femmes se blottissent l'une contre l'autre comme de vieilles amies. Les cheveux blonds roux se mélangent à la longue crinière noire et les doigts s’entremêlent ; toutes deux déversant sur l’autre une part de son désarroi ! Attendrissant, non ? Même pour un ours tel que moi ! Mina a l’impression de se retrouver en elle plus jeune et plus crétine, croyant que son conjoint,-drôle de mot-, va changer…

En attendant le résultat de mon enquête, elles restent ensemble dans la demeure de bois et profitent du soleil pour aller se baigner dans la rivière. Un décors paradisiaque, sous le toit de branches fraîches, déroule pour elles un tapis d’herbe tendre entre les rochers qui enserrent le lit de la rivière qui déferle des sources environnantes emplie d’écre-visses. Dans ma jeunesse, on délogeait ces bestioles en soulevant des grosses pierres. Nues et libres, elles oublient leurs malheurs. Elles s'observent, elles se découvrent.

–Et cette coupure auprès de ta cuisse, tu vas me dire que ce n'est rien ? Demande Mina.

–En fait, il a frappé du poing sur un miroir en se regardant, les éclats ont volé dans tous les sens, et j'en ai reçu un ! Mais il ne m'a pas touchée, il m'a même soignée, les larmes perlant aux yeux...

-Pauvre homme ! Plains-le...

-Je sais ce que tu penses mais je l'aime toujours et il est aussi malheureux que moi d'être si coléreux, il n'arrive pas à se contrôler, c'est tout !

–Le jour où il t'aura tuée, il pourra pleurer.

–C'est donc en pensant cela que j'ai écarté l'enfant et que je suis là avec toi : serre-moi dans tes bras mais ne me décourage pas : je veux croire que quelques jours de solitude le feront réfléchir.

–Et s'il vient ici ? Il va tout casser pour que tu retournes avec lui !

–S'il vient me chercher jusqu'ici, je partirai avec lui ! Pour l'instant, il ignore où je suis et je voudrais rester encore un peu !

Mina voudrait aider son amie. Mais elle est submergée par son problème. Il me faut donc l’assis-ter et prouver qu’elle n’a pas tué même si elle a frap-pé pour échapper à son sort. Selon elle, ce jour-là, Jocelyn est tombé dans l’eau mais il nageait bien… Il a certainement survécu ! Il veut lui faire payer son geste en la hantant sous sa nouvelle identité pour qu’elle avoue qui elle est…  Mina m’a persuadé que Jocelyn n’est pas mort mais, à ce moment-là, je suis le seul à le croire ; il me faut donc agir vite ! !

 

            Mon intervention a sans doute fait sortir le loup du bois ; ce soir-là, on trouve un corps sans vie avec l’étoile de métal de Mina plantée profondément dans la carotide ; il s’agit de l’inspecteur ! Jocelyn doit être dans les parages et il a abattu le policier avec l’arme de sa femme afin de la faire accuser d’avoir voulu l’éliminer, ceci pour conserver sa fausse identité. Je sais qu’elle n’a pu tuer l’homme pendant qu’elle était avec moi. J’évite donc les gendarmes. Je cherche qui pouvait l’approcher, lui dérober son arme, s’en servir ensuite pour le crime et la faire accuser !

J'ai retenu un détail : son cher mari jouait aux cartes. La silhouette d’un bonhomme qui exécute des tours de cartes sur l’estrade a attiré mon attention. Dès mon arrivée, je l’ai trouvé assez nul et je découvre sous les traits de ce saltimbanque, embauché dans la troupe sous un bon déguisement, Jocelyn qui change son visage pour mieux surveiller sa femme sans qu’elle ne puisse le reconnaître… Il faut le démasquer !

Après quelques manigances pour le forcer à quitter sa réserve, je l'appréhende au démaquillage et à travers les caravanes et les tentes installées près du chapiteau, je le ramène vers Mina ! C’est mon erreur ! Je voulais juste qu'elle confirme que je ne m'étais pas trompé mais à peine les ai-je mis en présence que le doute n'est plus possible ! Je suis tellement figé par son regard scintillant que je néglige ma surveillance du mari qui me casse une potiche sur la tête ; je dévie le coup au dernier moment mais il m’a tout de même étourdi et, durant ma chute, il lui administre une formidable claque qui lui fait tourner la tête et saigner la lèvre.

–L'inspecteur a été tué par ton arme ; t’es foutue ma vieille ! Lui dit-il. Tes appâts t’ont permis de trouver un mac compatissant pour te défendre ; j’aurai dû t’infibuler et te perforer au fer rouge quand tu étais encore avec moi pour supprimer ton goût des pas-sions extraconjugales ! Mais, pas d’engatse, tu ne t’en tireras pas ! Tu es toujours mariée, souviens-toi : je t'ai marquée, tu es à moi ! Je serai derrière toi où que tu ailles ! Et tu me le paieras, sartan ! »

Lorsqu’il est de nouveau devant elle, les images terribles de son passé l’assaillent : elle le voit encore la menacer avec un tisonnier écarlate dont elle a toujours une marque, elle sent encore le cuir de sa botte qu’il l’avait obligée à lécher et celui du fouet qui lui avait zébré le dos quand elle s’était laissée ligoter les poignets au lit ! Ces visions, ajoutées à celle du viol collectif, l’étouffent.

Son déséquilibre ne dure qu'un instant. Elle se soulève comme un ressort et, avec une technique qu’il ne lui connaissait pas, lui assène un coup de pied dans la tête qu’il ne digérera jamais ! La rupture des cervicales entraînant la mort. À peine debout, je me précipite mais c'est déjà trop tard ! Zorro n’est pas arrivé à temps. La haine a vaincu ! Cette fois, Yasmina vient réellement de tuer son mari...

Des perles sur ses cils m’ont demandé pardon : la violence appelle la violence ! Son mari disait vrai ; il sera toujours derrière elle… même mort !

Maintenant, je comprends pourquoi elle m'a appelé ; j'avais tout faux ! Ce n'était pas pour que je la protège mais que je l’empêche de le tuer ! Et je n'ai servi qu'à l’aider à y parvenir, inconscient de ce combat qu'elle livrait en elle entre son avenir et ses souvenirs ! Je me suis pris pour un chevalier ; fada, va, je me suis trompé d’époque ! Échec cuisant, Monsieur le détective ! C'est dans ces moments-là qu'on voudrait se frapper soi-même, rembobiner ou effacer et retourner à la première page comme sur un ruban magnétique, mais la vie n’a pas de marche arrière.

Malgré le soleil du midi, je voyais tout en noir ! Que devais-je faire ? La laisser fuir jusqu'à ce qu’un autre la retrouve ou lui trouver un bon avocat, pour plaider les circonstances atténuantes de ces femmes battues dont on ignore la vie partagée entre le cœur et les coups ? J’ai choisi la deuxième solution et je ne l'ai pas lâchée jusqu'au procès. Ce n’était plus vraiment la même. En le supprimant, elle s’était blessée aussi.

Nora a quitté le refuge de bois, fini les primevères et la rivière ! Quand je lui ai dit que sa « copine » ne reviendrait pas ! Elle est partie… Je lui ai proposé de m'occuper de son cas mais elle a refusé ! Un homme ou un autre ? Etait-elle plus attirée par les femmes ? Non, elle aimait toujours son mari. Elle est retournée vers son enfant en espérant des jours meilleurs. Je ne sais pas ce qu'elle deviendra mais j'espère qu'elle pourra obtenir ce qu'elle veut ! Au moins une, n'est ce pas ? Je le souhaite mais honnêtement je n'y crois guère.

J'ai regardé ces deux femmes marcher chacune vers son destin, dans un mélange olfactif d’Iris noir d’Yves Rocher et de Bleu riviera de Fragonard.

J’ai gravé dans ma mémoire le déhanchement de Yasmina qui garde une ondulation magistrale malgré le poids qui courbe désormais ses épaules.

Elle est toujours en prison alors que d'autres coupables ont déjà été libérés. Le glaive joint à la balance ne découpent pas toujours le poids juste. Et je n'y peux rien...

 


A lire et à relire et ce n'est rien comparé aux agissements des hommes de certains pays.

Article Nicole Manday

 



ª mort

© une gifle

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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 15:04

Après son succès à Aubagne, Provence-poésie propulse Denise Biondo et Danyel Camoin à Marseille pour ouvrir 2013 au Club Castéropoulos, le plus vieux club poétique de Marseille (voir article antérieur) présidé par Jehan Armagnac, prévu en invité d'honneur prochainement à Aubagne qui avait déjà accueilli notre face cachée de Brassens, Quelques mots en passant pour Maupassant et 2011 l'odyssée de la Fable.

Denise et Danyel étaient présents  à la réunion calendale où ils ont présenté leur duo : un dessin dans la tête, d'après le court-métrage de Paul Carpita : des lapins dans la tête.

A cette même réunion se distinguaient Henri Rocca dans une interprétation de la farandole des santons de Provence d'Yvan Audouard et Philippe -Auguste Malsheres en Cigalon entre deux chants de Pastorale de Jehan Armagnac: une belle fin d'après-midi...

 

C'est Alphonse Allais qui était à l'honneur  dans : Allez Alphonse Allais ! Une version moins scénique de Allais, vous m'en direz des nouvelles ! mais tout aussi intéressante qui retrouvait  à 17h30, le jeudi 10 janvier 2013, 69 rue Sylvabelle  étage 4 au Tempo : Guy Feugier, Geneviève Casaburi et Rosette Escoffier  ajoutant à la distribution :  Henri Rocca,  Philippe-Auguste Malsheres, Camille Stempfel et Jehan Armagnac lui-même pour parcourir les nouvelles d'AA contenant à cette occasion deux textes non présentés à Aubagne.

 

Réunion Alphonse Allais P.P 003feugierDeniseRéunion Alphonse Allais P.P 006

 Guy Feugier, Danyel Camoin, Rosette Escoffier et Denise Biondo dans la scène de l'hôtel

 

Pour en rire ensemble en janvier,

 

merci Jehan et à Bientôt !

 

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Articles précédents

 

On ne prend pas les mêmes pour recommencer: on continue...

au coeur du plus ancien club de poètes marseillais...

 

Denise Biondo et Danyel Camoin  accompagnés

de certains adhérents de Provence-poésie tels Jean Di Fusco, Monique et Louis Moulet replongeaient dans les fables sous la direction de Jehan Armagnac pour le Club Castéropoulos.

Spectateurs de Marque:  Claude Camous, Maurice Chevaly, Pierre-M. Jonquière, Sonia Kitaëff et  Michel L'Hellène.

Nous les remercions de leur présence.

 

clairette et la fourmidenise poupée

L'équipe n'était pas la même (on a ajouté dans les interprètes Camille Stempfel et Annie Malochet) mais on y retrouvait  les indispensables Philippe-Auguste Malsheres, Guy Feugier, Monique et Louis Moulet.

Le président Armagnac a gentiment remplacé JC Colay dans l'interprétation de l'âne des animaux malades où Danyel sans texte excèle en renard mais le clou de la causerie était le face à face final de la poupée et du miroir avec une véritable poupée agitée en marionnette remplaçant la poupée incarnée à Aubagne par Denise.

Camille rendait un hommage à Jean Di Fusco en interprétant un de ses textes avant qu'il ne raconte lui-même avec brio: le rouge-gorge et la cigale.

Une autre façon de revoir la causerie  ou de la découvrir en plus petit comité.

C'était le 13 octobre de 17h15 à 19 h au 4e étage du 69 rue Sylvabelle...  

aff 2011

 

Interview de Danyel Camoin sur le Club :

"C'est là que j'ai connu la plus étonnante poète que j'ai rencontrée, dont certaines oeuvres sont étudiées en Amérique et à qui j'ai rendu hommage dans mon livre : les méandres de la pensée, celle qui a préfacé mon premier livre en prose poétique avec sa gentillesse et son talent ; elle portait dans ses yeux son sourire amical et dans ses doigts la plume des anges: Marie-Louise Bergassoli, ma mère poétique.(voir l'article de Provence-poésie: un autre regard. )Depuis qu'elle a disparu, je déclame partout où je peux son superbe poème qui semble parler d'elle: C'était hier...

Une rétrospective "Malou, c'était hier" sera  envisagée en collaboration avec son éditeur : Marcel Baril prochainement (grâce à l'autorisation que m'a donné sa fille qui nous fournit des exemplaires) peut-être avec la participation de son amie Paule Cordier également éditée par la petite édition.

J'y ai aussi rencontré Eloyse Blouet, également disparue, que j'ai applaudie au festival des collines à Allauch, auprès de mon ami regretté: André Durbec. 

C'est là aussi qu'en janvier et en octobre 2010, j'ai pu grâce à Jehan Armagnac exprimer mes premières conférences sur la face cachée de Brassens en présence de Claude Camous et  sur ma vision cinéphilique de Maupassant. J'y ai aussi rencontré un géant de la poésie engagée : Michel L'héllène, apprécié par Marcel Jullian pour son oeuvre : la tragédie de l'âme et de la conscience (qui m'a fait l'honneur de m'échanger son livre contre "J'ai même rencontré le chaperon rouge" ) et le meilleur orfèvre de la poésie classique : Claude Lévy. Un club d'anthologie ! Suivez notre ami Philippe-Auguste Malsheres dans sa démarche pour présenter les étoiles qui l'ont illuminé."

 

Voyez l'article paru récemment dans l'hebdo qui a publié des nouvelles de nos associations et qui rend enfin hommage au plus ancien club des poètes marseillais où l'on peut  croiser des grands noms comme  Guy Feugier, Jacques Mandréa, Claude Camous et Jean-Jacques Boitard et les habitués comme Sonia Kitaëff et Danyel Camoin,

et ceux indiqués ci-dessous :

casteropoulos-1-copie-1.jpg

castero2.jpg 

Michel L'hellène ci-dessus au salon de La Bouilladisse 2010 était présent pour les dix ans de Saint-Victoret avec son nouveau livre: paroles du squelette d'Orphée.

 

 

Article: Nicole Manday

 Scan: Denise Biondo

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12 juin 2012 2 12 /06 /juin /2012 12:53

Bécaud chantait : la solitude ça n'existe pas et pourtant...

Heureux les académiciens de Provence qui côtoient  et côtoieront  à Carnoux le 24 juin les deux dames exceptionnelles que sont Martine Olmo et Denise Biondo...

Pourquoi ?

Parce que la poète et la nouvelliste même si elles ne sont pas à la une des salons de dédicaces et des journaux appropriés ont composé avec une classe exceptionnelle dans le cadre de la solitude et le livre de Danyel Camoin qui a obtenu en 2009 le prix d'honneur de l'Académie de Provence renferme lui seul deux éclatantes prestations de ces deux auteur(e)s à ne pas manquer...

D'abord le poème Avec ma Solitude de Martine Olmo et ensuite la nouvelle Insolitude qui marquait les débuts de Denise dans la nouvelle ( elle a progressé depuis avec une journée d'enfer et chute à Cadolive) ouvrent le livre de Danyel qui excelle sur des cas particuliers de victimes de cette sorcière qu'est la solitude dans "Les fleurs du Vide".

Une réédition remet les textes à l'honneur et la dédicace au matin du jardin du livre le 24 à partir de 10h permettra aux lauréats et aux académiciens désireux de se pencher sur la question de pouvoir le faire : rendez-vous dans le jardin du restaurant La Crémaillère à Carnoux le 24 juin.

 

  fleurs vide

martine.jpgDenise.jpg

 

Avec ma solitude

 

Ce matin, comme tous les matins,

Lorsque mes yeux se sont ouverts,

J'ai de nouveau ressenti ce frisson.

Ce n'est pas le froid mais tout simplement

Le fait de me retrouver au seuil d'une journée,

                                                                               Avec ma solitude.

Pourtant, je vais me lever.

Je ferai tous ces gestes habituels et quotidiens.

Je me regarderai dans la glace

Et me trouverai un peu plus vieillie, un peu plus triste.

Je me maquillerai rapidement et,

Peut-être, irai-je faire quelques courses.

Puis  je préparerai le repas, mon repas,

Que je prendrai dans la cuisine,

                                                                                 Avec ma solitude.

L'après-midi, je lirai un peu, pas trop, car j’ai mal aux yeux.

J'irai promener dans les bois,

S'il ne fait pas trop froid et si le vent se calme.

Et la nuit tombera vite, c'est l'hiver.

J'allumerai la cheminée, comme tous les soirs,

Ma seule compagne. Je me blottirai au coin du feu,

Un châle sur les épaules,

                                                                                 Avec ma solitude.

Puis lorsque la fatigue me surprendra,

Je me glisserai dans mon lit froid,

Je fermerai mes yeux et attendrai le moment,

Le seul de cette journée où enfin le sommeil

M'emportera vers un monde nouveau où j'aurai

L'impression de vivre pleinement.

J'oublierai alors pour quelques heures...                      Ma solitude !

 

Martine Olmo

 

 

Insolitude        

 

 

Elle a chu telle une fleur à laquelle on a coupé la tige et son visage a ouvert une corolle sur le plancher, une auréole rouge perlée. Lui, derrière son carreau, a immédiatement ressenti le malaise. Son univers insolite s’écroulait. On paraissait l’avoir atteint sans le voir, lui qui ne cessait de l’admirer…

 

Autour de nous, on ne compte plus le nombre de personnes qui vivent seules. Un tourbillon d’hommes, de femmes, de divorcés, de veufs, d’autres ; la liste serait longue... Tous victimes de l'incommunicabilité ! On pourra leur installer le téléphone, Internet et le câble, cela ne changera rien parce que le destin les emprisonne auprès d’une maîtresse insurmontable : la solitude, « grave » compagne dont on ne se défait plus quand on l’a laissée s’incruster.

Tiens, par exemple, ces deux-là : Lui et Elle, ils auraient pu s'aimer ! Ils habitaient l'un en face de l'autre : une obole apportée par le hasard, deux fenêtres qui ouvraient leur bouche et rabattaient leurs lèvres en vis-à-vis.

Quelquefois, il la voyait dévoiler sa pâleur comme si elle épluchait une banane. Elle oubliait de tirer les rideaux ; que voulez-vous quand on se croit seul ! Lui, il éteignait les lumières pour ne pas être vu. Il admirait l’anaglyphe tel un valet agenouillé devant une princesse… Il la photographiait discrètement, calant un vieux 33 tours sur une vieille platine afin de se donner une musique de fond, classique je crois.

 

C'est fou ce que l'on peut aimer les objets ! Surtout quand on est seul, on en devient prisonnier. N'est-ce pas ? Les objets vous volent votre âme et la forcent à les aimer. Et ce bonhomme n'échappait pas à la règle. Il les dépoussiérait, les rangeait, leur donnait une place attitrée. La statuette et le soldat de plomb, le bahut et la table, le cadre et le vase. Tiens, une peluche et un clown à la tête céramique : que faisaient-ils donc chez un homme de son âge ? Souvenirs d'enfance ? Non, sûrement pas ! Des témoins muets, certes, mais il leur parlait ! Et quelquefois, il leur racontait sa journée.

Ces amis inertes ravivaient son âme d'enfant parce que les gamins justement savent résister à la solitude : eux ont le courage de s'adresser la parole ! Lui, dans l'escalier, il croisait la voisine dont la baie ouvrait sur la même cour que lui. Il lui souriait et lui disait bonjour mais cela n'allait jamais plus loin. Deux inconnus se rencontraient ainsi depuis des années sans échanger quelques mots utiles. Seuls, chacun dans leur carré de meubles bien rangés pour attendre …

Attendre quoi ? La mort ? Pesante, celle-ci ne s'acharnait pas que sur les vieilles dames ! Elle mordait à droite ou à gauche à l’instar des requins.

Et sans le vouloir, il a assisté à l’entrée de celle-ci chez sa voisine. Elle ne s’était pas présentée sous sa cape noire célèbre mais sous les traits tirés d’un jeune gars que l’inconsciente avait ramené jusque là... Peut-être voulait-elle échapper à la solitude ?  Le voyou, séduit par le parfum de cette évasion, avait entrevu la sienne sur une autre échelle : un peu d'argent ! Motivé par le vol, sans doute, celui-ci a frappé sauvagement au cou. La belle est tombée…

 

Le voisin a alors appelé la police, les pompiers : le téléphone est pratique ! Cependant, il n'a pas bougé. Il ne l'a pas secourue. Il n'a pas voulu se mêler. Témoin, c'est devenu insupportable surtout quand on ne sait plus parler... Écrire oui, il en avait plein le tiroir, des lettres qu'il lui avait écrites, des lettres d'espoir, des lettres d'amour inspirées par son regard secret, jeté par la fenêtre sur son déshabillé, mais il craignait qu'elle le traite de voyeur. Elle ignorait ce qu’il endurait dans son mutisme.

Si elle savait, pourquoi n'avait-elle pas réagi ? Ce regard l'habillait peut être, la réchauffait d’une douce présence. Sous ses yeux, elle devait se sentir caressée mais sûrement pas suffisamment. Il lui avait fallu introduire ce malotru déguisé en prince charmant, cet Arlequin du porte-monnaie qui avait fait entrer le mal à ses côtés.

Et maintenant, l'encadrement de la fenêtre demeurera noir. Le regard qui la cherche se perd déjà dans le peu de lumière pénétrant dans la cour. Elle n’y reviendra plus…

Dévasté par son conte défait, l’homme seul va vers un tiroir et en sort une petite culotte, tombée de l'étendage de sa fée. Il a recueilli ce petit linge comme une fleur posée sur sa fenêtre par un jour de vent. Il l’a installée là, dans ce tiroir, en bonne place, sous une rose rouge. De temps en temps, il caressait la soie rose comme un petit animal domestique, puis, il changeait de fleur. Il en cueillait dans les jardinières de la cour, un sécateur dans la poche ; encore un objet insolite, un outil d’assassin ! Assassinat des rosiers du jardin, peut-être… mais le jeune voyou court toujours avec son rasoir, un objet encore, redoutable. Un solitaire, ce gars-là aussi !

 

Peu après, le maître de maison salue ses objets. Il sort de chez lui. Il marche sur le trottoir mouillé. Il sent sous une main l’outil dans la poche de son pardessus. De l’autre, il s’appuie sur sa canne. Les murs jettent des ombres furtives sur lui. Quelques fragments de silence brisé se cachent dans le manteau de la nuit. La rue vidée par le programme de télévision est encore plus effrayante que meublée par le flot indifférent des passants. Les réverbères modernes agressifs penchent vers lui un fuseau de lumière variable. Le clair de lune joue avec les nuages sans appeler les loups-garous. Son pas lent et méthodique s’achemine vers son but.

 

Ce soir-là, le voleur ne sait pas pourquoi un homme plus âgé l’observe maintenant dans ce bar louche. Perdu dans cet endroit mal famé, ce Monsieur bien habillé, distingué, ganté, près du comptoir, a lui-même allure insolite. Il se cramponne à sa canne, objet de soutien ; on se sent bien en étreignant le pommeau, on se croit plus fort, on affronte le danger. Pour qui ? Pourquoi ? Pour elle ! Il a eu peur et ne l’a point défendue, ce souvenir s’accroche à sa mémoire tel un insecte qui plante son dard et ne parvient plus à repartir.

 

Et on a emporté la belle inerte dans cette voiture blanche coiffée de ce gyrophare excité qui criait, découpant la nuit en tranches rouges. Elle est partie, couchée sur le dos, les yeux blancs, sans un regard vers le voisin…

Dans le couloir, on murmurait qu’elle n’arriverait pas jusqu’à l’hôpital et qu’il était triste de partir si jeune. Aucun clin d’œil vers lui n’animait la raideur de la fin, mais il l’aimait tout de même ! Il l’aimerait toujours d’un amour platonique, inaudible même puisque muet ! Il ne la dérangeait pas ; il l’habillait d’ombres et de rêves, d’un tatouage d’amour. Il s’accrochait à cette image tel un naufragé à son radeau. Tous les soirs, semblable à un enfant qui lèche la vitrine d’un pâtissier, il avait rendez-vous avec la croisée, pareil à ceux qui suivent un feuilleton télévisé. Quant elle était triste, il pleurait. Il ne manquait jamais l’heure du coucher de la belle, la réchauffant du feu de ses yeux lorsque la lumière crue l’effeuillait pour personne. On pouvait presque penser qu’elle le faisait régulièrement à son intention et d’ailleurs pour tout dire…

Un jour, elle avait glissé un mot sous sa porte d’entrée. Ce billet griffonné rapidement à la main avec un stylo baveux disait :

« Je sais que vous me voyez, que vous êtes derrière la fenêtre, mais ainsi je me sens moins seule… »

Il avait ramassé cet objet de papier et l’avait placé soigneusement dans le tiroir, objet de fierté, parfumé par le sous-vêtement et la rose, tel un trésor, un trophée, un cadeau. Mais, depuis, il aurait dû répondre, parler, s’exprimer… et non pas aligner des rangées de lettres noires qui coulent dans le tiroir imitant des combattants privés de champ de bataille, des avocats éloignés du jugement, mots prisonniers qu’elle n’a jamais lus, ni entendus, sans doute ! Personne ne lui a jamais dit ce qu’il lui a écrit….

 

Un jour, il aurait sûrement eu le courage de parler, d’agiter sa langue vers elle, caressant l’oreille féminine de ces mots ourlés qu’il ne prononçait jamais ; on peut toujours rêver ! Maintenant, il retient ses larmes, des larmes de sang ; son cœur saigne pour elle que l’autre a immolée face à sa fenêtre, sous ses yeux de vitres. L’obscure croisée noire lui rappellera définitivement, à l’instar d’un drapeau, ce crime impuni dont lui seul connaît l’assassin et ce couloir qu’il n’a pas traversé pour aller simplement jusqu’à sa porte. Même trop belle, intouchable, il n’aurait pas dû la laisser mourir !

Là, dans ce bar immonde, il observe l’assassin gavé de whisky, les yeux perdus entre le brouillard du remords et les vapeurs de l’alcool, un hémisphère du cerveau embrumé. Quand il lui paie un dernier verre, le gaillard ne refuse même pas. On croirait qu’il le connaît depuis longtemps, un ami de bar comme un autre.

Dans la bouteille qu’on partage, on noie ensemble les larmes qu’on n’aime pas voir courir sur sa barbe mal rasée. Chaque gorgée est un baume cérébral qui ouvre les portes de l’oubli. C’est un des rares moyens de noyer la solitude mais il en existe un d’une autre dimension, non limité par le verre…

Et le copain de boisson, on n’hésite pas non plus à le suivre dehors lorsqu’il chuchote gentiment qu’on a assez bu  ou qu’on ira boire ailleurs! Il ne refuse donc pas. Ils sortent tous deux, bras dessus, bras dessous, le témoin et l’assassin qui n’hésite pas à l’accompagner au bord du canal. Le cours d’eau, là, ce n’est plus un petit verre. C’est la tasse ! Les quais, quel endroit parfait pour une vengeance ! Le bord se rapproche des pas des compères insensible-ment, on croirait que la mort, encore elle, grignote peu à peu l’espace vital.

Il ne restait qu’à le pousser, et à partir seul ! Facile, il titubait déjà, mais quoi ?

Pourquoi sauter avec lui ? Ce n’était pas utile ! Et maintenant toute cette eau sale qui veut se faire avaler ? Le courage ? Mais qu’a-t-il à voir là-dedans ?

Le courage lui manquait pour revenir à la maison, sans elle, se plier de nouveau aux caprices muets des objets au regard réprobateur et les remettre en rangs, remuer les mots transformés en maux dans le tiroir, en laissant la lumière briller afin de ne point pleurer devant la sombre fenêtre. Renouer avec la solitude… non ! Elle se vengerait de ses écarts en lui poignardant le cœur, chaque fois qu’il ouvrirait ses volets, et le détruirait par le ventre à l’instar d’un ascaride. Non ! C’était l’image dans la croisée qui distillait l’espoir dans un goutte à goutte d’amour ! Revenir en arrière ne sera plus possible, tandis que là, en buvant une rasade d’eau avec l’assassin, après l’alcool…

 

Elle sera vengée, certes, mais en même temps, il terrasse cette sorcière intransigeante collée à sa peau. Il ne partira pas seul ! Avec un peu de chance, au bout du tunnel, dans la lumière pure et blanche, sa belle sera peut-être déjà là, livide et légère, l’attendant avec un regard timide. L’arythmie l’accompagne vers la cachexie. Tant qu’il y a la mort, il reste un espoir… de la rejoindre !

Il arrive… Il se noie… Il vient !

 

 

Quelques jours plus tard, alors que la police cherche l’explication de cette double noyade si près du centre ville, la jeune femme, sortie de l’hôpital, rentre chez elle ; les chirurgiens l’ont opérée juste à temps et l’ont sauvée. Une voiture l’a raccompagnée.

Très faible, elle monte lentement les marches du perron et s’arrête devant la porte de son voisin où l’on a disposé un drap noir portant deux initiales blanches et une table nappée destinée à recueillir un dernier hommage écrit. La jeune femme s’arrête pour apposer sa signature. Elle constate que toutes les pages sont blanches…

Elle rentre chez elle et, machinalement, son regard triste glisse vers la cour ; elle soulève les yeux vers la fenêtre du voisin, celle où elle sentait toujours une présence muette.

C’est la première fois qu’elle en voit les volets fermés.

 

 

Denise Biondo   (d'après une idée originale de Danyel Camoin)

concours de Gémenos 2008  
prix de la nouvelle

 

Article Nicole Manday

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11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 09:32

Dans le cadre de nos "info-littérature", l'association présente :

Martine Robustelli Neu

Et son livre trés particulier qui donne à réfléchir sur les problèmes de l'éducation :

les enfants sans repère sociaux ne sont-ils pas finalement mal dans leur peau ?

Enfant roi, enfant sans loi : enfants  heureux ou malheureux ?

 

enfants-sans-loi.jpg

 

http:// martine-robustelli.blog4ever.com

Un livre à ne pas manquer !

  

I  N  V  I  T  A  T  I  O N  

 

   L e    C h â t e a u    d e 

      B o i s     L u z y 

              13012  Marseille

 

Le 04 juillet  2012

Accueille dans sa Grande Salle   à   14 h30,

 

Martine   Robustelli   Neu

 

Rencontre,  Lectures de textes, Echanges

autour des ouvrages :

  • Mots pour Maux
  • Eveil et autres nouvelles
  • Enfant roi enfant sans loi, apprenons à dire Non, 

 

http://martine-robustelli.blog4ever.com

http://motspournosmaux.canalblog.com

 

 

Cycle  «Après-midi littéraire  des Amis du Château »

 

 

Entrée libre

 

Auberge de Jeunesse,  allée des  Primevères, 13012 Marseille

entre  St Barnabé ( rue Jean Rameau)  et  Montolivet (L’Aiguillette)  

  tél : 04  91  49  06  18 

 

                           

                                                                               Photo, Conception graphique, Copyright  M. R. N 

 

 

 

martine.jpg

 

 

et à propos d'éducation, pour les fêtes et anniversaires, pensez-aussi aux souvenirs de classe...-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Une formidable création dans le monde du recueil de poésie: Albert Borelli, un artiste dans le genre: même ceux qui n'aiment pas la poésie devraient apprécier l'originalité de la présentation.

Surtout ceux qui étaient à l'école, il  y a longtemps avec les frises en bas de page sous leurs lignes guidées et leurs interlignes.

Le fond de page jauni, la couverture, l'écriture scolaire, la table de multiplication au dos du cahier, tous ces éléments de la classe des années cinquante accompagnent ses poèmes de style.

Une courte préface de Danyel Camoin, le président de Pp, précède les poèmes avec un diplôme de prix d'honneur d'époque et Albert a bien mérité son prix d'honneur !

borelli-cover.jpg

borelli-1-copie-1.jpg

 

Pour les collectionneurs, les amateurs et les poètes, passez votre commande, l'association transmettra à l'auteur...

Un petit bijou littéraire... à offrir pour un anniversaire !

 

Article Nicole M./ gravure Frank Zorra 

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22 février 2012 3 22 /02 /février /2012 14:41

Devant le succés de Frank Zorra avec son livre : Je suis né à Marseille, le détective marseillais continue à suivre le parfum des dames...

Pp a décidé de retenir celui-ci pour la journée de la nouvelle après le désistement d'un des auteurs invités :

Il y présentera donc exceptionnelement son livre édité par Baudelaire et disponible dans toutes les librairies sur commande (voir l'étoile bleue sur Aubagne ou la Fnac à La Valentine).

Frank Zorra avait squatté une place à Danyel Camoin en Novembre pour dédicacer plusieurs exemplaire aux marseillais au carré des écrivains.

L'an prochain, il y sera peut-être à place entière et qui sait ?  Peut-être le verrons-nous à Fuveau aux écrivains en Provence, si l'éditeur veut bien adresser un exemplaire du livre aux écrivains en Provence avant qu'il ne soit trop tard.

 

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Enquête ou nouvelle ?

Peut-être nouvelle enquête ?

Non, elle est déjà connue des fans de Frank mais on en remet une couche pour la nouvelle année : ce n'est donc pas une nouvelle nouvelle mais la nouvelle de la nouvelle année...

Excusez-moi mais c'est une bonne nouvelle... 

car cette enquête a inspiré une nouvelle qui, sur le même thème du solitaire, a été incorporée dans

Les fleurs du vide, le livre qui a gagné le prix d'honneur de l'Académie de Provence en 2009 et une autre qui devrait être insérée dans : Au delà du seuil (parution en  2012) ma troisième collaboration avec l'auteur de "Au seuil de l'Inexplicable" dont on reprend les finesses en poussant plus loin.

 

 

Bonne journée à tous ceux qui sont seuls !

 

 

 

La morte de la Corniche. Parfum de rose flétrie à peine éclose arrosée au sel marin

 

 

Marseille 1995. La mer scintille dessous les ponts et secoue les barques des pescadou. C’est là que je dévorais une bouillabaisse chez « Fonfon » quand j’avais résolu la dernière énigme difficile mais, suivant ses moyens, on peut aussi s’empiffrer de pizza au Vallon des Auffes, , vous n’avez qu’à demander à Max !

Max, mon ancien assistant, cent-vingt kilos et deux pizzas arméniennes dans une flûte de pain en attendant le dessert : un homme de poids !

Après la sortie, on vire à gauche. Orientation ? Plage Prado. Statue de David toujours nue. Un piano-bar sur la corniche égraine un chapelet de notes qui brament sur les malheurs des clients et un cabaret, tout près dans l’avenue, où des cagoles grimées en petits lapins présentent deux "obus de chair" en évidence dans des petits filets de pêche transparents, presque sur un plateau, mais n’y croyez-pas, fatche d'ail, c’est un appât optique ; dans leurs têtes règnent encore les cacous charmants. Là-bas, c’est le plaisir de l’œil…

L’horreur, c’est un peu plus loin dans la portion des plages préfabriquées en face du casino, où je venais quelquefois pour rêver, les yeux surfant sur les vagues.

Allongée au bord du sable derrière les buissons, les éboueurs remplissant les bennes urbaines ont découvert au petit matin une morte quasiment nue avec un mec en costard  tout neuf accroché à elle comme une arapède et, un peu plus loin, près de la route, un jeune au type étranger, très peu vêtu, le crâne fracassé. Un simple fait divers me direz-vous. Pensons à la famille…

Le père de la jeune morte, un honnête pharmacien des environs, ne voulant pas ébruiter ce qui était arrivé à sa minotte, me demanda de mener une enquête discrète et grâce à mon "nez" célèbre jusqu’en Lozère, qui m’a  pourtant souvent joué des tours en se fourrant partout, je réussissais à réunir quelques témoignages et, peu de temps après, à reconstituer la soirée précédente…

Voilà comment je rédigeai mon rapport à la manière poétique de mon ami Danyel Camoin, quoi que cette affaire ne soit pas du tout de la poésie. 

 

Une trompette roucoule un fond de Rio Bravo, un homme en costume fringant assis sur un tabouret, accoudé au comptoir, s'imagine marchant sur un nuage vers une jolie blonde au pas d'un héros.

Sur un coin de piste à peine éclairée, un couple accompagne le rythme par quelques pas à deux tournant lentement. L'éclairage gicle sur un prisme qui renvoie en rotation des flammèches d’arc en ciel sur les badauds aux yeux cernés en dessinant des barres de couleur sombre sur le plafond blanc.

L'homme seul tourne les yeux vers son verre. Il y observe le rêve de sa vie qui ne vit que la nuit quand le manteau de celle-ci cache tous les défauts. Des volutes de fumée colorisées créent des nuages impalpables d'espérance bafouée autour de lui.

Dans le clair-obscur, des lèvres inconnues se rejoignent jusqu'à perdre leur rouge maquillage et des mains moites osent parcourir discrètement des parcelles de peau transpirante de désir. Des complexes se dénouent dans la pénombre et émettent d'imperceptibles gémissements dont la sonorité est écrasée par celle des haut-parleurs.

Les touches d'un piano clignent de l’œil à la trompette pour l'entraîner sur un air plus soutenu et ce sont maintenant des doigts agiles qui dansent sur elles pour rappeler le couple de danseurs disparus. « Cendrillon » a laissé une chaussure dans ce bal de quatre sous mais ce n'est pas un prince qui emporte la dame dans l'ombre. Il ne va pas la couvrir de bijoux froids mais de baisers chauds et, au lieu d'une belle robe, il lui offrira de boire à la source de la vie. Presque inconsciemment, l'homme au bar cherche des yeux la fille disparue..

La pendule égrène quelques sauts d'aiguille que saisit prestement le mange-minutes toujours affamé. La longueur de la nuit s'étiole sur la paupière d'un jour nouveau encore un peu fermée. Le rêveur saute de son tabouret, abandonnant un verre aux trois quarts vide, pour avancer vers la piste à l’arrondi incertain. Il évolue comme un nuage. Il se déplace, enveloppé d'une auréole odorante de fumée de cigarette consumée. Il courbe sa silhouette et froisse son costume chic sur la piste désertée où les ombres jouent avec la lumière. Il se baisse et ramasse la chaussure unique et désespérée noyée dans le vide. Maintenant, il la tient dans sa main, la caresse comme un animal blessé qu'il va conduire vers celle qui la portait. Peut-être pourra-t-il échanger quelques mots au bord du vide. Il glisse quelques pas lents dans la pénombre et découvre des ombres qui s'étreignent dans un bouquet de soupirs... Il en déduit qu'elle est trop occupée pour l'instant et n'a que faire de sa chaussure. Peut-être même qu'elle a ôté l'autre...

Il tourne autour de la piste, un peu désarçonné dans son élan de communication. Il retourne dépité vers le bar, l’escarpin planté dans la poche basse de sa veste. Un autre verre... Il y noiera ses larmes invisibles ! Satanée sorcière ! Elle est là, toujours près de lui, tenace. Elle s'acharne à faire le vide autour de lui ; il se sent à la limite de l'étouffement. Elle l’enveloppe toujours à l'instar d’un boa qui voudrait écraser sa proie pour ensuite l’avaler, affreuse solitude ! Autant noyer sa peine…

Un regard brillant, libidineux, braqué sur la «  barmaid topless », il agite un gros billet de banque comme une arme discrète et convaincante mais la jeune femme lui réplique qu’elle n’est pas entraîneuse, ce n’est pas une maison close mais un cabaret ! Juste le temps de respirer sur sa poitrine brune un « concerto » de Fragonard…

Et voilà, même l’argent reste impuissant devant la sorcière. Il demeure apparemment seul dans son enveloppe de vide.

            Il remarque un autre couple qui était resté là, près du bar. Eux aussi font un tour sur la piste mais la musique a changé. Elle est saccadée. Elle remue leur corps sur un rythme endiablé, peuplé de gestes divers, puis elle cesse. Les voilà qui reviennent. Ils parlent un instant... Le jeune homme au teint bazané entraîne la petite blonde vers la porte. Elle l'accompagne docilement. pourquoi lui ?

Presque inconsciemment, le solitaire suit les deux corps enlacés. Il quitte les lieux. Après la porte battante, il sent la fraîcheur matinale de la rue le gifler. Il remonte son col, secoue son veston et plonge sa main droite dans une poche, il en sort un petit paquet d'où il tire une cigarette qu'il va allumer à la barbe du matin.

Les mains dans les poches, il déploie ses grandes jambes sur le trottoir derrière eux. Ses pas résonnent sur le béton. Ils ont quitté la rue. Ils ont glissé dans les frondaisons. De l'autre côté de la rue en bas du trottoir un fossé borde la plage derrière une haie de buissons.

On fait tous le même rêve : un instant d'amour, de déraison. Et lui, le solitaire, même hors du cabaret, même loin de la trompette, il entend de nouveau Rio Bravo. Il ne sait même pas pourquoi il les a suivis jusque-là... Pour les regarder sans doute ! Pour ne plus être isolé, pour voir l'amour au petit jour... Mais l’autre mâle ne tient pas à ce qu’on le regarde pendant qu'il « pénètre les replis » du bonheur. Il se lève à moitié nu et saisit une pierre sur le sol avec laquelle il menace. L’étrange personnage ne s'en va pas pour autant. Et la pierre s’envole vers lui pour l’inciter à fuir. Il esquive.

Les mains du voyeur se crispent alors sur cette pierre jusqu'à la soulever du sol et la renvoyer vers celui qui l'a propulsée jusqu'à lui. Il vise mieux car le projectile heurte le crâne du jeune gars qui voulait honorer sa dulcinée en paix. Ce dernier tombe après avoir chancelé longuement. Voilà, il a chu tel un oiseau atteint par le chasseur mais la véritable proie reste là, toute tremblante, exposée maintenant hors de ses bras protecteurs. L'agresseur occasionnel sorti de l'ombre semble prêt à remplacer l'amant.

Elle ne paraît pas apprécier l'échange, son cri effraie les premiers oiseaux de passage en déchirant le cœur de l'aube. L'homme sent sa main s'appuyer fortement sur sa bouche... pour la faire taire uniquement. Il ne veut pas lui faire du mal mais il ne voudrait plus qu'elle crie. Il voulait simplement regarder mais l'autre ne l’a pas laissé faire. Pendant qu'il retient les sanglots dans la bouche fermée, il lui couvre le cou et la poitrine de baisers. Lui aussi voudrait pouvoir l'aimer, découvrir ce monde intérieur tout chaud et accueillant qui conduit par magie jusqu'aux portes du paradis sans se déplacer. Mais elle est là... La sorcière ! Elle le tient et ne veut pas le lâcher. c'est elle qui appuie sur sa main et il la sent forcer malgré lui. Elle a guidé sa pierre, n'est-ce pas ? Et là... Non ! Pas cela !

Il relâche l'étreinte, libère la jolie petite bouche, mais celle-ci reste ouverte, inerte, figée dans un appel au secours sans voix. Elle ne bouge plus. Et l'autre main de l'homme ne perçoit plus de battement sous son sein rigide. La chaleur s'enfuit... Elle a cessé de vivre. C'est la sorcière... C'était elle ! Elle lui refuse le droit de la quitter, de pouvoir rencontrer quelqu'un d'autre, un instant d'amour, et le baiser tardif qu’il dépose sur les lèvres froides ne la réveillera plus...

L'invisible s'efface maintenant, le laissant découvrir seul le drame : le regard bleu figé, glacial, de cette princesse endormie.

 

            Un peu plus tard, les éboueurs découvrent en remplissant leur benne, l'homme indissociable, collé au corps de la morte comme un naufragé à sa bouée. Ils préviennent la police...

            Les gendarmes arrivés sur les lieux reconnaissent le fils d'un député très important dans la région. Ils le soulèvent rapidement et l'éloignent avec peine du corps auquel l'individu s'agrippe. Ils lui demandent ce qu’il s'est passé mais n'obtiennent aucun renseignement. Il ne sait pas répondre. Les yeux hagards, il entend une trompette qui s'étrangle pendant qu'elle joue le silence à la manière d’une sonnerie aux morts. On croirait un amnésique. Les gendarmes recouvrent le corps de la fille et du jeune gars au crâne fracassé avec une bâche.

Drame de la Solitude ? Qu'est-ce que je pouvais ajouter ? Peu importe...

 

            Le lendemain, on lira dans les journaux que le fils d'un député bien connu a secouru une jeune fille de bonne famille de la ville attaquée sur la plage qu’un voyou inconnu venait d'étouffer. Il l’a alors assommé avec une pierre. La violence de l'acte l'ayant un peu choqué, il sera soigné pendant quelques jours à la clinique la plus proche avant de pouvoir rentrer chez lui. C’est la vérité pour tous. Faï tira !

Suivant que vous serez puissant ou misérable... Cela n'a pas changé depuis La Fontaine.

J’espère seulement qu’il n’y aura aucune récidive.

 

 

 

Cette nouvelle fait partie des dix-sept enquêtes de Frank publiées dans : "Je suis né à Marseille" éditions Baudelaire 2011. En vente à la Fnac.

Une autre enquête qui avait inspiré à Denise Biondo la nouvelle : l'enfant qu'on peignait en bleus, publiée lors d'un concours à Cassis, est également insérée dans ces pages, réadaptée par l'auteur.

 

 zorra

 

 

Article Nicole Manday

 

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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 11:43

Nous savons que Noël est passé mais ce petit voyage au pays des rêves éveillés vous permettra peut-être de bien commencer l'année Deux-mille... douce !

Un petit cadeau Provence-poésie et si vous voulez l'ouvrage tout entier vous pouvez aussi vous le procurer directement chez l'éditeur : la petite édition, rue Léon Bourgeois Marseille.

Ou chez nous par correspondance.

 

Le succés continue...

Voici la critique d'une lectrice récente (M D) que nous remercions :

Quand la poésie rejoint la prose

Quand le conte rejoint l'actualité

Quand le talent se joint à l'émotion

On parvient à ce style de texte...  MAGNIFIQUE !

 

 

Et si je m’enfonce dans mes songes, je suis forcé de passer par ce petit chemin forestier où tous ont marché, enfants, derrière cette petite fille toute vêtue de rouge… Certains parlent de conte de fée, d'autres parlent de sorcellerie ou de magie. Le personnage persiste au-delà de la légende et se modifie au fil des temps transformé par la société qui ébrèche le cristal de nos rêves d’enfants. Pour ma part, j'ai rencontré tout ce que les autres ne voient pas et...

 

J'ai même rencontré le chaperon rouge

  

 Autrefois, on disait que le chaperon portait gentiment un pot de beurre et une galette chez sa grand-mère. Mais on imagine bien facilement que notre petite fille avait grandi. Depuis le temps, pensez donc ! Aujourd'hui, le sexe des anges s'affiche sur les murs pollués. Si l’apparition divine avait encore une mère-grand, à son âge, son pot de beurre aurait pu être un lubrifiant et sa galette l'argent que lui rapporterait une location de ce corps présentement moulé sous une peau de petit rat d'opéra.

 

Elle était divinement parée d’une auréole lumineuse. Ses cheveux, parsemés de lucioles illuminant sa coiffure à la nuit tombante, bien que noués dans un charmant chignon, semaient des mèches sur les doigts du vent. Son visage virginal s'étalait autour de deux lèvres charnues roses comme le pétale d'une fleur s’ouvrant sur le diamant de ses dents. Elle portait un grand manteau rouge à col relevé, surmontant ce collant de la même couleur qui s’étendait de ses poignets à ses chevilles hissées sur deux escarpins noirs à  talons hauts. Ses mains aux doigts prolongés d'ongles très fins plongeaient dans ses grandes poches. Ses yeux scintillaient sur un regard d’enfant sans rapport avec sa taille, perdus dans un flot  de rêves où l'homme arriva pour brouiller l’image, comme il souille habituellement la nature. Elle avait grandi, mon chaperon rouge, certes, pourtant elle avait gardé sa naïveté, son esprit de liberté et sa peur des loups. Elle ignorait encore qu’autour d’elle se terraient des hommes, plus dangereux que les bêtes pour les proies innocentes.

Un oisillon tombé du nid piaillait dans l'ombre d'une branche protectrice quand passa cette inconnue. Elle se baissa jusqu'à lui pour le laisser monter dans sa main. Elle lui tendit miraculeusement, de l’autre main, quatre graines que l'animal picora. Son doigt effleura ses plumes pour le poser dans un refuge, puis elle reprit son chemin.

A chacun de ses pas, dans la trace offerte au sol meuble, poussait immédiatement une tige verte surmontée d'un bouton qui se transformait en rose. Son chemin, derrière elle, se recouvrait ainsi de fleurs en mouvement.

Un véritable champ se développait derrière ses pas ; deux allées parallèles grandissaient traçant sa route de couleur. Des roses rouges, écarlates, gigantesques, se hissaient à cinquante centimètres du sol ! Point besoin de baguette magique. Ses talons trouaient le sol pour libérer chaque tige. Mais les fées de nos jours ne sont plus respectées même en action sous un manteau rouge. Sous celui-ci, elle ne cachait aucune arme, cela suffisait pour que ces méchants sorciers de la forêt deviennent des loups prêts à dévorer la chair de l'innocence.

La nudité ne leur paraissait pas naturelle. Un bébé vient-il au monde habillé ? Fallait-il vêtir la nature d'un manteau de pollution ? Le hussard en herbe colle au corps de la femme l'image du péché; alors, capable de ressentir cette poitrine dessinant une proue et ce triangle naissant au-dessous de son nombril devenant tentation, il rangeait maintenant, pour l'imagination populaire, mon innocente au rang de démoniaque fille d’Eve. La pomme d'Adam se bloquait dans la gorge des vagabonds qui lorgnaient sous son manteau,  assoiffés de chair, taureaux excités par la couleur des menstruations et de la virginité : rouge, couleur maudite du sang versé !

            Les mains de nouveau plongées dans ses poches, sous le nœud de sa ceinture,  l’insouciante rêveuse laissait encore voleter quelques cheveux sur le souffle caressant son chemin. De drôles de gars la sifflèrent, elle ne s'arrêta pas. Ils la suivirent dans le bois. Elle était seule, ils étaient trois... Elle marcha plus vite ; ils coururent, écrasant les roses sous leurs pas. Ce fracas m’attira…

            Le collant éclata telle une peau de pêche froissée tandis que le manteau s'effeuilla comme l'on écarte les pétales du cœur d'une rose. Son corps jaillit pareil au pistil de la fleur, trop blanc sous la lune. Pauvre banane épluchée, elle se retrouva frêle et tendre à la merci de leurs dents. J'ai vu leurs ombres sales se vautrer sur ce frêle corps dépouillé de sa fourrure, déchaussé de ses talons pour les repousser de ses orteils courbés. J'imaginais un lapin à qui on aurait ôté la peau pendant qu'il était vivant : l'horreur glaçait mon visage. Ces araignées à cinq doigts qui auraient dû caresser son cou, comme celui d’une petite belette à peine sortie de l'enfance, plantaient leurs griffes en serres d'aigle dans sa petite chair rougissante où ils traçaient les sillons saignants de malsaines charrues, comme sur une vierge livrée aux sacrifices antiques, pour semer en elle leur violence.

Violeurs de la nature, ils n'étaient plus à un massacre près. Ils avaient déjà condamné tant d'arbres et fusillé tant d'oiseaux... Ils salissaient toujours la pureté du cadre, pareils à des tâches dans la peinture artistique du créateur. 

J'ai vu l'horreur et le plaisir s'opposer dans un concerto de violence : les fauves ne paraissaient pas vouloir dévorer leur prise. Mais, je ne pouvais tolérer que ces loups à deux pattes bavent plus longtemps sur ce corps de fée promis à la béatitude sereine. J'ai pris mon fusil de chasseur émérite et j'ai tiré pour la justice, pour la défense de l’opprimée. Ces animaux humains, chassés de leur proie, laissaient couler un peu de lait rouge sur le tapis vert de leur jeu : du sang !

Ils s’enfuirent, l’œil rouge de colère ! Rouge, couleur horrible de la bêtise humaine, comme le feu des pyromanes et le sol du champ de bataille.

            J'ai tendu ma main vers elle, clignant des yeux pour ne point admirer ses appâts virginaux à peine griffés de souillures. Je l'ai recouverte de son manteau miraculeusement devenu vert comme mon espérance, l'herbe de la forêt, les valeurs de l’enfance, comme si mon intervention avait modifié quelque chose en elle, lui avait procuré en quelque sorte des ailes. L'ange m'a regardé d'un bouquet d'étincelles et m'a embrassé de deux lèvres de feu ; un changement la plaçait effectivement sous la flèche de Cupidon, serrée contre moi pour me remercier. L'ai-je donc prise avec fièvre ? Je ne le sais plus ! Le parfum de l’instant d’abandon emplissait mes narines. La caresse de ses doigts, ce que je sentais monter en moi, tout se mélangea, accouplant, dans ma pensée tout à coup impure, son corps à un goujat, et quelquefois j'en rêve encore... Par tous mes pores ! La rencontre n’usa que quelques grains de sablier mais laissa un souvenir impérissable. Je le dis souvent, les moments qui enfantent de très longs souvenirs sont souvent les plus courts.  Un instant  comme celui-ci peut meubler une vie.

J'ai pénétré au tréfonds de ses yeux, bercé par le retour d’une vague bleue, et mon voyage à atteint la vitesse du son, en songeant au grand frisson. Je me suis senti éclater près d'elle, je l'ai aussi sentie vibrer sous mon aile, entrant dans le conte de fée, rougi de honte par ce rêve éveillé ! Pour ne point profiter de la situation d’égarement, à genoux, je l'ai rechaussée en baisant ses orteils doux comme le velours des roses. Je l’ai accompagnée, la tenant du bout des doigts, jusqu'au seuil de la maison isolée après le bois. Une très vieille dame lui a ouvert une porte qui grinçait presque musicalement deux notes d’une berceuse pour enfant. La princesse a disparu dans la chaumière, abandonnant la citrouille que j’étais, transformée un moment en carrosse porteur de fée !

 

 Le chemin que j'ai parcouru, je ne m'en souviens plus... J'ai dû me réveiller sans avoir dormi, l'enchantement s'était enfui. J'ai erré sans but. Surchargé d’amidon, j’avais perdu mon guidon. Quand on n'asservit pas la nature à une idée, on n'attache pas cette beauté à sa réalité ! Comment pourrait-on penser qu’un amoureux comme moi aurait pu la garder ? 

 

Elle s'appelait Marie Azad ; Marie comme la vierge,  Azad en arménien signifie liberté !

 

 

Danyel CAMOIN 

 

 

  Ceci n'est que le chapitre titre de

 chaperon 2chaperon

 

 

Un autre texte de ce livre: l'olivier,  plusieurs fois primé, a été étudié  par des élèves en classe à Saint-Zacharie.

L'ensemble du recueil a obtenu le prix d'honneur de l'Académie De Provence en 2008.

Le livre a été accueilli il y a deux ans par les écrivains en Provence à Fuveau.

 

 

Article Nicole Manday 

 

 chaperon r

 

Ce livre a obtenu le prix d'honneur de l'Académie de Provence en 2008. Il a été préfacé par la poète conférencière : Marie-Louise Bergassoli. Il vous fait voyager d'un enfant d'hier jusqu'à un enfant de demain.Voulez-vous retrouver votre âme d'enfant tout en parcourant quelques pages érotico-magiques ?

L'auteur est membre de l'association aubagnaise : L'Olive et l'olivier et a écrit un roman à la gloire des oliveraies et des moulins à huile du Var avant 1956, qui met en valeur une femme de cette époque qui défendait un moulin à tout prix : les fantômes du vieux moulin.(voir l'article du même titre)
Dépôts ventes librairies: Le blason Aix en Provence, Le poivre d'ane à La Ciotat,  L'odeur du temps Marseille rue Pavillon, L'Alinéa, Martigues.

 

Voir le chaperon a grandi dans les pages poétiques.

 

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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14 octobre 2011 5 14 /10 /octobre /2011 23:29

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Bientôt Provence-poésie vous parlera mieux du livre de Rosette Escoffier édité par les presses du midi et des projets de l'auteur;

Une participation active dans le livre d'Aubagne de Danyel Camoin à paraître

Une conférence partagée sur Ferrat et Aragon avec Denise Biondo

Un recueil de poésie en plusieurs petits volumes

et bien sûr tout d'abord les dédicaces de son livre édité par les presses du midi à Nans les Pins.

Chaque chose en son temps.

Vous pouvez également joindre l'auteur par intermédiaire de Pp...

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28 septembre 2011 3 28 /09 /septembre /2011 17:55

D'après un sondage de Provence-poésie, le meilleur livre de Danyel Camoin serait au dire des jeunes lecteurs :

"Au seuil de l'inexplicable"

où l'auteur nous plonge dans des enquètes au ras du fantastique avec Frank Zorra, lequel vole maintenant de ses propres ailes en 2011 aux éditions Baudelaire avec "Je suis né à Marseille".

Il est certain que les jeunes, et les autres non plus, n'ont pas lu ses quatorze livres mais depuis longtemps déjà la balance fait pencher les lecteurs jeunes même dans son entourage sur ce livre en vente à la Fnac.

Pour répondre à la demande, Danyel Camoin écrit cette fois avec moi, Nicole Manday, une vision plus féminine de ce fantastique voyage dans son prochain livre : Au-delà du seuil... qui sortira en 2012. L'éditeur n'est pas encore officiel...

Ce voyage psychologique nécéssiterait un éditeur plus ouvert vers l'inconcevable pour soutenir la spirale fantastique de ce monde trouble propice à l'éveil de conscience par les questions qu'il force à se poser, c'est dans ce sens-là qu'un livre comme " Au seuil de l'inexplicable" n'a pas été assez soutenu.

Il est dommage que l'on n'ait pas dans la région des éditeurs, semblables au Docteur Claude Imbert, penchés sur cette approche de l'inexplicable.

Et pour que d'autres jeunes puissent donner leur avis, Provence-poésie propose jusqu'à la fin de l'année un exemplaire gratuit de Au seuil de l'inexplicable

offert aux bibliothèques d'établissements ouverts aux jeunes et des réductions de prix aux individuels qui voudraient l'acquérir; dédicaces de l'auteur le 10 décembre à La Destrousse, librairie Thiéblemont, centre commercial Casino, au côté du spécialiste des polars de la Sainte-Baume: Pierre Bertho.

pub seuil

 

et bientôt pour Danyel :

inex2.jpgles évadés

Et pour Frank :

zorra

 

Tandem le 10 décembre avec Pierre Bertho:

 

IMAG1073bertheau

 

merci Me Thiéblemont:

IMAG1060bertho pub

 

 

 

 

 

 

 

Article Nicole Manday

 

 

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12 juillet 2011 2 12 /07 /juillet /2011 19:23

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Le premier auteur de Pp éditions, celui qui l'a pratiquement inventé a pactisé avec un plus gros éditeur :

l'enfant terrible de Provence-poésie va sortir du midi et voyager dans le Nord... vers les steppes de Mr Brun.

"Je m'appelle Zorra, Frank Zorra, comme Zorro mais avec un a"

C'est avec cette phrase que s'annonce le héros de Je suis né à Marseille, issue d'une des premières productions de Provence-poésie éditions, présentée l'an dernier au carré des écrivains à Marseille, Frank Zorra est devenu auteur à part entière et remercie ses admirateurs (ou admiratrices :  Erine Lechevalier, Janine Ravel, etc...) et surtout ceux qui comme Chris Bernard ont laissé un commentaire sur Internet pour saluer le murmure du "pastaga" dans l'eau glacée, un remue-méninges signé Frank publié dans les pages Provence-poésie ainsi que Denise Biondo qui a réécrit une de ses enquêtes pour en faire : l'enfant qu'on peignait en bleus présenté à plusieurs concours dont celui où il a récolté un prix d'honneur.

Pour faire plaisir à ceux qui passent de la poésie au jargon franco-marseillais de Frank, nous informons que les éditions Baudelaire de Lyon publient le plus grand recueil d'enquêtes du détective atypique marseillais ainsi l'on peut dire à la manière de Lino Ventura dans un film de Boisset: "Zorra, il est à Lyon, Zorra !"

 

  Juste pour avoir l'eau à la bouche, voici ci-dessous une nouvelle du même genre :

 

 

La vieille dame du palais Longchamp

 

 

 

            Le palais Longchamp, château d'eau admirable, source intarissable d’enchantement, ne se décrit plus. C'est un joyau de Marseille. L’escalier m’amène jusqu’aux colonnades encadrant les femmes et les taureaux sculptés dominant les bassins. Monument historique à la gloire d’Espérandieu, il ouvre l’accès au jardin qui jouxte l’ancien zoo dont l’entrée se situait jadis près d’un cinéma de quartier qui protégeait ma naissance.

Et vouais ! C’est mon côté cinéma, ça.

C'est là que m'avait fixé rendez-vous mon client de manière assez étrange je dois le dire. Habituellement, je recevais à mon bureau près du Vieux-Port.

En attendant mon client je me promenais dans l’allée qui conduisait autrefois auprès des cages du parc zoologique, c'est dans cet environnement que la mairie du cinquième arrondissement distribuait des prix de poésie au mois de mai et un ami à moi, un poète, y avait gagné une coupe pour une fable.

Il n'y avait pas grand monde dans le jardin au soleil ce jour là. J'ai remarqué toutefois une vieille dame tout habillée de noir avec un chapeau et des lunettes qui fouillait son sac d’une manière assez particulière. Je ne sais plus pourquoi cela avait attiré mon attention mais je l'oubliai assez vite en voyant arriver mon client dans son costume de président sans garde du corps, distingué et hautain dans ses chaussures en cuir bruyantes.

            Encore un mari jaloux, quoique d'après la photo de sa femme, il y avait de quoi ! Il devait avoir plus de cinquante ans et être bientôt à la retraite : avec sa « pastèque », pardon, son embonpoint et son front dégarni agrippant quelques cheveux blancs, il paraissait plus vieux que moi bien que plus fortuné. Et même à l'heure du Viagra, une épouse de guère plus de vingt ans, cela n'aurait pas dû être permis. En plus, ce n'était pas un boudin !

Elle s’appelait Aurélie à l’instar de la femme du boulanger. Bien sûr, on la soupçonnait d'adultère.

La vieille dame passa près de nous, me dévisageant avec un air guindé en balançant son sac à main.

 

            Après quelques jours de filature d’Aurélie à ma façon, je ne le lui avais trouvé aucun amant et aucun homme ne collait à ses basques sinon moi-même. Alors, que dire de ses absences ? De ces moments où elle fuyait son mari pour s'isoler... Eh bien, ce n'est pas si simple mais la belle était cleptomane ! Mais d’un genre assez particulier parce qu'elle ne volait pas n'importe quoi : elle était particulièrement attirée par les bijoux et pas forcément dans une bijouterie mais dans tous les endroits où on pouvait en trouver à commencer par les grands magasins de la Canebière ou de la rue Saint Férréol, c'est là que je l’avais surprise, toute simple, à peine maquillée, en jeans et baskets, bien sûr, très discrètement et sans rien dire à personne. C'était curieux. On aurait dit qu'elle attendait que je sois là pour agir ; impression idiote, elle ne pouvait pas savoir que je la filais, voyons !

            Je n'avais pas à me substituer à la petite police. Il ne s'agissait pas pour moi d'un crime nécessitant d'appeler mon amie la commissaire. Cathy avait d'autres chats à fouetter que de s'occuper de ces petits larcins. Mais que devais-je dire à mon client ?

Je me résignais à simplifier mon rapport et dire simplement qu'elle passait son temps à fouiner dans toutes les boutiques qui pouvaient l’intéresser et notamment celles qui présentaient des colliers ou des bagues. Il pouvait très bien me rétorquer qu'elle avait largement assez d'argent pour s'en acheter et n'avait nul besoin de les voler. Aurais-je eu l'aplomb de soutenir son regard et de lui dire que c'était simplement une cleptomane et non une « cagole » ?

De toutes façons, quand on dit à un mari qu'il n'est pas cornu, il soupire suffisamment pour ne pas chercher trop loin.  J'étais là pour gagner de l'argent et il était inutile de continuer une enquête pour découvrir ce qui était déjà découvert. Dommage !

 

            Pourtant à une soirée où j'étais invité par l'officier de police Régine Moineo,¨ une dame, la digne épouse du préfet qui portait un collier de prix le vit soudain disparaître en sortant des toilettes. Elle ameuta tous les invités en criant comme une partisane. Les policiers étant déjà sur place, il était inutile de faire sonner les sirènes : une enquête fut menée sur place, on bloqua toutes les issues empêchant tout le monde de partir sans être contrôlé. Sur le moment, je n'y avais pas prêté attention ayant oublié ma précédente enquête mais il me sembla avoir mémorisé un visage que je connaissais mordillant sa lèvre inférieure épaisse dans un sourire désarmant, celle-ci était en robe de soirée de satin gris somptueusement éclatante avec sa coiffure maintenue par un diadème en argent : une splendide blonde hissée sur des escarpins à lanières, c'est le genre de femme que je remarque toujours même lorsque mon nez n'hume pas leur parfum.

Et réflexion rapide de détective, c'était Aurélie ! Mais je l’avais connue beaucoup plus décontractée. C'était l'épouse de mon client de Longchamp. « Tè», un collier disparu, je pouvais faire le rapprochement ! Seulement là, ce n'était plus dans un magasin et c'était un vol à la tire très particulier au milieu d'une assemblée où on pouvait la remarquer. Il fallait que cette fille soit vraiment une rapide ralliant l'agilité de ses doigts en reflets de la rapidité du coup d’œil mais évidemment avec le regard qu'elle avait... Pauvre détective ! Et là, dans une telle robe sans sous-vêtements pour ne pas me marquer le tissu fin... D'ailleurs, avait-elle besoin de « soutien-balles » avec de pareils obus. Elle était fardée, beaucoup mieux vêtue qu'au début, plus femme tentatrice comme si elle savait que je la suivais......

            Évidemment, on ne retrouva pas le collier malgré la fouille de la plupart des personnages suspects sortant de l'immeuble et personne, y compris moi, ne vis sortir Aurélie de là. Je finissais par penser que je m'étais trompé et qu'il ne s'agissait pas d'elle. Un détail pourtant me choqua. La sortie de cet immeuble d'une vieille dame tout habillée en noir portant des lunettes et un sac à main, une vieille dame que j'étais persuadé d'avoir déjà rencontré sans me rappeler bien où. Il est vrai que d'ordinaire mes yeux se portent sur les femmes plus jeunes mais celle-ci exhalait un parfum qui ne m'était pas inconnu et que je ne savais pas définir. Ce n'était pas le genre qui escorte habituellement les grand-mères. Et le clou de l'histoire était une carte de visite épinglée dans le dos de Miss Moineo et portant la signature de A. Lupin. Régine crut à un farceur. Moi, pas.

            Quelques jours plus tard, eu lieu un vol à la banque, ce n'était pas un cambriolage ordinaire mais une jeune dame venue acheter une bague avait dérobé une parure de grande valeur et l'établissement déposait une plainte qui engageait la police à lancer un avis de recherche. Or le signalement correspondait à Aurélie. Étant un peu concerné puisque l'on rapprochait ce vol de la farce faite à Régine, je menais une enquête discrète et malheureusement gratuite pour vérifier l'emploi du temps de Mme Aurélie. Je ne dis pas que j'y prenais quelques plaisirs à suivre le balancement de ses hanches quelque peu convexes hissées sur talons qui conduisaient dans les endroits les plus divers mais c'est encore plus beau lorsque c'est inutile. J'avais cependant, comme on dit, l'impression de me faire pigeonner.

            On trouva encore plusieurs fois cette carte signée A. Lupin. Une fois encore le bâtiment cerné ne permit pas de prendre la coupable. Mais, cette fois, la présence de la petite dame en noir m'intrigua beaucoup plus que la fois précédente…

Peu après, je liais connaissance avec Mamé Rose, c'est ainsi qu'elle me demanda de l’appeler : « Moi, c’est Zorra, Frank Zorra, comme Zorro mais avec un a, me présentai-je mais elle me disait : «  mon gàrri », tu parles d’un surnom ! J'étais sûr qu'elle avait un lien avec les vols, peut-être une parenté avec Aurélie, une lointaine ressemblance car l’aïeule toute voûtée derrière ces grosses lunettes n'avait pas le chic de la femme de mon client pour attirer le regard mais elle se mordillait la lèvre inférieure quand elle souriait. Faire accuser « Mamé » n'était pas évident !

            Le dernier vol tourna très mal. Un des policiers fut tué. Cathy Scrivat intervint : elle se moquait de la cleptomane mais dans cette affaire, il y avait un mort ! Et cela changeait tout pour la commissaire. J'avais fait ami-amie avec Mamé Rose et, peu à peu, j'avais percé le secret : « L'âge, Madame, que nous importe ! » En fait, Mamé et Aurélie ne faisait qu'une ! Un déguisement super ! Une sorte d'armure souple lui permettait en peu de temps de revêtir la panoplie de la vieille et sa souplesse naturelle lui permettait de se voûter et de disparaître sous son masque de rides derrière ses lunettes. Et moi j'avais démasqué Aurélie en me rappelant de ce qui m'avait marqué dans le palais Longchamp : la vieille manipulait dans son sac des bijoux ! C'était ce détail que je cherchais dans ma mémoire qui sortait enfin de son trou ; voilà l’œil du détective !

            Je reçus une carte de visite sur laquelle on avait écrit : « Les Lupin ne tuent jamais ! Je n'ai pas tué. C'est le deuxième le flic qui a tué son copain parce qu’il couchait avec sa femme, profitant du feu de l’action pour régler ses comptes… »

J'ai tendu un piège à Aurélie. Un bijou auquel elle ne pouvait pas résister et là, je l’ai démasquée : plus question de rentrer dans la peau de la petite vieille pour s'échapper. Je l'ai attrapée par le cou, l’arme à la main, mais elle n'opposait aucune résistance. J'ai glissé l'engin inutile dans la poche de ma veste. Elle s'est approchée tendrement de moi. Elle a posé ses lèvres sur les miennes et discrètement usant de son talent de subtilisation, elle a tiré de ma poche mon arme et l’a braquée sur moi. J'ai crié :

« Si tu me descends, ce sera pire pour toi, ils penseront tous que tu as tué le policier. »

Elle a posé l’arme en marmonnant : « les Lupin ne tuent jamais ! »

Je lui demandais quel rapport entre elle et Lupin, le personnage de roman. Elle m'a dit que son nom de jeune fille était bien Lupin, d’autre part Aurélie commence bien par un A comme Arsène, la suite était facile à comprendre.

Je me suis approché d'elle et j'ai respiré J’adore de Dior, le parfum qui transpirait sur Mamé Rose ! Grossière erreur ! Je me suis senti bizarre comme drogué. Elle a souri… Elle m'a embrassé. Un coup de la langue est bien pire qu’un coup de lance ! Jusqu’à en faire frissonner les poils de ma moustache.

            Les policiers frappaient à la porte. Je n'avais qu'à leur ouvrir et c'en était fait de la voleuse d'autant que je la tenais dans mes bras par les épaules, sa grosse lèvre collée à la mienne, mais je l'ai lâchée lentement comme lorsqu'on sort de rêve et qu’on le laisse glisser loin de soi en se réveillant. Je n'ai pas ouvert la porte. Je l'ai regardée partir... Elle a ouvert la fenêtre, a jeté ses chaussures et s'est glissée par la corniche, pieds nus, jusqu'à l'appartement d'à côté. De tout petits pieds cambrés comme je les aime ! Même en jean, elle avait un charme certain : la cambrure des reins, comme dirait Monsieur Brassens. Dieu sait que je n'aime pas les filles en pantalons mais... Je lui ai laissé le temps de disparaître. Une larme au coin de l’œil, je me léchai les lèvres. Saveurs d'un baiser qui s'enfuyait déjà. Curieux, n'est-ce pas ?

Pourquoi l'avoir laissée filer ? J'entendais déjà la question dans la bouche de Cathy... Et ma réponse évasive :

« L’âge, Madame, quelle importance ! »

Et depuis, quand je traverse le palais Longchamp, on se demande certainement pourquoi j’observe toutes les vieilles dames…

 

 

Frank Zorra. Les années 2000



¨ voir le murmure du pastaga dans l'eau glacée dans les pages de droite, autre aventure de Zorra

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11 juillet 2011 1 11 /07 /juillet /2011 20:00

 

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Ce n'est qu'après avoir dégusté l'apéritif maison suivi de fabuleux farcis et  d'un bon dessert à la buvette que les représentants de Provence-poésie sont allés s'asseoir pour écouter près de deux heures de contes offerts par l'association "A ce conte là" de Peypin.

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Après le monde magique de l'enfance, Marie-Anne, la princesse qui dormait au fond de l'armoire retrouve Nicolas, le petit garçon qui ne craint pas les vampires, pour sauver un cheval qui se traîne auprès d'un fermier qui veut l'abattre...face-avant-fees.jpg

L'auteur recrée la féerie autour d'un chevalier tueur de lapin à qui il arrive une drôle d'aventure et d'un gros bonhomme qu'on appelait Noël mais cela suffira-t-il à passionner sa petite fille qui a bien grandi à l'époque des ordinateurs: pour le savoir retrouvez-les au-delà de l'écran dans la caverne vivante au coeur des pages de ce petit livre édité par Provence-poésie (sur commande : tirage limité-- à partir de 11 ans) destiné à ceux qui veulent encore rêver ou faire rêver.

 

 

Article Frank Zorra

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